Nouvelle révélation de la justice italienne sur Le scandale de Sonatrach II “Farid Bedjaoui remettait l’argent à Chakib Khelil”

Nouvelle révélation de la justice italienne sur Le scandale de Sonatrach II “Farid Bedjaoui remettait l’argent à Chakib Khelil”

De nouvelles révélations sur l’affaire Sonatrach. Des preuves accablantes de l’implication de Chakib Khelil, Farid Bedjaoui, mais aussi de Mohamed Meziane et Réda Hemche dans ce qui est considéré comme le scandale financier le plus grave depuis l’affaire Khalifa.

Selon le quotidien Corriere della Sera, le parquet de Milan a lancé un mandat d’arrêt international contre Farid Bedjaoui. La justice italienne veut saisir 123 millions de dollars (92,6 millions d’euros) déposés sur des comptes appartenant à Farid Bedjaoui, bras droit de Chakib Khelil, l’ex-ministre de l’Énergie, dans l’enquête sur un scandale de corruption impliquant le groupe pétrolier italien ENI en Algérie. “Plus de 100 millions de dollars” (75,3 millions d’euros) se trouveraient à Singapour sur des comptes contrôlés par M. Bedjaoui et 23 autres millions de dollars (17,3 millions d’euros) seraient à Hong-Kong, selon la même source.

Dans cette affaire, la société italienne Saipem, filiale du groupe ENI, est soupçonnée d’avoir versé jusqu’en 2009 des pots-de-vin à Sonatrach.

Le patron de Saipem, Pietro Tali, a démissionné en décembre à la suite de cette affaire, tandis que le groupe a également suspendu “à titre préventif” Pietro Varone, responsable de la division ingénierie et construction, et un autre manager.

M. Varone, considéré comme la cheville ouvrière de cette opération de corruption, a été arrêté en grand secret le 28 juillet, le même jour où le parquet de Milan lançait le mandat d’arrêt contre M. Bedjaoui. Ce dernier, basé à Dubaï et ayant un passeport français, était considéré comme le bras droit de Chakib Khelil démis de ses fonctions fin mai 2010, après avoir occupé le porte-feuille de l’Énergie durant dix ans.

Saipem : un pot-de-vin de 197 millions de dollars pour des contrats de 8 milliards d’euros

Selon la juge italienne Alfonsa Ferraro, citée par le Corriere della Sera, Saipem a obtenu en Algérie 7 contrats d’une valeur totale de 8 milliards d’euros. Pour obtenir ces marchés, le groupe a payé 197 millions de dollars de pots-de-vin qui ont été présentés comme étant des frais d’intermédiation de la société Pearl Partners Limited, une société de Hong-Kong contrôlée par M. Bedjaoui.

M. Varone a reconnu devant les magistrats, plusieurs semaines avant son arrestation, selon le Corriere, que “Pearl Partners et Bedjaoui sont la même chose” et que “Bedjaoui a dit clairement qu’il donnait l’argent au ministre de l’Énergie Khelil”.

Il a ajouté que les contacts avec le ministre, dans le cadre du contrat Menzel Ledjimet East avaient été soutenus au plus haut niveau par le P-DG d’ENI, Paolo Scaroni, et que les trois personnages principaux, à savoir Khelil, Scaroni et Bedjaoui s’étaient rencontrés plusieurs fois à Paris, Vienne et Milan.C’est sur la base de déclarations faites par Tullio Orsi, l’ancien président de Saipem Algérie, qui bénéficie d’un statut de “repenti” que le juge d’instruction Alfonsa Ferraro reconstruit tout le parcours de Saipem en Algérie. En tout, ce sont 7 contrats pour une valeur de 8 milliards d’euros obtenus en contrepartie d’un paiement, entre 2007 et 2010, d’une commission, déjà mise au jour, de près de 2,5% du contrat, pour un montant de 197 millions de dollars en compensation de services de courtage fictifs fournis par Perle Partners Limited, une société de Hong-Kong gérée par l’Algérien, Samir Ourayed, mais en réalité appartenant à Farid Bedjaoui, 44 ans, titulaire d’un passeport français et résidant à Dubaï. Il était appelé “le Jeune” et connu pour être le référent du “Vieux”, c’est-à-dire le ministre de l’Énergie Chakib Khelil, selon les éléments de l’enquête.

Des comptes secrets de Bedjaoui et de Khelil à Singapour, Hong-Kong et Beyrouth

La presse italienne renvoie vers des actes judiciaires que les juges sont en train d’accomplir. Ainsi, la procureure de Milan a lancé un mandat d’arrêt international contre Farid Bedjaoui et des commissions rogatoires sur des comptes détenus par Farid Bedjaoui et ses proches, dont Chakib Khellil, à Singapour et Hong-Kong pour des montants de 123 millions de dollars, mais également à Beyrouth et Panama pour des montants aujourd’hui inconnus.

