Cette reprise timide, voire formelle, des fonctions du chef de l’État peut-elle encore s’inscrire dans la durée ? Ce ne serait pas sans conséquence.
Le retard pris par le chef de l’État dans la gestion des affaires publiques du pays est tragique. D’autant qu’il risque de perdurer, si l’on prend en compte la déclaration du Premier ministre, qui a soutenu qu’aucune date n’a été fixée, jusqu’alors, pour la tenue du Conseil des ministres.
Constatons : 15 avant-projets de loi doivent être examinés en Conseil des ministres, qui ne s’est pas réuni depuis le 12 décembre 2012. Soixante ambassadeurs attendent de présenter leurs lettres de créances ou de pouvoir effectuer la cérémonie protocolaire, mais indispensable, visite d’adieu au président de la République, sans compter ceux qui, de guerre lasse, ont déjà rejoint leur pays ou, pour certains d’entre eux, leur nouveau poste dans d’autres capitales.
Sans oublier les centaines de décrets présidentiels (plus de 300 selon certaines sources) qui ne sont pas encore signés.
Plus exactement, 312 sous la gouvernance Ahmed Ouyahia et une vingtaine sous Sellal, précise-ton. L’Assemblée populaire nationale chôme depuis plus de huit mois, sans oser user d’un droit constitutionnel d’initier elle-même des propositions de loi.
Cette situation ne semble déranger personne au sein de la Chambre basse, surtout pas certains députés du FLN qui étaient trop occupés à manœuvrer pour avantager telle ou telle tendance dans le conflit qui a miné leur parti, durant des mois.
Et pourtant, s’il y a un projet qui ne peut pas attendre, c’est celui de la loi de finances 2014 devant être transmis obligatoirement au Parlement, avant le 30 septembre, pour lui donner le temps de le débattre et de l’adopter dans les délais règlementaires et permettre, par là même, son entrée en vigueur impérativement le 1er janvier. Il s’agit de surcroît d’une loi de finances particulière, puisqu’elle devra intégrer les dispositions prévues initialement dans la loi de finances complémentaire 2013. À l’exemple des montants additionnels débloqués par le Premier ministre lors de ses sorties dans les wilayas, les recrutements dans les administrations et les commandes des wilayas auprès des petites entreprises des travaux publics.
En sus du fait que le contenu du projet de loi de finances ne doit pas être rétroactif, il doit prendre en compte le retard que cumulera sur le terrain l’intégration des dispositions de la loi de finances complémentaire 2013 dans la loi de finances 2014.
Les budgets alloués ne seront, probablement, pas disponibles avant mars ou avril 2014. Un véritable problème se posera alors pour les recrutements et les travaux additionnels, à moins de prendre des mesures exceptionnelles pour éviter des licenciements massifs et l’arrêt de certains chantiers. “Qu’importe que ce soit chez lui ou à la Présidence”, tente de rassurer le Premier ministre, indiquant qu’il est en contact permanent avec le chef de l’État. Est-il raisonnable que cette reprise timide, voire formelle, de ses fonctions par le chef de l’État s’inscrive dans la durée ? En plus de la réunion inévitable d’un Conseil des ministres, le chef de l’État est lié par des engagements qu’il n’avait déjà pas honorés l’année dernière, à l’instar de l’ouverture de l’année judiciaire et universitaire.
Après 80 jours passés en France pour des soins, le Président amorce un rythme de travail en total décalage avec le cumul à rattraper.
Pour combien de temps espère-t-il maintenir ce fonctionnement au ralenti des institutions de l’État ? Les changements qu’apportera la future mouture de la Constitution nous donneront certainement quelques éléments de réponse, mais ne suffiront pas à enrayer les conséquences politiques et économiques de l’“hibernation institutionnelle” en cours.
N H