Réfugiés syriens au camp de zaâtari, en jordanie : Un drame humain à ciel ouvert

Réfugiés syriens au camp de zaâtari, en jordanie : Un drame humain à ciel ouvert

La vie des réfugiés syriens du camp de Zaâtari en Jordanie est difficile et elle risque de le devenir encore plus en cette période d’été où le mercure s’est mis à grimper sérieusement.

Le conflit syrien est devenu une abstraction lointaine, mais l’image sidérante du camp de Zaâtari vient nous secouer. Vivre sous des bâches par 40 degrés Celsius n’est pas évident pour plus de 160.000 familles sur un total de un million de réfugiés syriens, venus surtout de Homs et de Deraâ pour trouver refuge en Jordanie. Le nombre de Syriens qui fuient vers le Royaume hachémite augmente chaque jour, mais beaucoup d’entre eux ont du mal à pourvoir à leurs besoins essentiels, en particulier en matière d’abri, de nourriture, de soins mais surtout de protection, comme nous ont confié certains réfugiés du camp de Zaâtari.

Devenu de plus en plus exigu, cet espace situé à 10 kilomètres de la frontière syrienne, est composé essentiellement de familles nombreuses, familles extrêmement pauvres, d’enfants, de personnes âgées souffrant de graves problèmes de santé, de handicaps physiques et autres. En quête de sécurité, ces familles ont quitté leurs maisons, leurs villes et leurs proches, pour sauver leurs vies. Ils ont choisi d’attendre dans la précarité de l’exil dans un pays voisin, la fin d’un conflit qui ne finit pas de détruire leur pays natal. Les réfugiés syriens vivant dans le camp de Zaâtari ont quitté leur terre d’origine en emportant bon nombre de leurs biens, laissant derrière eux un pays meurtri, nous ont déclaré certains d’entre eux.

Des camps surpeuplés et des conditions de vie déplorables

Quelque 2000 Syriens franchissent chaque jour la frontière jordanienne, fuyant les bombardements et les combats menés par «free army», contre le régime de Bachar El Assad. Gardant l’anonymat, des responsables de deux organisations non gouvernementales (ONG) internationales, qui travaillent dans ce camp, ont dit à L’Expression que de nouveaux réfugiés étaient arrivés le 29 mai, ce qui rend la situation de plus en plus insoutenable au vu du manque de besoins nécessaires quant à la survie de ces réfugiés. L’affluence est telle que la situation devient de plus en plus difficile pour les réfugiés et les pays hôtes.

Parfois, ces derniers sont obligés de fermer leurs frontières, comme l’a fait la Turquie fin août 2012, d’autres demandent des sommes d’argent considérables, comme rapporté par Jouhra. Cela arrive fréquemment tant les ONG ont du mal à contenter tout le monde alors que le gouvernement de Jordanie n’a pas les moyens de faire face à ce rush. Le département des affaires sociales et d’autres partenaires viennent en aide aux demandeurs d’asile. Les commentaires des responsables gouvernementaux, injoignables n’ont pu être recueillis. Mais certaines révélations font état de l’arrestation de quelques réfugiés qui arrivaient en Jordanie, qui seraient entrés dans le pays de manière illégale ou sans documents d’identité.

À la fin du mois de mai, le gouvernement avait indiqué avoir procédé à la libération de tous les Syriens demandeurs d’asile. Venus de la terre des Jasmins, les réfugiés syriens vivent sous des bâches; il n’y a pas d’installations sanitaires. Ces gens ne reçoivent aucune aide, à l’exception de celle du Croissant-Rouge. «Le gouvernement a dit qu’il donnerait des permis de circulation aux réfugiés syriens et a annoncé qu’il ne les détiendrait pas pour être entrés de manière illégale dans le pays», a dit Marouane, réfugié de son état. «Nous ne nous inquiétons donc pas à ce sujet. Nous entretenons de bonnes relations avec le gouvernement», devait-il timidement ajouter. Une situation qui s’impose par la force, d’un fait, qui contraint ces milliers de pauvres réfugiés à accepter leur sort.

Des réfugiés dépourvus face aux aléas de la faim et la chaleur

Riches et pauvres vivent côte à côte dans un périmètre dépourvu de toutes commodités. Pour les uns, c’est la première année dans le camp de Zaâtari, pour les autres c’est la deuxième ou la troisième année. Mais pour les uns et les autres, l’affront est le même; un quotidien fait de privations et de chaleur. Et auquel s’ajoute l’imminente arrivée du mois de Ramadhan. «Nous avons affronté un hiver des plus rudes» a déclaré Oumaïma «On avait froid et faim, nos conditions étaient et sont toujours déplorables même en été», devait-elle ajouter. Ils sont apeurés, frigorifiés en hiver et suffoquant en période de grandes chaleurs.

