Figure de proue de l’opposition tunisienne, Hamma Hammami a bien voulu livrer aux lecteurs de Liberté le fond de sa pensée sur ce qui se passe en Tunisie et également son point de vue sur les accusations gratuites contre l’Algérie après les attaques terroristes de Djebel Chaâmbi.
Liberté : Récemment, le ministre de la Santé vous a taxé de marxiste-léniniste et a traité votre parti ainsi que ceux qui tiennent un sit-in près du Bardo d’être des “sbires de Ben Ali”…
Hamma Hammami : Ou bien, il parle du Nicaragua ou d’un autre pays, ou bien c’est un gros menteur, et la deuxième hypothèse est la plus plausible. Abdellatif Mekki est un grand menteur et doit savoir que le Front populaire est composé de près de 12 partis mis à part les indépendants. Il est clair que le ministre de la Santé, qui est nahdhaoui, ne veut que faire peur et semer le trouble.
Le parti au pouvoir adopte un comportement qui consiste à tenter de diviser l’opposition et à essayer de se maintenir au gouvernement et à continuer à ignorer les revendications populaires en essayant d’amoindrir et de ridiculiser les gens qui sont sortis protester les 6 et 13 août et ils monnayent ceux qu’ils amènent à la Kasbah.
Un représentant du gouvernement Ennahdha a voulu impliquer l’Algérie dans l’assassinat des huit militaires au mont Chaâmbi avant que Ghannouchi ne rectifie le tir en présentant des excuses aux autorités algériennes. Quel est votre avis ?
De toute façon, pour le Front populaire et le Front du salut national, nous avons toujours eu en tant que composantes politiques de ces deux fronts, des rapports de bon voisinage et de fraternité avec l’Algérie. Mais nous avons quand même remarqué qu’au niveau officiel ou de certains partis, on essaie par tous les moyens d’impliquer l’Algérie dans les événements en Tunisie.
Par conséquent, nous gardons toujours la même conduite, celle d’avoir de bon rapports de voisinage et de fraternité avec le pays voisin sans aucune immixtion ni de notre part ni celle des Algériens dans les affaires intérieures de chaque pays.
Depuis hier, samedi, et jusqu’à la fin du mois, c’est la semaine fatidique en marge de la campagne “dégage”. Pensez-vous y arriver après le statu quo des négociations avec Ennahdha ?
Sans aucun doute. Ennahdha est de plus en plus isolé. Pour faire dégager ce parti mais aussi pour éviter à la Tunisie le syndrome égyptien, on ne peut compter que sur la mobilisation populaire pacifique et citoyenne en organisant ces sit-in. Nous avons demandé à nos militants et aux citoyens d’éviter toutes les provocations et les violences qui ne servent actuellement que le gouvernement Ennahdha qui tente, d’ailleurs, par tous les moyens d’attirer le Front populaire, le Front du salut national, l’Ugtt ou l’Utica dans une dérive.
Nous sommes sûrs qu’avec une grande mobilisation populaire, pacifique et démocratique, Ennahdha va être obligée de faire des concessions. Dans le cas contraire, elle sera la grande perdante comme pour tous les régimes dictatoriaux qui ne regardent que le bout de leur nez.
Dans le cas où vous seriez majoritaires dans le futur gouvernement, quelle politique prôneriez-vous à l’égard de la communauté maghrébine, notamment, algérienne ?
Pour nous, il y a deux niveaux. C’est-à-dire ceux qui vivent en Tunisie et ceux qui viennent en touristes. On essayera par tous les moyens de les privilégier par rapport à d’autres communauté dans la cadre d’une politique entre deux peuples frères et voisins.
Concrètement, on verra au moment opportun comment procéder sur le plan pratique. Mais pour nous, il est clair que nos rapports avec les Marocains, Algériens, Libyens et Mauritaniens, doivent être très privilégiés.