Michaël Fabre : «Je suis algérien et prêt à défendre les couleurs algériennes»

Michaël Fabre : «Je suis algérien et prêt à défendre les couleurs algériennes»

«J’ai gagné la Coupe du monde des moins des 17 ans avec Meghni et Yebda.»

Il n’est un secret pour personne que tous les joueurs de l’Equipe nationale évoluent en Europe. Même Khaled Lemmouchia ne peut être considéré comme un pur joueur local, du moment qu’il a été formé en France, avant qu’il ne soit révélé au grand public du côté de Sétif.

Un seul poste, celui de gardien de but, est occupé par un élément formé en Algérie et jouant dans le championnat local. Lounès Gaouaoui, le portier numéro un de la sélection algérienne, a gardé les bois de l’EN durant presque toutes les éliminatoires, avant de céder sa place à l’occasion de la dernière rencontre de ces éliminatoires jumelées à son remplaçant Faouzi Chaouchi. Ce dernier se distingue de fort belle manière contre les Egyptiens et contribue activement à la qualification des Verts au Mondial ramenée du Soudan.

Dans les différents championnats d’Europe où évoluent nos joueurs de l’EN, mis à part Benhammou sélectionné plusieurs fois et qui n’a pas pu s’imposer devant l’immuable Gaouaoui, les gardiens de but algériens se font très rares. Mais voilà qu’un portier est en train de faire ses preuves en Ligue 2 française et qui ne cesse de monter en flèche. Il s’agit du Franco-Algérien Michaël Fabre, le gardien numéro 1 de Clermont-Ferrand Foot.

Son père est né à Oran

Ses nom et prénom de consonnance européenne l’ont fait toujours passer pour un Français depuis son plus jeune âge. Michaël Fabre est pourtant un Algérien, puisque son père, Mohamed Belkacem, est né à Oran. Marié à une Française, il a eu deux enfants. Afin de ne pas avoir à en subir les conséquences pour des raisons que tout le monde connaît noms en France, Michaël et son frère Nicholas ont pris le nom de leur mère, ce qui est courant dans l’Hexagone. Michaël Fabre est né le 15 juillet 1984 à Draguignan dans le département du Var (83). C’est dans des clubs amateurs de la région qu’il a débuté sa carrière, avant de partir à l’âge de 15 ans tenter sa chance dans le championnat italien.

Il débute à Hyères et Fréjus, avant de rejoindre Nantes

Très jeune, Michaël Fabre a commencé à taper dans un ballon à Hyères Football Club (HFC), un club de CFA dans une ville qui n’est pas loin de Toulon. Le HFC réussit sa montée et évolue actuellement dans la division National. A 13 ans, Fabre intègre le club rival de FC Hyères, l’Etoile Sportive Fréjusienne. Deux années plus tard, il rejoint le club de Nantes en CFA avec lequel il joue une seule saison (1999-2000).

Après trois saisons en Italie, il revient en France

A peine 16 ans, Michaël Fabre part à la découverte du championnat italien. Il rejoint en 2000 Bologne en Serie A où il reste pendant deux saisons. Il était troisième keeper avec Gianluca Pagliuca comme gardien numéro 1. Après deux saisons sans compétition, mais durant lesquelles il s’est forgé une solide et riche expérience aux côtés du gardien international italien, il signe en 2002 à Fiorentina en C2. En quête de temps de jeu, Fabre revient en France après trois saisons passées en Italie. Il rejoint Sedan dans le rôle de doublure et dispute cinq matches de remplacement en Ligue 2 et ainsi que quelques matches de coupe. Il est finaliste en Coupe de France avec le groupe sedanais face à Auxerre en 2004-2005.

Titulaire indiscutable à Clermont-Ferrand

Michaël Fabre a passé deux saisons à Sedan sans pouvoir s’imposer, mais il a côtoyé deux joueurs algériens à l’époque, Boutabout et Belhadj, qui lui ont dit le plus grand bien de la sélection algérienne. Suite à l’arrivée de Trévisan à Sedan en 2006, il décide d’acquérir plus de temps de jeu dans un nouveau club.

Il rejoint alors Clermont en septembre suite aux blessures consécutives d’Olivier Enjolras et Laurent Quiévreux. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, Fabre devient titulaire indiscutable et retrouve la Ligue 2 avec son club qui a réussi l’accession, cette fois-ci avec le statut de gardien numéro un. Lors de sa première saison à Clermont, il dispute 28 matches en National. La saison d’après (2007-2008), Fabre joue 38 rencontres en Ligue 2 et 37 matches en 2008-2009. Lors de la saison actuelle, Michaël Fabre a disputé toutes les rencontres de son équipe (17 matches sur 17), c’est-à-dire 1530 minutes de jeu. Il est d’ailleurs le premier gardien algérien titulaire en Ligue 2 française.

