Plus qu’une histoire à raconter, le FLN propose aux Algériens un feuilleton à regarder. Un long feuilleton avec ses énigmes, ses rebondissements et ses intrigues.
Toute politique se paie et le FLN paie la sienne. Il paie ses choix, à commencer par ceux relatifs aux hommes. Un jour, on plébiscite un secrétaire général et le lendemain on rédige une motion et on se met à signer contre lui pour l’abattre comme on a abattu son prédécesseur. Ce n’est certainement pas un luxe que pourraient se permettre tous les partis. De toute façon, et c’est l’histoire qui le dit, le FLN a toujours fonctionné ainsi. Pourquoi veut-on qu’il change maintenant de méthode de gestion? Si certains viennent de l’apprendre à leurs dépens à la désignation du nouveau bureau politique, ce n’est pas parce qu’ils ne le savaient pas mais plutôt parce qu’ils ne voulaient pas le savoir croyant fermement que cela n’arrivait qu’aux autres. Eh bien, non. Chacun son tour!
Maintenir les amis suffisamment éloignés
Au FLN, la politique pourrait être définie comme l’art de s’entretenir par l’instabilité. C’est aussi l’art de garder les ennemis suffisamment près pour qu’ils renoncent aux armes et de tenir les amis suffisamment éloignés pour qu’ils ne sentent pas l’odeur du fauteuil et éviter ainsi qu’ils aient de mauvaises idées. De toute façon, il y a toujours eu des mécontents au FLN. Ceux qui partent de ce parti sous la pression ne sont jamais contents. Ceux qui y débarquent non plus ne le sont pas. Ceux qui n’ont pu être désignés, ceux qui ne sont pas élus, ceux qui n’ont pas encore eu le temps de faire partie du parti, etc…. Dans la maison FLN, l’observateur a l’impression qu’on s’arrange toujours pour qu’il y ait des mécontents ce qui, soit dit en passant, permet d’assurer le prochain redressement. D’ailleurs, n’est-ce pas que cette histoire de bureau politique a déjà fait regretter à certains «le bon vieux temps» de Belkhadem? A peine arrivés chez Saâdani, les voilà qui pensent déjà refaire leurs valises et repartir et, à peine ont-ils abandonné Belayat qu’ils comptent déjà prendre un ticket pour le retour! Vie, quand tu nous tiens! Habitués à monter des fronts dès que cela ne va pas quelque part, les voilà donc repartis une nouvelle fois contre leur secrétaire général. La raison? Ne pas figurer dans le bureau politique pour certains est inconcevable après «tout ce qu’ils ont fait pour le parti» alors que, pour d’autres, cela demeure de l’inacceptable après «tout ce qu’ils ont fait pour le nouveau SG». Chacun y va de ses arguments, chacun y met de sa logique et tout est là pour se mettre, ensemble, à tirer une nouvelle fois sur la cible. La saison de chasse serait donc ouverte! Dans cette logique et à la lumière de ce raisonnement, la solution pour le FLN paraît difficile, car quand bien même on pourrait avoir un bureau politique qui contiendrait tous les militants FLN, ce jour-là les adhérents et les sympathisants du parti trouveront le moyen de monter des fronts et d’élever des barricades pour demander à y être eux aussi. Plus qu’une histoire à raconter, le FLN propose aux Algériens un feuilleton à regarder. Un long feuilleton avec ses énigmes, ses rebondissements, ses secousses, ses intrigues, ses angoisses pour les uns, ses délivrances pour les autres; avec ses noeuds, ses scénarios et même ses répliques. Avec le FLN, l’Algérien en a vu de tout et même un peu plus. C’est le parti le plus instable d’entre tous et depuis toujours. Mais le FLN c’est aussi un peu l’Algérie. C’est un pan de son histoire, qu’on le veuille ou non. Et depuis le temps qu’il la façonne, l’Algérie a fini aussi par être à l’image du FLN. Cela