Commerce avec l’UE : Le premier arrivé ne sera plus le premier servi

Commerce avec l’UE : Le premier arrivé ne sera plus le premier servi

Le ministre du Commerce, Bakhti Belaïb, veut frapper vite, fort et porter loin pour réorganiser durablement le commerce extérieur du pays.

Jeudi dernier, un communiqué du ministère du Commerce a pratiquement annoncé la mise à mort du système Fifo, instauré par l’accord d’association avec l’Union européenne et appliqué dès 2005 par les importateurs algériens pour l’acquisition des produits contingentés. En fait, l’accord d’association avec l’UE donne droit aux importateurs algériens d’avoir accès à des prix compétitifs à des produits contingentés, c’est-à-dire des quotas réservés à l’Algérie. Dans le cas du sucre, le quota algérien était en moyenne de 150.000 tonnes/an et le premier importateur arrivé était servi le premier, selon le principe ‘’premier arrivé, premier sorti». L’UE réservait pour l’Algérie des quotas de produits agricoles négociables auprès de ses Etats membres. En tout, il y a dans la corbeille 99 produits contingentés. Or, les importateurs algériens ne s’intéressent qu’à 22 produits, dont le blé dur, le sucre, la levure et la margarine. Et, en prélude à l’instauration des licences d’importation, annoncée dès le mois de janvier dernier avec le réaménagement de la loi de juillet 2003, le département de M. Belaïb a annoncé, jeudi dernier, que ‘’dans le cadre de la gestion des contingents tarifaires des produits agricoles et agroalimentaires originaires de l’Union européenne, le ministère du Commerce informe les opérateurs économiques que la gestion des contingents par le système Fifo est supprimée».

Le ministère ajoute qu’»un nouveau système de gestion des contingents sera mis en place d’ici la fin de l’année», et ‘’les opérateurs économiques seront informés dès la mise en place du nouveau dispositif de gestion des contingents». Il est clair que le ministère du Commerce va, très bientôt, mettre en place un nouveau système d’accès au marché européen des produits agricoles. Et, dans le même temps, signifier la fin du système Fifo. Le système Fifo est l’expression comptable anglophone ‘’First in first out», soit ‘’premier entré premier sorti». C’est une méthode ‘’de gestion des stocks dont l’objet est de faire sortir les marchandises et matières premières par ordre d’entrée en stock. Ce sont donc les entreprises qui, utilisant des denrées périssables pour leur production, ont recours à la méthode du ‘’premier entré premier sorti».

Cette option Fifo permet non seulement de consommer les produits périssables avant échéance, mais également de réduire les coûts de stockage. Or, pour les entreprises importatrices algériennes, il s’agit de produits achetés dans le cadre de contingents tarifaires pour la consommation et non pour la production. La nuance est de taille, hormis quelques produits de transformation. La mesure prise par le ministère du Commerce de supprimer l’option Fifo va ouvrir tout droit une voie royale pour la mise en place des licences d’importation, selon les produits. Et, du coup, durcir la filière, dans le sillage des mesures gouvernementales pour réduire le flux des importations. L’annonce du retour des licences d’importation qui vont concerner dorénavant un ou deux produits seulement par opérateur, qui doit se spécialiser, a été faite du temps de Amara Benyounès, avec le réaménagement de la loi de juillet 2003. Selon la nouvelle mouture de cette loi, adoptée par le Parlement, les opérations de commerce extérieur ne doivent pas porter atteinte aux ‘’exceptions » énoncées dans le nouveau texte de loi, en particulier le volet relatif ‘’à la sécurité et l’ordre public».

En outre, le nouveau texte fait mention de la gestion des exceptions au principe de la liberté des opérations du commerce extérieur à travers la mise en œuvre de restrictions quantitatives ou de contrôle des produits à l’importation ou à l’exportation. D’autres mesures de restrictions au commerce extérieur dans son volet importation se rapportent notamment à la protection des ‘’ressources naturelles épuisables», lorsque ces mesures sont appliquées conjointement avec les restrictions à la production ou à la consommation. Pour ceux qui ont confectionné cette loi, ces exceptions visent également à assurer à l’industrie nationale de transformation les quantités essentielles de matières premières produites sur le marché national, conformément aux règles prévues par les accords internationaux auxquels l’Algérie est Etat-partie. En outre, le nouveau texte stipule également la mise en place de mesures restrictives pour «sauvegarder les équilibres financiers extérieurs et l’équilibre du marché» local ou national. Les autres dispositions de ce texte portent d’autre part sur la nature et les formalités des licences ainsi que les «licences automatiques» et «non automatiques», qu’elles soient d’importation ou d’exportation. La nouvelle mouture de ces licences est qu’elle est dorénavant «compatible» aux règles de l’OMC, en ce sens qu’elles veillent à l’équilibre du marché. Il ne s’agit donc plus des licences d’importation classiques des années 1970 et 1980 lorsque cette licence représentait une autorisation pour importer. En clair, le ministère du Commerce est en train de mettre les mécanismes d’adaptation de la législation nationale, dont le fonctionnement du commerce extérieur, aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et, surtout, de dépoussiérer les anciens textes de loi régissant le secteur. Et verrouiller le créneau des importations de produits européens, car dans l’intervalle, l’Algérie avait demandé à revoir certaines clauses de l’accord d’association relatives à l’accès des produits algériens sur le marché européen.