Mais, c’est également le rôle de l’ancien président de Sonatrach Mohamed Meziane qui devra être éclairci. Ce dernier aurait également bénéficié de voyages en Italie agrémentés de 100 000 dollars. Son fils aurait, lui, hérité d’un contrat de conseil avec Saipem facturé 10 000 euros par mois et le chef de cabinet de l’ancien président de Sonatrach Mohamed Reda Hemche aurait, lui, perçu une commission indue de 1 750 000 dollars.

La justice algérienne garde le silence

Depuis le début de l’affaire Sonatrach, ce sont les révélations de la presse italienne qui ont poussé la justice algérienne à réagir et à étendre son champ d’investigation à d’autres personnes et à d’autres pays dans ce scandale qui n’a, apparemment, pas encore livré tous ses secrets.

L’on sait que des commissions rogatoires avaient été envoyées en Italie et à Dubaï, mais leurs conclusions n’ont pas été révélées jusqu’à présent. Le ministre de la Justice, Mohamed Charfi, a indiqué, début juillet, que le juge d’instruction chargé de l’affaire Sonatrach 2 “accomplissait pleinement sa mission” et exerçait toutes ses prérogatives en prenant plusieurs mesures.

Le ministre de la Justice concédera, quelques jours après, cette phrase sibylline : “Ne me demandez pas de donner des noms”, avant d’ajouter : “90% de ceux qui y sont impliqués sont désormais connus, certains sont entre les mains de la justice alors que d’autres font l’objet d’avis de recherche international”. En février dernier, le procureur général près la cour d’Alger, Belkacem Zeghmati, avait indiqué qu’une information judiciaire dans le cadre de l’affaire dite Sonatrach 2 avait déjà été ouverte.

Le parquet général près la cour d’Alger avait alors “informé l’opinion publique” que les faits révélés par certains quotidiens nationaux et étrangers sont “en relation avec l’information judiciaire déjà ouverte auprès du pôle pénal spécialisé de Sidi-M’hamed dans le cadre de l’affaire dite Sonatrach 2”. La précision du parquet était intervenue suite aux informations publiées et faisant état de “l’implication de personnalités algériennes dans des faits à caractère pénal et plus précisément de corruption lors de l’exercice de leurs fonctions au sein des institutions de l’État”.

Parmi ces personnalités impliquées, jusqu’à preuve de leur innocence ou de leur culpabilité, figure en bonne place celle de Chakib Khelil. “Le parquet de la République près cette même juridiction a, en date d’aujourd’hui, soit le 10 février 2013, par le biais de réquisitions supplétives, requis le juge d’instruction en charge du dossier pour l’élargissement du champ des investigations à ces faits nouveaux rapportés par les différents organes de presse”, avait encore annoncé le PG.

Le FBI s’implique

Les affaires Sonatrach ont éclaté en 2009, suite à des enquêtes menées par le Département de la recherche et de la sécurité (DRS) qui avait conduit à l’arrestation de plusieurs cadres de Sonatrach, à leur tête le P-DG de l’époque Mohamed Meziane. Surpris, Chakib Khelil, encore ministre de l’Énergie, a essayé de défendre ses cadres tout en affirmant ne pas comprendre pourquoi il n’aurait pas été informé de l’enquête.

Ce fut le début du lâchage de ce proche du président de la République. Il finira par tomber en disgrâce. Disposant de la nationalité américaine, il aurait élu domicile aux USA. Mais, le FBI avait de son côté enquêté sur des avoirs d’un montant considérable outre-Atlantique.

C’est ainsi que deux équipes d’enquêteurs ont discrètement séjourné à Alger, fin 2012 et début 2013, afin de compléter les informations déjà recueillies aux États-Unis. Même le président Bouteflika a dû le lâcher, affirmant en mars dernier qu’il ne pouvait “passer sous silence” ces scandales et qu’il comptait sur la justice pour “sanctionner les coupables”.

Mais c’est surtout la publication d’informations citant l’implication de Saïd Bouteflika, qui aurait protégé Chakib Khelil. Le 24 avril dernier, notre confrère El Watan publiait : “Affaires de corruption : Saïd Bouteflika est-il impliqué ?”

Le journal laissait entendre que le frère et conseiller du Président aurait trempé dans des affaires de corruption.

Les accusations fusaient de partout contre le frère conseiller du Président et des informations circulaient au sujet de son limogeage.

C’était à la veille de l’AVC dont fut victime le président Bouteflika le 27 avril et qui fera enterrer, trois mois durant, cette affaire.

A.B