Leur nombre dépasse les 4 000 à l’échelle nationale
Rémunérés sur deux années à 12 000 DA/mois (8 000 DA auparavant), les inscrits au pré-emploi ont droit à une année renouvelable et se retrouvent par la suite au chômage.
Ils sont nombreux les médecins recrutés dans le cadre du Dispositif d’insertion professionnel (DIP) et qui sont payés à 12 000 DA/mois. Scandaleux, honteux, humiliant, les mots ne suffisent pas pour décrire la situation tragique des médecins algériens.
Après avoir accompli sept ans d’études avec un volume horaires chargé, un rythme infernal d’examens, des conditions d’études peu reluisantes, les médecins généralistes se retrouvent, à la fin de leur parcours universitaire, livrés à leur triste sort. En effet, les médecins ne sont guère privilégiés dans le marché du travail. Ils sont soumis aux mêmes conditions de recrutement que ceux qui ont une licence ou un ingéniorat.
De ce fait, le passage par un poste de pré-emploi devient obligatoire pour cette corporation tant respectée dans d’autres pays. Une virée aux services de l’Agence nationale de l’emploi (ANEM) ou dans n’importe quel établissement hospitalier nous permet de constater que le nombre de médecins embauchés sous cette formule défraye la chronique.
Le Dr Lyes Mérabet du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP) a estimé le nombre de médecins recrutés dans le cadre de pré-emploi à 4 000.
Selon lui, ce chiffre va crescendo, compte tenu du nombre de diplômés qui se présentent chaque jour aux guichets de l’ANEM. «Je conseille aux nouveaux bacheliers de s’abstenir de s’inscrire en médecine vu l’état déplorable dans lequel se débattent actuellement les médecins et les patriciens qui ne font l’objet d’aucune distinction par rapport aux autres professions», déplore-t-il.
Et d’ajouter : «Ainsi, tout le monde se retrouve sur un pied d’égalité, touchant tous le même salaire». Notre interlocuteur a dénoncé les contrats de pré-emploi qui, selon lui, constituent «une véritable humiliation» pour ce corps de métier.
Rémunérés sur deux années à 12 000 DA (auparavant, c’était… 8000 DA) par mois, les inscrits au pré-emploi ont droit à une année renouvelable et se retrouvent par la suite au chômage. «Le ministre de la Santé n’a pas tenu sa promesse de résoudre le problème» a-t-il regretté.
A rappeler que le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, a affirmé l’année dernière que la situation des médecins et des paramédicaux recrutés dans le cadre des contrats de pré-emploi sera régularisée au cours de cette année, et ce, en application des décisions du président de la République. Malheureusement, regrette le Dr Mérabet, rien n’a été fait à ce jour pour absorber les 4 000 postes précaires.
Le conseil de l’ordre médical a tiré à maintes reprises la sonnette d’alarme, considérant que le recrutement de médecins dans le cadre du dispositif du contrat de pré-emploi est «une offense à la profession et aux praticiens».
Le personnel concerné est confronté à la précarité de l’emploi étant donné que la durée du contrat est fixée à 2 années (voir le décret exécutif n° 04-102 du 1er avril 2004 modifiant et complétant le décret exécutif n° 98-402 du 2 décembre 1998 portant insertion professionnelle des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur ainsi que des techniciens supérieurs issus des instituts nationaux de formation). Dans le cas où des postes budgétaires ne sont pas dégagés par la Fonction publique, la perte du poste devient inéluctable.
Discrimination salariale
Au sein des structures hospitalières, on constate que les tâches ne diffèrent pas trop d’un médecin à l’autre. Ce qui est différent, par contre, c’est le salaire qu’ils perçoivent à la fin du mois. «A travail égal, salaire égal».
Un principe qui semble apparemment encore méconnu dans le secteur de la Fonction publique, notamment dans la Santé. Sinon comment expliquer que des médecins qui exercent dans le même hôpital et ayant tous un Bac+7 sont rémunérés différemment.
«Ce soi-disant salaire est une insulte étant donné qu’on fait le même travail que les permanents avec des gardes diurnes et nocturnes», fulmine un jeune médecin exerçant au niveau des urgences de l’hôpital Mustapha-Pacha. Pourquoi cette discrimination salariale ? Telle est la question que se posent des centaines de médecins généralistes, chirurgiens-dentistes. «Je supporte des conditions de travail souvent déplorables, pourvu que j’exerce dans la santé.
Mais cela ne peut durer éternellement car si aucune mesure n’est prise pour nous titulariser, je ferai le mauvais choix en optant pour une autre activité», déplore-t-il. «Depuis deux années que j’attends d’être permanisé et à chaque fois on m’avance qu’il faut encore patienter», affirme un autre jeune médecin qui a dû rester deux années au chômage durant lesquelles il s’est contenté de petits boulots.
Un autre médecin affirme qu’il a accepté de travailler dans le cadre du pré-emploi pour ne pas sombrer dans la dépression. «Certes, c’est mieux que de rester au chômage.
Mais à l’hôpital on subit une charge de travail à la limite du supportable avec un salaire qui demeure relativement bas» déplore-t-il, précisant que les clauses du contrat ne semblent pas être respectées du fait que les recrutés du pré-emploi sont tenus d’exercer à mi-temps, alors que la nouvelle réglementation impose de rester sur les lieux de travail jusqu’à 16h et assurer des gardes médicales, rémunérées à raison de 700 DA la garde.
Déperdition des médecins
La situation déplorable qui caractérise le secteur de la Santé a poussé les médecins algériens à chercher leur bonheur ailleurs. A titre d’information, environ 6 000 médecins d’origine algérien se trouvent actuellement au Canada et en France, mais qui ne peuvent exercer en tant que tels vu que leurs diplômes ne sont pas reconnus dans l’Hexagone.
De ce fait, il y a déperdition de médecins sachant qu’en moyenne 10% des jeunes médecins ne trouvent pas de poste de travail. Cette formule de pré-emploi, qui se veut intermédiaire du fait qu’elle offre la possibilité au jeune médecin d’avoir une expérience pratique et qui sera comptabilisée avec deux points le plaçant dans une position prioritaire dans le cas d’un recrutement comme permanent, a montré ses limites notamment en ce qui concerne la rémunération et ce, pour une charge de travail de 40 heures par semaine.
«Je préfère être infirmière à l’étranger que d’être recrutée comme médecin à raison de 12 000 DA en Algérie», conclut une jeune étudiante en 5e année de médicine.
Ce que dit la loi
Le décret exécutif n° 04-102 du 1er avril 2004 modifiant et complétant le décret exécutif n° 98-402 du 2 décembre 1998 portant insertion professionnelle des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur ainsi que des techniciens supérieurs issus des instituts nationaux de formation, décrète que la durée du contrat de pré-emploi (CPE) est fixé à une (1) année.
Cette durée peut-être prorogée, à titre exceptionnel, une seule fois, pour une période de six mois pour le secteur économique. Pour les institutions administrations publiques, la durée du contrat CPE peut être abrogée d’une année complètement à la charge de l’Etat.
Hocine Larabi