Yasmina et mohamed ouvre les 4es JCA à la cinémathèque , L’homme qui habitait ses romans…

Yasmina et mohamed ouvre les 4es JCA à la cinémathèque , L’homme qui habitait ses romans…

L’obéissance a été le moteur de sa vie, «Qui suis-je?» se demandera Moulessehoul à la sortie de l’armée. «Je serai écrivain», répondra sa voix intérieure.

«J’ai toujours été touchée par sa littérature en particulier par sa période algérienne. C’est un écrivain qui écrit de manière très sensible. C’est un philosophe de la violence en fait. Je trouve qu’il a beaucoup réfléchi là-dessus. Il a écrit des livres qui décortiquent le phénomène de la violence qu’il a connue de plein fouet puisqu’il était militaire à cette époque. J’ai voulu faire un film sur lui, car d’une part, sa littérature me touche et d’autre part, c’était un moyen pour moi de parler de l’Algérie en travers de son oeuvre et de sa vie.

Je ne pouvais parler de tout déjà, mais je me suis intéressée aux romans qui ont trait à l’Algérie. Je voulais rester vraiment autour de l’Algérie» a déclaré la réalisatrice Abadia Régine, auteur de Mohamed et Yasmina, une coproduction algéro-française de 63 mn qui retrace le parcours du romancier algérien et universel Mohamed Moulessehoul connu sous le pseudonyme de Yasmina Khadra. Un film qui a fait l’ouverture samedi soir de la 4e édition des Journées cinématographiques d’ Alger qu’organise l’association A nous les écrans en collaboration avec l’Onda et l’Aarc.

Celui qui pensait savoir un peu plus sur Yasmina Khadra et sa femme, en sortira bredouille. Méfiez-vous du titre. La réalisatrice a choisi d’emblée un angle d’attaque bien tracé en relation avec la vie et le parcours presque subi de l’homme Moulesshoul depuis son enfance à nos jours. En fait, l’homme ne sera que le prétexte pour raconter ses livres qui constitueront le fruit et l’ADN même de son existence ravagée par la violence de la guerre de Libération à la décennie noire qui a été surtout le catalyseur déterminant, le poussant à suivre le chemin de l’écriture. De Kenadsa où il est né dans une tribu de vaillants guerriers et poètes, à l’Ecole des cadets de Tlemcen où il y entra à 9 ans, en passant par Oran-ville bouillonnante, mais qui ne lui parlait pas vraiment, mais où il passait ses vacances chez ses parents, à son départ en France, son travail au CCA, ce film témoignage est jalonné d’extraits de ces cinq premiers romans qui ont été rédigés durant la nébuleuse terroriste, au sein de l’armée et même après. A savoir L’écrivain, A quoi rêvent les loups. L’imposture des mots, Le seigneur des agneaux et Kousine K. Exit les autres romans qui ne parlent pas de l’Algérie. Ce sera donc un portrait biaisé, tronqué, mais assumé par la réalisatrice.

Dans ce documentaire, Yasmina Khadra se livre sans concession. Réalisé pourtant il y a plus de deux ans, le film dévoile les envies cachées ou rêves que nourrissait déjà Yasmina Khadra pour son pays, à savoir devenir président de la République pourquoi? Pour donner de l’espoir aux jeunes et les extraire de l’invisible et leur donner une raison solide de participer à la construction de leur pays, et ne pas sombrer ainsi dans la folie meurtrière qui a fait d’eux des terroristes, «victimes d’un système» selon lui.

Si le film reste opaque sur la famille de l’auteur, mis à part sa femme que l’on voit en l’espace de quelques minutes, Yasmina Khadra préfère partager avec nous ces quelques instants d’une quaâda avec ses anciens amis de l’Ecole militaire des cadets où d’aucuns se révèlent désabusés et se disent même trahis par l’image de l’Algérie d’aujourd’hui. Ses amis se souviennent de lui et de sa passion pour l’écriture, quand il faisait lire à ses camarades ses petites nouvelles et leur amour commun pour la lecture, dans cette école qui les préparait à devenir les éclaireurs de demain. Entouré de ses vieux camarades, Yasmina Khadra évoque l’amitié, mais la traîtrise aussi et le rêve brisé des Algériens en des lendemains meilleurs. Dans ce documentaire, l’on découvre aussi Yasmina Khadra et son producteur Bachir Derraïs attablé à Oran en train de converser sur la finalisation de la série qui était adaptée du Commissaire Lob. Série qui était destinée pour la télévision (coproducteur du film) mais qui n’a pas fait l’unanimité. Pire, certains épisodes ont fait l’objet de censure. Ainsi, des images de piscine et d’alcool dans un bar n’ont pas été vues d’un bon oeil par le comité de censure de la télé algérienne.. Le documentaire qui humanise l’écrivain qui oscille entre la discrétion et le paradoxe de l’exigence, nous laisse toutefois sur notre faim, car ce qui a été dit ou montré nous le savions déjà, pour peu qu’on écoute ou lise les interviews accordées à cet auteur prolifique. La particularité de ce film résiderait peut-être dans la corrélation de cause à effet, établi entre les pans des écritures de Yasmina Khadra et son vécu. C’est lui, qui évoquant Morituri, le livre écrit d’ailleurs dans «un état de catalepsie» selon lui, après avoir assisté à l’attentat d’un cimetière à l’Ouest qui a valu la mort de plusieurs scouts en 1996, dira d’ailleurs qu’il fallait que le personnage du commissaire lui ressemble en lui attribuant ses mêmes valeurs patriotiques et principes humanistes, bien qu’il diffère sur d’autres points.. Un extrait du film sorti par la suite en 2007 est montré dans ce documentaire. Devrions-nous donc chercher l’homme Mohamed exclusivement à travers ses romans? C’est ce que suggère ce film austère en tout cas.

Lors du débat qui a suivi le film, Bachir Derraïs profitera de cette tribune pour remettre sur le tapis l’épineux problème de la non-diffusion des films algériens à la télé, alors que beaucoup de ces derniers se font avec l’aide financière de la télé. Il citera l’exemple de Morituri qui est passé sur Nesma TV et Canal+ et point sur la chaîne algérienne pourtant partenaire sur la production. «Pourquoi le système qui a la main sur la télé ne diffuse-t-il pas les films algériens tels de Merzak Allouache, Nadir Moknache, Lyes Salem, Abdelkrim Bahloul, etc. C’est une question à laquelle les autorités compétentes, la télé et le système doivent répondre» fera-t-il remarquer. Il n’omettra pas non plus de relever le manque flagrant de diffusion dans les salles de cinéma, quand le nombre de celles-ci viennent aussi à se compter sur les doigts d’une seule main. Notons enfin que les Journées cinématographiques d’Alger qui se poursuivront jusqu’au 20 novembre comprennent au programme 35 documentaires et courts-métrages dont 25 films algériens et 10 étrangers. A la fin de la manifestation, le jury, présidé par la réalisatrice algérienne résidant au Canada Nadia Zouaoui, récompensera les meilleures oeuvres. Un seul long métrage est au programme du festival Le facteur du réalisateur Mehdi Abdelhak qui a fait ses débuts dans le court métrage. L’association qui avait déjà organisé du 21 au 25 octobre dernier un atelier sur l’écriture du scénario au profit de jeunes cinéastes, entend organiser un autre atelier supervisé par le Syrien Ghessan Abdellah.