«Mon nom floqué sur le maillot national m’a rappelé que j’étais walou sans l’Algérie.»
Comme à chaque fois, c’est avec disponibilité et franchise que Karim Ziani répond aux questions du Buteur. Présent au stage du Castellet dès le premier jour, il apprécie ce moment de retrouvailles avec ses coéquipiers, tout en nourrissant des ambitions légitimes pour la Coupe d’Afrique des nations qui commencera dans quelques jours.
Comment se déroule le stage, vous qui êtes présent ici depuis le premier jour ?
Comme c’est devenu une habitude, tous les joueurs ont été heureux de se retrouver en regroupement, surtout que nous ne nous sommes plus revus depuis le match du Soudan contre l’Egypte et la liesse populaire qui avait suivi notre qualification pour la Coupe du monde. Nous n’avions pas eu le temps de profiter pleinement de ces moments historiques. Cependant, nous nous concentrerons cette fois-ci sur la préparation de la Coupe d’Afrique des nations. Nous profiterons également de cette occasion pour discuter entre nous car nous sommes devenus réellement une seule et vraie famille, à tel point que chacun de nous a hâte que le prochain stage arrive.
Le premier jour du stage n’a pas été ordinaire puisqu’il y a eu la visite de la grande star Zinédine Zidane. Comment appréciez-vous sa visite ?
En toute franchise, cela a été une belle surprise pour nous bien que le groupe n’ait pas été au complet. Nous avons apprécié de discuter avec Zizou qui paraissait très décontracté, comme s’il nous connaissait depuis de nombreuses années. Il nous a parlé sans protocole, ce qui a donné lieu à une ambiance très détendue. Même lui a apprécié cette situation en nous affirmant qu’il n’imaginait nullement qu’il régnait une ambiance si familiale au sein de la sélection nationale.
Vous a-t-il dit quelque chose à titre personnel ?
Non, pas particulièrement. Il m’a parlé en présence des autres joueurs. Il nous a dit que nous avions les moyens d’aller loin à l’avenir et qu’il ne fallait pas que nous gâchions cette occasion. Cependant, il ne m’a rien dit à moi personnellement.
Il vous connaît certainement…
Oui, il me connaît et il m’appelait par mon prénom, Karim. J’ai remarqué qu’il était très modeste. Il ne m’a pas fait sentir, tout au long de la discussion, qu’il était une star mondiale et nous des joueurs de seconde zone.
En définitive, quelle conclusion avez-vous tirée de cette visite surprise ?
La chose la plus importante que j’ai comprise est que Zizou nous parlait avec le cœur et il ne se forçait pas lorsqu’il riait ou plaisantait avec nous. Sa visite a été conviviale et motivée par sa conscience de ses racines algériennes. C’est pour cela qu’il est paru tellement détendu que s’il était resté avec nous toute la nuit, il ne se serait pas lassé. En tout cas, cette visite a réjoui tout le monde. Inch’Allah, ce sera un porte-bonheur pour nous avant la CAN.
Revenons à la préparation de la CAF. Où en est la situation ?
Je pense que les choses sérieuses commenceront le 2 janvier. Actuellement, nous nous adonnons à des entraînements légers afin de maintenir notre condition physique et nous sommes soumis à des contrôles médicaux.
Beaucoup de gens craignent que l’Algérie devienne l’équipe à battre…
C’est normal et il faudra s’y attendre car l’Algérie est qualifiée en Coupe du monde et elle sera le seul Mondialiste de notre groupe dans cette CAN.
Cependant, nous n’avons pas à nous inquiéter de cette situation. Il suffira juste de respecter tous nos adversaires et surtout pas ne sous-estimer notre niveau car nous pouvons aller loin dans ce tournoi.
Cependant, le sélectionneur affirme que la CAN doit constituer une préparation intermédiaire pour le Mondial et qu’il ne faudra pas mentir au peuple car il est impossible de gagner la Coupe d’Afrique…
Quelle est la personne ou la sélection qui pourra affirmer, 15 jours avant le début du tournoi, qu’il remportera le trophée ?
