En Algérie, une formation inadaptée handicape les jeunes diplômés

En Algérie, une formation inadaptée handicape les jeunes diplômés

L’Algérie investit beaucoup dans la formation, notamment dans les universités. Les résultats demeurent toutefois mitigés, avec notamment un décalage entre formation et besoins de l’économie.

Faible ou inadapté ? Le système de formation algérien continue de faire polémique. Premier visé, l’université, accusée de « former des chômeurs », selon un slogan qui s’est imposée, mais qui trouve, paradoxalement des défenseurs, y compris hors des structures officielles. Mohamed Cherif Belmihoub, directeur de l’école supérieure de management, reconnait ainsi l’ampleur de l’effort de l’Etat, tout en appelant à « un diagnostic objectif», pour déterminer les secteurs qu’il faut adapter ou rééquilibrer.

L’effort budgétaire dans la formation est « suffisant », affirme M. Belmihoub, qui refuse de jeter la pierre au système de formation public, accusé de dispenser un cursus inadapté. L’Etat doit « insister sur le système éducatif de base », dit-il, car « la formation ne se limite pas à l’école et l’université ». « Sans négliger la formation fondamentale, l’université doit former des jeunes prêts à 80% à l’employabilité. Le reste, c’est de l’adaptation ».

Ce discours tranche avec celui qui domine, notamment au sein des associations, qui font porter au système éducatif une partie des difficultés des jeunes. Le sociologue Abdelkader Lakdjaa a conforté cette vision, en déplorant, samedi dernier, « le caractère massif du phénomène de rupture scolaire », qui provoque un « déclassement social » d’une partie de la jeunesse.

Adapter le système après un bon diagnostic

Cette critique radicale du système éducatif est abordée avec prudence par M. Belmihoub. L’université algérienne compte 1.3 millions d’étudiants. « C’est un bon indicateur, même s’il faut voir ce qu’il y a dans ce chiffre », du moment que 37.5% des chefs d’entreprises disent ne pas trouver les compétences recherchées, dit-il. « Il faut donc rééquilibrer », après avoir établi « un diagnostic objectif » en vue de savoir pourquoi ces jeunes ne trouvent-ils pas d’emploi.

Un professeur à l’Université des Sciences et Techniques Houari Boumediène de Bab Ezzouar, à Alger, énumère trois raisons du chômage élevé chez les jeunes diplômés : l’inadéquation de la formation avec les besoins de l’entreprise, des besoins mal exprimés dans le monde du travail, et une économie insuffisamment dynamique et peu performante, créant des emplois sans qualification. « Une micro-entreprise créée grâce à l’ANSEJ a peu de chances de recruter un ingénieur ou un directeur de ressources humaines », dit-il, précisant que ceci a un résultat sans un appel : le taux d’échec dans la création d’entreprises est « très élevé ».

Idées reçues

M. Belmihoub a par ailleurs tordu le cou à une idée très répandue en Algérie, selon laquelle seuls cinq pour cent des étudiants sont dans des filières scientifiques. Selon lui, 30 à 35% des étudiants sont dans des filières scientifiques et techniques. Mais malgré cela, la société algérienne n’offre pas assez de débouchés aux diplômés des sciences sociales, qui souffrent davantage du chômage, lequel touche, curieusement, 20 à 25% des diplômés de l’université. Le résultat est paradoxal : quand on fait l’université, on a moins de chances de trouver du travail que quand on se contente d’une formation rudimentaire. Cette économie, peu qualifiée, va à l’encontre de ce que préconise l’économiste Abdelhak Lamiri, qui appelle à privilégier une « économie de la connaissance ». Pour y arrive, il prône un « plan Marshall de la formation ».

Cela ne veut pas dire que la formation n’est pas bonne, mais qu’elle est inadaptée, ou décalée. M. Belmihoub en veut pour preuve que nombre de jeunes diplômés sont très côtés à l’étranger. « Il y a des promotions entières qui quittent l’Algérie », notamment celles issues de certaines grandes écoles. Ce constat est conforté par un professeur à l’école polytechnique d’Alger, qui a déclaré à Maghreb Emergent avoir retrouvé « près de la moitié d’une promotion » au sein d’une école française