aussi, qu’on le veuille ou pas. Chacun renvoie l’image de l’autre et reflète ses peines. Chacun reprend les soupirs de l’autre et essaie d’en dissimuler les angoisses. Lorsque l’Algérie ne va pas bien, au FLN on s’entre-tue. Lorsque les choses ne vont pas bien au FLN, l’Algérie s’interroge. Elle s’interroge si le temps n’est finalement pas venu pour envoyer son parti historique au Musée afin d’en préserver ce qu’il y a lieu de préserver. Elle s’interroge s’il n’est pas finalement temps de dissocier l’Algérie d’un parti qui s’entête à faire valoir les réflexes du parti unique bien qu’il n’ait plus aucune raison de se comporter ainsi. On s’interroge sur le bien-fondé de certains agissements d’un parti qui semble ignorer que nous ne sommes plus dans ce fameux Etat du parti des années 1960 et 1970. Le FLN a dirigé l’Algérie depuis toujours, et malgré l’avènement du multipartisme, le FLN a continué à diriger. Que ce soit par le biais de l’Alliance présidentielle ou autre, il a toujours trouvé le moyen de se maintenir aux postes de gouvernement. Même au lendemain de la révolte d’octobre, il était là.
Même au lendemain du fameux vote sanction des années de plomb, il était là. Et même lorsqu’il n’était pas là, en tant que parti, il était là en tant que mentalité, que comportement, que philosophie. Mais le FLN c’est aussi, ses problèmes, ses casseroles qui font tant de bruit, offrant des spectacles pas toujours réjouissants comme on a eu l’occasion de le voir par plusieurs occasions. Et c’est dommage, car pour un parti de cette importance, le mieux aurait été d’être autrement. Aujourd’hui encore, on vient d’apprendre qu’il y a des mécontents au sein du FLN suite à la désignation du bureau politique et c’est déjà le coup de départ pour d’autres scènes, pour d’autres rixes, pour d’autres batailles rangées entre clans auxquelles pourraient avoir droit les Algériens durant les jours qui viennent. Une querelle de clans ne s’est pas encore tue qu’une autre est allumée. Finalement, au FLN, militer ne signifie-t-il pas passer sa vie à éteindre les mèches allumées par quelques irresponsables mécontents et tenter d’éviter l’explosion du parti?
Une période chargée de sens
Le FLN est victime de son importance. Il paie ce qu’on pourrait appeler le tribut du poids. En effet, son poids lui donne une importance particulière lors des élections et c’est ce qui fait de lui un parti convoité par ceux qui veulent influer le cours de ces élections. Lorsque Saâdani a ouvertement déclaré que le FLN est pour un quatrième mandat, cela veut tout dire. Mais lorsque, en dépit de cela, d’autres voix s’élèvent d’ailleurs pour dénoncer son illégitimité à la tête du FLN et pour dénoncer sa campagne, cela veut tout dire aussi. Lorsque, contre l’avis du Conseil constitutionnel, une réunion initialement interdite est autorisée en un quart d’heure, cela regorge de sens. Lorsqu’en pleine campagne pour un quatrième mandat Saâdani se trouve aculé de toutes parts, cela aussi abonde de sens. Il est clair que lorsque cela bouge au FLN, cela signifie que cela bouge ailleurs. Le calme n’est qu’apparent ici et là. Et le soleil dégagé de l’Algérie n’est pas tout à fait serein. Nous ne sommes pas encore sortis de l’hiver. Nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge. Aujourd’hui, l’Algérie regarde le FLN qui regarde l’Algérie. Mais l’Algérie et le FLN se regardent, mais pas droit dans les yeux. Jamais dans les yeux depuis l’indépendance. Avril 2014 est un grand rendez-vous historique qui se rapproche à grands pas. Et apparemment, le FLN n’est pas encore prêt, trop occupé qu’il est par ses casseroles! Et cela aussi regorge de sens.