Réalisation du plan d’action du gouvernement Les ressources risquent de manquer

Réalisation du plan d’action du gouvernement Les ressources risquent de manquer

L’économiste a pointé du doigt la mauvaise utilisation des ressources du pays.

L’art de la prospective est de décrypter les signaux des changements qui vont intervenir sur la scène internationale. Dans cet exercice, Sid-Ali Boukrami, spécialiste financier, pronostique une baisse des cours internationaux du pétrole lors de son intervention hier au Forum de Liberté. À partir de la corrélation entre le taux d’intérêt directeur américain et les prix du pétrole.

Selon lui, le signe précurseur est le taux d’intérêt directeur américain. La Fédéral Reserve américaine a fixé un taux d’intérêt directeur de 2% sur trois ans (hausse du taux). Or, quand le taux directeur augmente aux États-Unis, il y a une baisse de la valeur du dollar américain et une diminution des prix du pétrole. “Si l’évolution de ces indicateurs va dans le même sens, il y aura effondrement de l’économie mondiale”, a argué l’ancien ministre délégué chargé des Statistiques et de la Prospective.

En ce sens, Sid-Ali Boukrami rappelle que ce sont les États-Unis qui déterminent aujourd’hui le prix du pétrole. L’orateur a laissé entendre qu’il y a une entente entre les États-Unis et la Chine sur cette question. C’est pourquoi cette dernière puissance a suspendu l’exploitation intensive de ses ressources en gaz de schiste.

Ce scénario est d’autant plus plausible que le Fonds monétaire international a pronostiqué une légère baisse des prix du pétrole à court terme et anticipe une dépréciation plus importante des cours du brut à moyen terme.

Si ce brutal retournement des marchés venait à se produire à court ou moyen terme, après plus de dix ans de hausse des cours du pétrole, comment l’Algérie va-t-elle financer le plan d’action du gouvernement et son corollaire le nouveau plan quinquennal 2015-2019. Le Premier ministre Sellal a déclaré récemment à l’APN : “Nous allons respecter les engagements du chef de l’État quel qu’en soit le prix.”

Dans la balance, il faudra réaliser en particulier 1,6 million de logements pour résorber la crise du logement, alimenter 1,5 million de nouveaux abonnés en électricité et près de 2 millions en gaz naturel, réaliser un taux de croissance annuel de 7%, ramener le chômage à 9,8%, répondre aux impératifs du nouveau découpage avec davantage de wilayas au Sud et dans les Hauts-Plateaux.

Où le gouvernement ira-t-il puiser l’argent pour tenir ces engagements avec des recettes d’exportation en baisse plus accentuée avec l’effondrement des cours du pétrole ? Avec quelles ressources financières allons-nous financer nos importations de marchandises et services qui ont atteint le seuil de 66 milliards de dollars en 2013 ? Par l’endettement extérieur ? Depuis l’investiture du chef de l’État, l’Algérie n’a plus recours à cette alternative poursuivant une politique financière prudente. Par le recours au Fonds de régulation ? L’Algérie, en cas d’effondrement des cours du pétrole, n’a d’autre alternative que de puiser dans cette cagnotte quitte à la faire fondre en peu de temps. Cette garantie de la sécurité financière du pays gommée, l’Algérie risque une catastrophe financière à court ou moyen terme, avec toutes les conséquences négatives qu’on peut imaginer sur le plan social. À moins de prévoir des mesures urgentes pour réduire cette forte vulnérabilité à l’égard des fluctuations des prix du pétrole.

En ce sens, l’économiste Sid-Ali Boukrami a pointé du doigt la mauvaise utilisation des ressources du pays :

“En 2013, nous avions un taux d’investissement de 38% pour un taux de croissance très modeste d’environ 3%. Nous avions importé pour 66 milliards de dollars entre les marchandises et les services pour un taux de croissance insuffisant.” C’est un modèle très expansif en dépenses publiques, peu efficace, et insoutenable, soutient Boukrami. Nous ne pouvons plus fonctionner avec un système qui pense dépenses avant recettes. Nous n’avons pas d’autres choix que de diversifier notre économie, de faire émerger une industrie de substitution aux importations. Pour y parvenir, il convient de libérer l’investissement de toutes ses entraves et de prioriser la production au lieu de l’importation.

Tout un travail d’arbitrage entre dépenses publiques prioritaires et moins prioritaires est attendu à court terme si on veut rationaliser notre gestion du pays, l’euphorie de la victoire du chef de l’État à la présidentielle étant derrière nous.

En somme, ce scénario invite également à une réduction du train de vie de l’État. Une action de portée symbolique très importante qui aiguillera la population sur la volonté du gouvernement Sellal d’imprimer de véritables changements dans la gouvernance du pays.

K. R.