Le président de la République a réuni les banquiers vendredi à l’Élysée pour parler des conclusions du G20.
Les grandes banques françaises qui travaillent avec les paradis fiscaux ont quelques soucis à se faire. Surtout celles qui sont aidées par l’État.
En évoquant les conclusions du G20, vendredi à l’Élysée, devant Baudoin Prot (BNP Paribas), Frédéric Oudéa (Société générale), Georges Pauget (Crédit agricole), François Pérol et Philippe Dupont (Caisse d’Epargne-Banque populaire) et Michel Lucas (Crédit mutuel), Nicolas Sarkozy a surtout insisté sur la lutte contre les paradis fiscaux, une priorité pour Paris et Berlin.
Le chef de l’État a exhorté les banquiers de la place de Paris à «montrer l’exemple», en réduisant leurs activités avec 42 paradis fiscaux épinglés par la «liste grise» de l’OCDE. Faute de quoi, elles pourraient subir des sanctions, comme l’a déjà souligné Christine Lagarde.
La ministre de l’Économie a évoqué, après le G20, une possible augmentation de l’exigence des fonds propres, ou la taxation des flux financiers entre les banques et les centres offshore. «On ne peut pas, d’un côté, recevoir l’aide de l’État, et, de l’autre, entretenir des liens avec des juridictions qui favorisent l’évasion fiscale», plaide-t-on à Bercy. Les patrons des banques françaises s’attendaient à une charge élyséenne sur les paradis fiscaux. «Les banques françaises ont été exemplaires sur la rémunération des traders ; elles entendent aussi porter l’initiative sur les paradis fiscaux», a promis Georges Pauget, le directeur général du Crédit agricole à la sortie de l’Élysée.
« Optimisation fiscale»
«Nous nous réjouissons que les banquiers soient engagés sur la question des paradis fiscaux, qui doit être réglée dans un cadre européen», a répondu Christine Lagarde qui assistait à la réunion avec Éric Woerth, ministre du Budget, et Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France.
Comme leurs concurrents allemands ou anglo-saxons, les établissement français disposent tous de filiales ou de structures dans les paradis fiscaux. La BNP, dont l’État est devenu actionnaire à 17 %, décroche la palme avec des filiales en Suisse et au Luxembourg, à Hongkong et Singapour, et une vingtaine de structures répertoriées aux Caïmans. «Si nous sommes présents dans ces territoires, ce n’est pas pour échapper à l’impôt ou à la réglementation» assure-t-on chez BNP Paribas. «C’est parce que nos clients, les grandes entreprises exportatrices françaises, et nos concurrents, le sont aussi.»
D’après les experts de l’OCDE, les paradis fiscaux permettent aux banques de faire fructifier, à l’abri du fisc, le patrimoine de riches clients, mais aussi d’offrir des services «d’optimisation fiscale» aux multinationales, en bénéficiant d’une réglementation bancaire plus souple. «Dans certaines banques françaises, les clients les plus fortunés se voient proposer l’ouverture d’un compte offshore dès qu’ils approchent le seuil de l’impôt sur la fortune !» explique un expert de l’OCDE. «Au sein des places offshore, la Société générale offre des services de private banking, qui comprennent les services bancaires, la gestion de portefeuille les activités d’ingénierie patrimoniale et de structuration», détaille la banque présidée par Frédéric Ouéda. «Mais dans ces régions comme dans l’en semble des activités du groupe, les principes de connaissance du client et des bénéficiaires effectifs des opérations sont appliqués avec rigueur». C’est bien ce que reproche Nicolas Sarkozy aux paradis fiscaux : ces juridictions opaques refusent de donner les noms des bénéficiaires des opérations dans le cadre des enquêtes fiscales ou judiciaires. Une pratique à laquelle le G20 espère mettre un terme.