Le Conseil de l’ordre des experts comptables, des commissaires aux comptes et comptables agréés, tire la sonnette d’alarme sur les risques d’ouverture de l’activité, en Algérie, aux étrangers et d’autres menaces qui guettent la profession tout en demandant une période de transition pour s’aligner sur le nouveau statut.
L’objectif visé à travers la promulgation du nouveau décret relatif aux professions d’expert comptable, comptable agréé et commissaire aux comptes «est essentiellement l’ouverture de la profession à l’exercice par les étrangers par tous les moyens», indique-t-on de même source dans une correspondance adressée au Financier.
A ce sujet, il soutient qu’«aucune évaluation scientifique sur les conséquences et les risques n’a été faite préalablement quant à l’introduction de cette réforme. Alors que nous prévoyons une catastrophe pour la profession, la promotion des jeunes pour ce métier, ce qui fera le bonheur des cabinets étrangers. Et tout ceci ne rentre pas dans l’intérêt de l’économie nationale».
Le Conseil national, regroupant les trois professions en une seule, attire l’attention sur «les risques que cette réforme peut avoir comme conséquence sur l’économie nationale et sur la sécurité financière du pays, du fait que l’une des missions principales que confie le législateur au professionnel comptable, est la protection de l’épargne publique».
Scandales économiques : des commissaires aux comptes désignés d’office
Par ailleurs, son président, Mohamed Lamine Hamdi, dans la même correspondance, dénonce la désignation de commissaires aux comptes, dans les différents dossiers de scandales actuellement médiatisés sans consulter son institution ordinale (le Conseil national des experts aux comptes, des comptables agréés et commissaires aux comptes ndlr).
Il dira : «Cette pratique nous fait percevoir que les scandales que nous vivons aujourd’hui, au niveau des banques, des grandes institutions et sociétés, les commissaires aux comptes ont été désignés, sinon ils ont été cernés intellectuellement dans leur indépendance professionnelle (l’influence de la grandeur de l’institution)».
Une période de transition pour s’aligner au statut de l’expert comptable
Le Conseil s’interroge sur plusieurs points sur les desseins de ce nouveau décret relatif aux professions de comptables agréés, des experts comptables et des commissaires aux comptes, notamment sur la séparation de ces trois corps de métiers.
Pour lui, cela consiste, selon la même source, «à faire affaiblir cette profession, ce qui constitue un des premiers pas dans la vulnérabilité et l’affaiblissement de la profession qui devient ainsi un appât facile aux autres professions (cabinets) dans le monde».
Il demande, dans ce sens, «une période transitoire où les commissaires aux comptes et les comptables agréés seront alignés au statut d’expert comptable autorisé pour mettre un terme à cette multiplication de catégorie».
De plus, rappelle-t-on, le législateur dans son exposé de motifs, avant l’adoption du décret relatif à ces professions, avait fait référence à l’adhésion de l’Algérie à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Chose que le Conseil n’a pas compris.
Une assurance pour garantir la responsabilité civile
Dans le nouveau décret, la tutelle, en l’occurrence le ministère des Finances, est seule autorité habilitée à octroyer les agréments et le contrôle de la qualité des comptes en renforçant ses prérogatives.
Pour ce conseil, «dans ce cas particulier et pour toutes les professions libérales, l’Etat a exprimé sa puissance par le moyen d’un diplôme. Encore que dans certains pays l’Etat s’est désisté de nombreuses charges dites «de puissances publiques» au profit d’autres secteurs (hôpitaux, prisons, gestion des communes…).
Laissons à l’Etat ce qui lui revient et ne le chargeons pas trop au point où il sera lui-même une lourde charge pour la collectivité dans son ensemble». La grande nouveauté est que les professionnels agréés «sont tenus de souscrire à titre volontaire une police d’assurance pour garantir la responsabilité civile qu’ils peuvent encourir dans l’exercice de leur profession».
Les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par les experts-comptables, les commissaires aux comptes et les comptables agréés non couvertes par la police d’assurance, sont garanties par une police d’assurance souscrite par l’ordre national, la Chambre nationale et l’organisation nationale», précise-t-on de même source.
La profession comptable était régie jusqu’en 1991 par l’ordonnance N°71-82 du 29 décembre 1971 qui ne concernait que les catégories des experts comptables et des comptables agréés.
La fonction de commissaire aux comptes auprès des entreprises publiques étant, quant à elle, confiée à l’Inspection générale des finances (IGF). Le Conseil était chargé d’élaborer le plan comptable national et d’assurer la gestion des professions d’expert comptable et de comptable agréé.
Il faut souligner, à ce titre, que la délivrance des agréments autorisant l’exercice de ces professions relevait de la compétence de ce conseil présidé par le représentant du ministre des Finances.
Cette organisation a prévalu jusqu’à la promulgation de la loi N° 91-08 du 27 avril 1991 relative à la profession d’expert comptable, de commissaire aux comptes et de comptable agréé.
La loi N° 91-08 susvisée est intervenue dans le cadre de l’adaptation des instruments juridiques au nouvel environnement de l’entreprise instauré par les lois de 1988 portant sur l’autonomie des entreprises. Ces lois ont notamment introduit la mission de contrôle des comptes des entreprises par des professionnels indépendants.
Malak Farah