Guillaume Pivot : «Je n’oublierai pas le visage ensanglanté des joueurs»

Guillaume Pivot : «Je n’oublierai pas le visage ensanglanté des joueurs»

Par Il a souffert pour convaincre le premier responsable de la FAF de le laisser vivre cette aventure de l’EN, mais finalement, il a prouvé à Raouraoua qu’il ne s’est pas trompé en lui faisant confiance, dans la mesure où ses vidéos ont fait le tour de la planète et condamné les actes barbares des Egyptiens.

Guillaume Pivot est devenu en l’espace de quelques semaines un fan des Verts et un héros parmi tant d’autres. Contacté hier après-midi, il est revenu sur la mésaventure de l’EN au Caire, mais aussi sur le triomphe réalisé sur les terres soudanaises.

Vos vidéos et reportages ont fait le tour de la planète. En Algérie ou ailleurs, on se les arrache, qu’est-ce que ça vous fait ?

C’est une fierté pour moi et pour Canal+. Et puis, je n’ai fait que mon travail. Je devais couvrir l’événement, celui du retour de l’Algérie parmi les grands, mais j’ai assisté à beaucoup plus que ça.

Vous attendiez-vous à vivre tout ce que vous avez vu, à assister à ce caillassage du bus de l’EN, vous qui étiez venu pour couvrir le match face au Rwanda et un simple match de foot au Caire?

Absolument pas, je savais que l’enjeu était grand, que l’Egypte avait sa chance à jouer dans ce match. Je m’attendais à des intimidations, mais pas à des scènes aussi désolantes.

Racontez-nous comment l’idée de venir couvrir les activités de l’EN vous est venue à l’esprit ?

– Après l’absence de l’Algérie sur la scène internationale, on a pensé utile de couvrir ce retour en force.

C’est de là qu’est venue l’idée de venir en Algérie à l’occasion du match face au Rwanda. On avait un but précis, prendre la température dans votre pays et visiter le MCA, un club qui a cette réputation de club populaire, donc qui représente la ferveur du peuple algérien. On ne croyait pas que notre mission allait être difficile.

C’est-à-dire ?

La FAF n’a pas voulu dans un premier temps nous accréditer, ils nous ont posé un niet catégorique. Ils avaient interdit aux médias locaux d’approcher l’EN, donc pour nous, en tant que médias étrangers, c’était la même chose. On a longtemps discuté avec M. Raouraoua, et ce n’est qu’après des négociations marathoniennes qu’on a réussi à trouver un accord. On lui a fait comprendre que le monde voudrait bien découvrir l’intérieur de cette équipe qui revient après 20 ans d’absence sur le-devant de la scène.

Et Bab El World était né…

Oui, on s’était déplacés spécialement pour un reportage de 26 minutes dans le cadre de notre émission ‘’Intérieur Sport’’. J’avais fait la demande de visiter l’Algérie, un pays que je connaissais déjà pour y avoir déjà voyagé, et on a produit ce premier reportage qu’on a intitulé : «Bab El World», mais on ne savait pas que ça n’allait pas être

Vous voulez sans doute parler des imprévus rencontrés au Caire ?

Oui, la victoire 3-1 face au Rwanda voulait dire que votre EN devait aller arracher son billet qualificatif pour le Mondial en Egypte. On a donc poursuivi l’aventure avec l’équipe, c’est là qu’on a assisté aux incidents dès notre arrivée au Caire.

Racontez-nous ce qui s’est passé…

On est arrivés à l’aéroport du Caire, tout allait pour le mieux, l’accueil paraissait chaleureux, mais à la sortie les choses ont changé, dans un premier temps on a voulu nous bloquer, j’ai réussi à me tirer de ce piège, j’ai pris la voiture qui suivait le bus de la sélection, c’est là que le traquenard a commencé, je filmais le caillassage de cette voiture, c’était horrible. A cet instant, je ne savais pas ce qui s’est passé à l’intérieur du bus, mais les pierres étaient là en train de fuser de partout en direction du bus.

Après, vous êtes arrivés à l’hôtel…

Exactement, quelque minutes plus tard, on est arrivés à l’hôtel et c’est là que je me suis rendu compte du désastre qui avait touché toute l’équipe, je ne m’attendais pas à voir ça, j’ai continué à filmer, c’était des scènes d’après-guerre, avec tout le sang qui coulait.

Vous n’avez pas tardé à les envoyer à vos studios, car on a pu les voir dans les minutes qui suivaient sur Canal et i télé n’est ce pas ?

Dès que j’ai pris ces vidéos, je me suis précipité de les envoyer en France via internet, et c’est là que les vidéos ont commencé à faire le tour de la planète.

Est-ce que vous vous attendiez à ce que vous soyez le seul journaliste en possession des preuves de ces lâches attaques et que vos vidéos provoquent ces réactions à travers le monde ?

J’étais conscient que ce que j’étais en train de vivre était anormal mais que cela prenne autant d’ampleur, franchement, non, mais j’étais prêt à continuer à bosser malgré la difficulté, car je savais que j’allais être désormais surveillé.

Surtout que vos vidéos ont intégré le dossier que l’Algérie a envoyé à la FIFA…

Exactement. Heureusement, d’ailleurs qu’il y avait la vidéo de Saïfi qui était très courageux, ce n’est pas évident d’être victime d’agression et de penser dans un tel moment à prendre son téléphone et filmer.

D’ailleurs, sa vidéo, c’est moi qui l’ai mise sur internet, on l’a même utilisée et elle a consolidé le dossier présenté à la FIFA. Walter Gagg, le responsable de la sécurité de la FIFA, est venu en personne me demander de lui donner les vidéos que j’ai prises, il a pu donc compléter et conforter le rapport qu’il a rédigé.