Veut-on un autre Port-Saïd en Algérie ?

Veut-on un autre Port-Saïd en Algérie ?

Une fois encore, la bête immonde a frappé. Cette violence si dévastatrice vient de faire des dégâts dans le stade de Saïda. Mais il ne s’agit pas de dégâts matériels (bien qu’il y en a eu puisqu’on parle d’édifices publics proches du stade saccagés) mais bien humains.

Il n’y a pas si longtemps, un dirigeant du football algérien, devant la recrudescence de la violence dans les stades, avait dit que ce qui s’était passé à Port-Saïd, en Egypte, le 1er février où on avait dénombré 73 morts et plus de 1000 blessés lors d’un match, pouvait très bien se produire en Algérie.

A Saïda, il n’y a pas eu de mort lors des scènes de violence qui ont eu lieu juste après le match MCS-USMA mais on n’en a pas été très loin. Quand on apprend que le joueur du club algérois Abdelkader Laifaoui a reçu un coup de couteau qui a provoqué un pneumothorax, on se dit qu’il est passé tout près de la mort car cela veut dire que la lame est entrée assez profondément dans la chair.

Celui qui tenait le couteau n’a pas frappé Laifaoui juste pour lui faire du mal mais bien pour le tuer. Quand on apprend que Bouchema, un autre joueur, a été agressé par un individu qui n’a pas cessé de le frapper à la tête avec une pierre qu’il tenait à la main, c’est que l’individu en question était animée par des idées d’assassinat.

Oui, ce qui s’est passé à Port-Saïd peut se produire en Algérie, et ce jour-là que ferons-nous ? Faire part de nos regrets puis de laisser le train passer pour oublier ? Ce n’est plus le moment de se taire, faire comme s’il n’y avait rien eu de grave.

C’est que la situation est particulièrement grave. De match en match, de week-end en week-end, l’information selon laquelle la violence dans les stades sévit est relayée, et plus les jours passent, plus la possibilité d’un Port-Saïd bis chez nous s’amplifie. Il y a à peine quelques jours, les Algériens se sont émus de voir qu’une caméra de la télévision avait été balancée par un illuminé à partir de la tribune du stade du 5-Juillet.

Le cas était grave mais l’est-il plus que ce qui vient de se passer à Saïda où des joueurs et leurs dirigeants ont sauvagement été agressés à l’arme blanche et ont frôlé la mort

Oui, à Saïda, la mort a plané sur le stade local où se jouait un simple match de football. Mais était-il vraiment simple pour les dirigeants du club de Saïda qui semblent avoir conditionné ces pseudo-supporters durant la semaine précédant le match en déclarant qu’ils interdiraient à la télévision de retransmettre en direct celui-ci. La rencontre, finalement, ne pouvait plus être télévisée en direct pour cause de deuil national suite au décès d’Ahmed Ben Bella.

Qu’à cela ne tienne, ces dirigeants sont allés jusqu’à interdire l’accès à certains journalistes mais également aux caméras de l’ENTV et de nos confrères du site dzaiwebtv.com.

Comment dans ce cas ne pas se demander si ce qui s’est passé à la fin du match n’était pas prémédité, si on n’avait pas préparé ce coup pour massacrer joueurs et dirigeants de l’USMA à l’abri de tout regard et de tout témoignage ? Pas d’image, silence, on massacre.

D’autant que l’on a appris que les portes du stade ont été ouvertes pour permettre à un maximum gens d’y entrer à titre gracieux, c’est-à-dire les bons mais surtout les mauvais, à savoir les délinquants et les agresseurs. Les individus dangereux capables de tous les excès. Après ça, on lit dans un journal que le président du MCS «regrette ce qui s’est passé», un président qui a l’outrecuidance de faire retomber la responsabilité des incidents sur l’arbitre.

«C’est lui le responsable», a-t-il déclaré, comme si c’est cet arbitre qui avait demandé aux voyous de descendre casser de l’USMA sur le terrain. Pour ce président, cet arbitre aurait exagéré en ajoutant 8 minutes au match, ce qui aurait permis à l’équipe algéroise d’égaliser. Quand bien même il aurait ajouté un quart d’heure, quel mal y a-t-il à cela si le temps additionnel est parfaitement justifié ? Et il l’était en la circonstance.

Les dirigeants du MCS auraient sans doute voulu que l’arbitre siffle la fin au bout des 90 minutes de jeu sans une seule seconde de supplément. Ils devraient méditer sur leurs déclarations incendiaires durant la semaine.

Nous ne disons pas que ce sont eux les coupables, mais ils devraient s’en tenir à prôner la sportivité et non attiser le feu qui couve par des prises de position bassement chauvines du genre «on ne laissera aucune caméra pénétrer dans le stade. «Comme si le caméraman ou le journaliste étaient la cause de tous les malheurs sportifs du MCS.

Et il n’y pas que les dirigeants du club de Saïda à réprimander. Que penser, en effet, de ceux du CS Constantine qui chauffent le bendir depuis des jours pour une prétendue domiciliation de la demi-finale de Coupe d’Algérie que leur club va disputer face au CR Belouizdad, alors que la règlementation est claire ? Que dire de cette sortie médiatique du président de l’ES Sétif, Abdelhakim

Serrar, qui avait annoncé après le tirage au sort des demi-finales de cette même Coupe d’Algérie : «Les Harrachis ne sont pas les bienvenus à Sétif»,

avant de se rétracter et dire au président du club harrachi que ses supporters pouvaient venir à Sétif ? Quand des titres de la presse nationale ignorent totalement les graves incidents de Saïda, quand d’autres en parlent mais les relèguent dans des pages intérieures bien après le «petit rhume de Kadir» ou «la légère entorse de Cadamuro», on se dit que la violence dans les stades a encore de beaux jours devant elle chez nous. C’est vraiment dommage.

A. A.