Plusieurs réfugiés du camp de Zaâtari (Jordanie), vivent sous la menace sanitaire catastrophique et endurent une situation médicale qui devient donc très compliquée pour ces réfugiés syriens, poussant certains d’entre eux à repartir dans leur pays. Sur ce point, le rapport publié en décembre 2012 par Médecins sans frontières est alarmiste. Selon l’organisation, plus de la moitié des réfugiés interrogés ne peut pas s’offrir un traitement contre les maladies chroniques, et près d’un tiers a été forcé de suspendre son traitement parce qu’il était trop cher.

Pis encorne, la nourriture et l’eau manquent cruellement comme le raconte un autre réfugié, Abou Iyed. «Nous ne pouvons même pas nous laver car nous avons juste de quoi rassasier notre soif.» La nourriture est un autre calvaire. «Nous crevons la dalle dans ce camp. L’on se demande comment sera le mois sacré à l’intérieur de ce camp ghetto», s’est interrogé Abou Iyed. «Tous les dons, nourriture, couvertures et médicaments qui nous sont envoyés ne nous parviennent pratiquement pas», a rapporté notre interlocuteur. «Seule une petite quantité des dons nous est distribuée, le reste est distribué aux nécessiteux jordaniens», a révélé le réfugié. Ces propos font l’unanimité des autres réfugiés qui sont allés plus loin dans leurs propos.

Ces derniers ont eu trait aux conditions d’accès aux camps de réfugiés, celui de Zaâtari, entre autres. «Nous devons payer 100 dollars par personne pour accéder aux camps. Alors si la famille est nombreuse, c’est une sacrée somme que nous sommes censés verser», a dit Abou Iyed. «J’ai dû payer 700 dollars pour mes cinq enfants ma femme et moi», a-t-il fait savoir. La Jordanie, selon des réfugiés de ce camp, n’est pas ce quelle prétend être en matière de prise en charge des réfugiés syriens. Outre le mouroir de Zaâtari dans lequel vivent plus de 160.000 fugitifs de guerre, c’est la maltraitance, les dépassements et les abus en tous genres.

«Nous sommes traités comme des humains de seconde classe, aucune solidarité des autorités jordaniennes, ce sont les ONG, médecins sans frontières et autres organisations internationales qui nous prennent en charge selon les moyens dont-ils disposent», a rapporté Louai. L’homme marqué par des événements outrageants, nous a décrit des scènes qui l’ont meurtri «Il ne se passe pas un jour sans que des dépassements ne soient enregistrés à l’intérieur du camp de Zaâtari. Des militaires jordaniens viennent perquisitionner dans nos tentes, ils prennent tout ce qui leur passe par la main. Ils violent nos filles et nos femmes au su et au vu de tous», nous dira Louai.

D’autres réfugiés ont fait part de l’usage d’armes à feu pour empêcher l’afflux des réfugiés en provenance de la Syrie. Nombre d’entre eux avaient perdu des membres de leurs familles qui, selon leurs dires, avaient été tués ou avaient disparu. L’Expression a recueilli des témoignages évoquant des meurtres, des assassinats ciblés, des civils ayant trouvé la mort dans des tirs croisés, des actes de torture et d’humiliation infligés par les snipeurs postés aux frontières jordaniennes.

«Nos compatriotes syriens sont tués et ceci n’est un secret pour personne.» N’ayant pas affirmé à cent pour cent les dires des réfugiés, des Jordaniens, apostrophés sur l’état de fait, déplorent certes, la situation prévalant à l’intérieur de Zaâtari et les autres camps, mais avouent tout de même que leur pays fait ce qu’il peut pour venir en aide à leurs voisins réfugiés de Syrie «La Jordanie et la Syrie entretiennent une relation politique relativement complexe, mais notre pays n’a pas fermé ses frontières devant ces milliers de réfugiés», nous dira le gérant d’un hôtel de la capitale jordanienne.

«Environ deux-tiers de Syriens déplacés vivent avec des parents ou des amis en Jordanie et ceci est une preuve du côté humain du gouvernement jordanien», devait préciser un responsable de la mouhafada de Amman. En dépit de la divergence des déclarations des réfugiés syriens et des citoyens jordaniens, ce pays du Moyen-Orient, qu’est la Jordanie, reste tout de même une terre d’accueil pour les victimes d’une guerre qui ne profite qu’à l’Etat d’Israël et ses alliés.