L’UE a finalement cédé devant la gravité de la crise économique et financière grecque. La Grèce peut faire appel au FMI si elle en sent le besoin.
C’est toute l’orthodoxie financière de la zone euro qui vacille face aux pressions du marché mondial.
Le Sommet extraordinaire de l’Union européenne a consacré toute la journée de jeudi et une partie de la matinée de ce vendredi à l’examen de la situation économique de la Grèce, pour mettre en place un mécanisme de sauvetage de ce pays d’une faillite générale qui, sans cela, se répercuterait, sans aucun doute, sur le reste de l’économie de l’Union.
Après bien de tergiversations et de désaccords au sein de l’Union, particulièrement entre les 16 Etats de l’euro-groupe et les autres, le Sommet s’est incliné devant la dure réalité, non seulement de la crise grecque, mais aussi de ses conséquences sur le reste de l’Europe si des mesures d’urgence ne sont pas prises immédiatement.
C’est ainsi que les 16 Etats qui ont l’euro pour monnaie commune et qui ont exclu et interdit, ces derniers jours, à la Grèce toute demande de prêt au FMI, se sont « inclinés» à leur tour à laisser la Grèce aller vers le FMI jusqu’à hauteur d’un tiers de ses besoins financiers, soit environ 7 milliards d’euros sur les 20 dont elle a besoin dans l’immédiat.
Le restant, la Grèce peut le contracter auprès des 15 autres Etats membres de l’euro-groupe.
A cet accord à minima, l’Espagne, qui assure la présidence de l’Union jusqu’au 30 juin prochain, a ajouté une clause de sécurité : les prêts bilatéraux à la Grèce au sein de l’euro-groupe ne se feront pas automatiquement.
Les prêts seront accordés après examen de la situation budgétaire de l’Etat prêteur.
Cette condition révèle en fait que la Grèce n’est pas le seul Etat en danger de banqueroute.
D’autres Etats membres de l’euro–groupe, tels l’Italie, la France, le Portugal, ne sont pas loin de la situation grecque. Les déficits et dettes publics (par rapport au PIB) de ces Etats avoisinent les 9 %, voire pour certains les 10 %. Alors que la Grèce frôle les 12 %.
Il faut dire qu’en matière de statistiques et chiffres sur les déficits et dettes des Etats, la plus grande confusion, pour ne pas dire opacité, règne.
Les 27 membres de l’UE ont laissé filer les déficits depuis la crise financière internationale de l’été 2008.
Les fameux critères de stabilité et de convergence économiques scellés par le Traité de Lisbonne et qui limitent les déficits à 3 % et la dette publique à 60 % du PIB ne sont plus de mise.
Ce n’est pas rien, parce que cette situation oblige la banque centrale européenne à revoir tous ses ratios financiers à la baisse (niveau des prêts et taux d’intérêts) qui ne seront pas sans effet sur la valeur de l’euro sur le marché mondial des devises.
Par ailleurs, rien n’empêchera les 11 autres Etats de l’UE qui ne sont pas dans la zone euro de faire appel à des prêts ailleurs qu’en Europe et surtout auprès du FMI et la Banque mondiale.
En clair, l’UE, qui tente depuis ces 10 dernières années (avec l’euro) de protéger son économie de l’inflation et de la concurrence à bas prix, vient d’ouvrir son marché au jeu de la spéculation financière internationale et ses perversions économiques (marché de l’emploi, productions etc.).
Vendredi matin, le président permanent du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a averti que le cas de la Grèce est exceptionnel et que ce sera le seul cas que l’UE aura eu à tolérer. Aucune autre exception ne sera plus acceptée de quelque Etat que ce soit.
Et d’annoncer que l’UE est en train de mettre en place un mécanisme européen de stabilité avec, notamment, la création d’un fonds de sécurité contre les spéculateurs. Les observateurs politiques à Bruxelles s’interrogent sur la portée d’un tel projet.
Car, si les Etats n’ont pu respecter les critères de stabilité et de convergence inscrits comme règle de droit dans le Traité de Lisbonne, comment un mécanisme qui sera présidé et dirigé par des techniciens et comptables pourrait obliger les Etats à l’austérité économique et financière ?
A fortiori lorsque les perspectives économiques et les prévisions internationales ne plaident pas pour le recul de la crise et de l’endettement ? Le FMI vient d’annoncer que l’endettement public des pays du « G 20», qui a été de 99 % de leur PIB en 2009, sera de 107 % en 2010 et grimpera à 118 % en 2014 !
Il ajoute même que les pays émergeants seront les moins touchés par l’endettement que ceux occidentaux.
Alors, la Grèce ne peut être un épisode vite oublié et un cas exceptionnel. C’est aussi cela la mondialisation.
Bureau de Bruxelles : M’hammedi Bouzina Med