«Si l’Algérie bat la Slovénie, elle ira au second tour»
Invité de la rubrique «Face aux lecteurs de France Football», Zinédine Zidane a longtemps parlé de l’Algérie en abordant des sujets inédits comme les prénoms de ses quatre fils, la langue kabyle et la qualification des Verts en Coupe du monde. Zizou confirme également l’information donnée en exclusivité par Le Buteur sur son prochain voyage en Algérie où il compte participer à un tournoi de futsal.
L’équipe de France, Henry, Gourcuff, la vidéo, Zinédine, vous qui êtes d’origine algérienne et qui avez joué toute votre carrière sous le maillot de l’équipe de France, êtes-vous sensible au débat sur l’identité nationale qui secoue le pays aujourd’hui ?
Je suis d’abord français et fier d’avoir porté le maillot des Bleus, avec lequel j’ai fait toutes les sélections, des pupilles à l’équipe A. Je ne me suis jamais posé la question de mon identité. J’ai fait partie de l’équipe de France, j’ai été embarqué dans le même bateau que mes copains, point final.
Quel regard portez-vous sur les Bleus ?
Il y a du bon et du moins bon. Cette équipe est critiquable, mais je préfère en ressortir le positif, même si c’est difficile de la voir jouer ainsi alors qu’il y a de bons joueurs. Je défends cette équipe et je la vois faire de grandes choses en Afrique du Sud.
Malgré tout…
Ce n’est pas agréable de la voir s’en sortir très difficilement à chaque fois. Son groupe de qualification était à sa portée, ainsi que les barrages, mais bon… J’étais dans les tribunes du Stade de France, contre l’Eire, et, à la fin, j’ai poussé un gros ouf de soulagement. On aurait dû avoir des difficultés lors du match aller en Irlande, et c’est l’inverse qui s’est produit. A l’arrivée, on est qualifiés. En tout cas, comme je n’étais pas venu pour faire la fête, je n’ai pas fait la fête.
Qu’avez-vous pensé des propos d’Aimé Jacquet qui estimait que quatre ans c’était suffisant pour un sélectionneur ?
J’ai été un peu surpris. Car Aimé est un des soutiens de Raymond Domenech au départ. Cela étant, il ne l’a pas critiqué, il a juste dit que six ans, c’était long. Il n’a pas dit non plus qu’il ne devait pas continuer jusqu’en Afrique du Sud. Moi, je n’ai pas envie de critiquer le sélectionneur, qui a accompli un parcours moyen mais auquel on a demandé de qualifier l’équipe pour le Mondial. Il l’a fait. Maintenant, les Bleus ont les moyens de faire mieux.
Le sélectionneur utilise-t-il à chaque fois les meilleurs joueurs du moment ?
Je ne veux pas entrer dans ce débat, même si j’ai mon opinion sur le sujet. Compte tenu de la valeur de certains Bleus, je suis juste déçu de les voir jouer ainsi. Oui, ce sont les meilleurs qui doivent jouer, mais une équipe, c’est aussi un problème de sensibilité entre les hommes.
Sans la blessure de Ribéry, les Bleus auraient-ils été plus performants ?
Bien sûr. C’est le meilleur à son poste. C’est un joueur comme Messi, Ronaldo… Maintenant, il ne faut pas réduire l’équipe de France à un seul joueur, même si ce genre de joueur sait créer des différences.
Quelle est sa meilleure place ?
A gauche. Il sait déborder, centrer, il est complet.
On ne ressent pas la même cohésion chez les Bleus d’aujourd’hui que chez ceux d’hier. Est-ce aussi votre sentiment ?
Pour retrouver une cohésion comme la nôtre, en 1998 et 2000, il faudra se lever de bonne heure ! C’est simple, lors des phases finales, on passait deux mois ensemble et j’avais la sensation, à l’arrivée, qu’on était réuni depuis une dizaine de jours seulement. Le temps passait vite. Nous étions heureux ensemble. Cela ne s’est pas fait en un ou deux ans, mais en plusieurs années. Donc, il faut laisser du temps à cette équipe. Même en 2002, quand les médias se sont déchaînés après notre élimination en Asie, quand le public nous a critiqués, on est restés très soudés en interne.
L’équipe actuelle est jeune. Certains de ses joueurs ne sont-ils pas portés au nu trop tôt ?