C’est impossible ! Dans le même temps, qui aurait pensé que l’Algérie se qualifierait pour la Coupe du monde après le tirage au sort ?
Vous uniquement…
J’avais déclaré dès le départ que j’ambitionnais de participer à la Coupe du monde et beaucoup avaient rigolé à l’époque. Même lors du premier tour de qualification, lorsque nous étions dans la poule du Sénégal, beaucoup de gens donnaient cette sélection comme favori et allait se qualifier à nos dépens. C’est pour cela qu’il ne faut jamais considérer le football comme une science exacte.
Ce qu’il faut faire, c’est entrer sur le terrain avec l’idée de gagner le match. Moi, je suis un joueur qui refuse de perdre. Je n’aime pas entendre l’expression «celui-là est plus fort que moi», comme si je me résignais et perdais le match avant même de le jouer.
Donc, pour vous, l’Algérie va gagner la Coupe d’Afrique…
Je n’ai pas dit ça. J’ai dit que nous, joueurs, devrons jouer pour gagner et nous préparer pour aller le plus loin possible dans cette épreuve. Seul Dieu sait où nous nous arrêterons. Quant au sélectionneur national, je pense qu’il ne dévoile pas ses cartes car je suis convaincu que lui aussi ambitionne d’aller loin dans cette compétition, surtout que cela nous permettra de bien nous préparer pour la Coupe du monde. J’aimerais ajouter une chose…
Quoi ?
Sincèrement, si c’est pour se faire éliminer au premier tour de la CAN, je préfère rester chez moi. Je suis ambitieux et l’Algérie a le potentiel pour aller loin dans cette phase finale. Après tout, tout est possible et personne ne peut prédire l’avenir.
Vous semblez ne pas accepter que l’Algérie ne joue pas pour remporter la CAN…
Lorsqu’on possède un groupe de joueurs qui ont réussi à écarter le champion d’Afrique en titre, c’est légitime de vouloir aller loin en Coupe d’Afrique. Quand je me remémore ces images fantastiques du peuple algérien à notre retour du Soudan, je dis que nous n’avons pas le droit de décevoir ce peuple formidable qui nous a fait vivre les plus beaux instants de notre vie au point où je n’ai pas oublié à ce jour ces images qui resteront gravées dans ma mémoire et que je n’imaginais pas vivre un jour.
Qu’est-ce qui vous a marqué dans ces images ?
Les gens qui se bousculaient vers notre bus, à tel point qu’il y en avait qui étaient prêts à mourir pour s’en approcher. Il y a ainsi les innombrables maillots floqués de mon nom. J’étais fier que le nom de ma famille soit porté sur le maillot national. Je me suis souvenu de mon enfance où j’étais anonyme, alors que, grâce à l’Algérie, je ne suis pas resté un walou («rien», il l’a dit en arabe, ndlr), comme on dit chez nous. J’en serai reconnaissant à l’Algérie toute ma vie.
Votre retour aujourd’hui à Marseille, à l’occasion du stage de la sélection nationale, ne vous rend-il pas nostalgique de l’Olympique de Marseille où vous avez évolué la saison passée ?
Dieu merci, j’ai laissé ma place propre dans cette ville puisque les supporters de l’OM me respectent toujours.
De même, les joueurs marseillais continuent de me contacter et me disent que je leur manque car je créais une bonne ambiance au sein du groupe.
Selon vous, quelle sera la clef du succès lors de la CAN en Angola ?
Je pense que la clef sera de jouer avec le cœur et avec le même état d’esprit qui avait prévalu durant les matches contre l’Egypte. Cela doit prévaloir lors de tous nos matches.
Optimiste donc avant la CAN…
Naturellement ! Sinon je serais resté chez moi, comme je vous l’ai dit. Je suis convaincu que nous avons nos chances pour réussir et rendre le peuple algérien heureux de nouveau.
Entretien réalisé par Redouane Bouhanika