Bien sûr, et ça ne va pas s’arranger avec le temps. A mon époque, il y avait un jeune qui sortait, mais il était isolé, alors qu’aujourd’hui ils sont trois ou quatre à arriver en même temps. On en fait vite des joueurs d’exception alors qu’ils n’ont pas prouvé grand-chose. En 1998, j’avais vingt-six ans quand la France est devenue championne du monde et, en 2000, vingt-huit quand elle a été sacrée championne.
On imagine que vous êtes très heureux de revoir l’Algérie à la Coupe du monde…
Je suis super content. Les Algériens méritent amplement leur qualification. ça faisait longtemps que je n’avais pas vu l’Algérie jouer de cette manière. Maintenant, ce n’est que du bonus. Elle peut aller sans pression en Afrique du Sud.
Peut-elle passer le 1er tour ?
Si elle gagne le premier match contre la Slovénie, oui. Derrière, ça va être l’Angleterre et ça peut donc se jouer contre les Etats-Unis. Il y a beaucoup de joueurs de qualité. Une CM, ça transcende un joueur ! En 2006, j’étais « à la rue » sur la fin avec le Real Madrid et j’ai réalisé une énorme CM.
Si le sélectionneur algérien vous demandait de lui donner un coup de main, le feriez-vous ?
(Enigmatique). Peut-être que c’est déjà fait… Il y a des choses que j’ai envie de faire, mais dont je ne veux pas parler publiquement. ça reste entre moi et les intéressés,
les joueurs, dont quelques-uns que je connais déjà. ça ne veut pas dire non plus que je ferai quelque chose chose avec eux. Tout ça ne regarde que moi.
Auriez-vous aimé que la France et l’Algérie se retrouvent dans le même groupe ?
Pas du tout ! Le plus tard sera le mieux. J’ai envie que ces deux pays aillent le plus loin possible.
Un Algérie-France en amical est-il encore possible ?
J’ai déjà fait ce match au Stade de France. Le terrain avait été envahi et j’avais été déçu pour les supporters venus exprès d’Algérie pour cet événement. Mais oui, j’ai envie de revoir un tel match. En mars 2010, je vais participer à un tournoi de futsal organisé en Algérie par Henri Emile, le patron du futsal à la Fédération française.
Auriez-vous pu porter le maillot de l’Algérie ?
Ma carrière en équipe de France n’a pas commencé avec les A. Depuis les minimes, j’ai fait toutes les sélections possibles. Il n’était donc pas possible de jouer pour l’Algérie. Mais comme l’OM, l’Algérie a toujours été dans mon cœur. Ce sont deux équipes que j’ai toujours supportées et que je veux voir gagner.
Voyez-vous une équipe africaine aller loin dans la compétition ?
Ca va être dur pour la Côte d’Ivoire, car elle tombe dans un groupe très difficile. Cependant, je crois en cette équipe. Toutes les sélections africaines auront une chance. Il y a énormément de joueurs qui se sont imposés dans les grands championnats européens. Avec un entraîneur qui arrive à bâtir une équipe, ça peut faire mal. Je pense à la Côte d’Ivoire et au Cameroun.
Avec vos parents, parlez-vous encore kabyle ? Et si oui, pouvez-vous nous dire quelques mots ?
Hamdouallah (Dieu merci). Labas (ça va). Azul (bonjour). Avec mon père, on parle souvent en kabyle. Mais je le comprends mieux que je ne le parle.
Pourquoi aucun de vos quatre enfants ne porte-t-il un prénom arabe ?
Ma femme n’a pas les mêmes origines que moi. Comme tous les couples, on a discuté des prénoms qu’on voulait donner à nos enfants. Ce n’est pas parce que je vais appeler mon fils Mohamed ou Enzo que ça va changer quelque chose à mes convictions. Si Ali ou Tarek nous avaient plus à tous les deux, on aurait pu prénommer un de nos fils comme ça.
Qu’est-ce qui vous manque le plus et le moins dans le foot ?
Le plus, c’est le terrain, l’adrénaline, arriver dans un stade où il y a 80 000 spectateurs. Le moins, c’est la pression médiatique, les conférences de presse, tous ces trucs qui reviennent en boucle. Il y a également les mises au vert. J’en avais marre de manger des pâtes ! Tout ça, c’est pour les jeunes (il rit). Il faut les tenir !
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