Champion du monde des U17 ans avec Meghni et Yebda

En parallèle, Michaël Fabre a été appelé régulièrement en équipe de France dès les plus jeunes catégories d’âge. Le palmarès du portier est riche en sélections, notamment avec cette Coupe du monde des moins des 17 ans qu’il a gagnée avec la France avec les deux internationaux algériens Mourad Meghni et Hassen Yebda. Fabre espère faire la même chose que ses deux ex-camarades dans la sélection française et qui sont en train de défendre brillamment les couleurs de l’équipe nationale algérienne.

N. B.

«Je suis prêt à défendre les couleurs de l’Algérie»

Rencontré à la place Jaude à Clermont-Ferrand, le très sympa Michaël a été heureux d’accorder une interview à un journal algérien et s’adresser de ce fait aux habitants du pays de son père. Même s’il a joué pour les tricolores depuis l’âge de 15 ans jusqu’à la sélection des Espoirs, Michaël Fabre réclame haut et fort son algérianité et exprime son souhait de changer de fédération, à l’instar de Yebda et Meghni, ses anciens camarades avec qui il a gagné la Coupe du monde des -17 ans avec la France. Titulaire indiscutable à Clermont-Ferrand, il est le premier portier algérien à décrocher une place de titulaire en Ligue 2 française. Le portier clermontois veut attirer l’attention des responsables de la FAF et du staff technique qui ne savent certainement pas qu’il est un Algérien désireux de porter le maillot des Verts.

Comment peut-on être algérien et s’appeler Michaël Fabre ?

Mon père est né à Oran, il s’appelle Mohamed Belkacem. Il s’est marié à une Française, et comme ses parents à l’époque n’ont pas approuvé ce mariage, mon frère et moi, avons pris le nom de notre mère, d’où ce nom de Michaël Fabre que je garde jusqu’à maintenant. D’ailleurs lorsque j’étais petit, mon père venait m’attendre au stade. Les parents de mes camarades lui demandaient toujours qui était son fils, puisqu’ils me connaissaient sous le nom de Fabre. Quant il leur répondait que c’était moi son fils, ils étaient étonnés. Mon frère Nicholas, mon aîné de cinq ans, joue dans l’équipe algérienne de rugby.

Les responsables de la Fédération algérienne ainsi que le sélectionneur national ne sont certainement pas au courant que vous êtes algérien…

Je ne sais pas. Mais à chaque fois que l’occasion se présente, comme celle que vous m’offrez aujourd’hui dans votre journal, je n’hésite pas à clamer haut et fort que je suis algérien et prêt à aller défendre les couleurs de l’Algérie, mon pays.

Vous avez quitté la France à un jeune âge pour aller tenter une chance en Italie, pourquoi êtes-vous retourné en France ?

Effectivement, je suis parti en Italie à l’âge de 16 ans où j’ai passé deux saisons aux côtés du gardien italien Gianluca Pagliuca. Même si je ne jouais pas, j’ai acquis une riche expérience. Donc je ne regrette pas mon passage en Italie. Je suis allé par la suite à la Fiorentina. Mai comme j’avais besoin de jouer, j’ai préféré rentrer en France et jouer pour un club où je pouvais bénéficier d’un temps de jeu plus important. D’un autre côté, les recruteurs qui m’ont amené en Italie ont quitté le club, et leur politique s’en est allé avec. Je n’avais donc plus rien à faire là-bas. J’ai pris la décision de retourner en France où je joue régulièrement depuis trois saisons.

En retournant en France, vous avez signé en faveur de Sedan, un club de Ligue 2, mais vous n’avez pas pu vous imposer en tant que titulaire…

Malheureusement non. J’ai joué quelques matches de championnat et de coupe, c’est la raison pour laquelle j’ai quitté le club au bout de deux saisons.

C’est finalement à Clermont-Ferrand que vous avez trouvé votre compte…

Oui, j’ai rejoint l’équipe de Clermont en 2006 lorsqu’elle évoluait en National. Nous avons réussi l’accession en Ligue 2 et cela fait trois saisons que je suis le gardein de but de cette équipe.

Mais en parallèle, vous étiez toujours sélectionné en équipe de France ?

Oui, j’ai toujours été appelé dans toutes les catégories jeunes de France jusqu’à la sélection Espoirs. J’ai gagné la Coupe du monde des moins des 17 ans avec Meghni et Yebda que je connais assez bien. Ce sont deux joueurs sociables et je sais qu’ils n’auront aucun problème à vite s’adapter avec la sélection. J’ai connu aussi Boutabout et Belhadj à Sedan et qui me parlaient déjà de la sélection.

Dans un entretien que vous nous avez accordé l’année passée, vous avez réclamé votre algérianité et exprimé votre désir de jouer pour la sélection algérienne. Y a-t-il des contacts avec la Fédération ou les membres du staff technique ?

Non, il n’y a aucun contact. J’aimerais bien qu’on vienne me voir, suivre mes performances pour voir et discuter avec moi.

Dans un premier temps, vous n’aviez pas le droit d’être sélectionné en Algérie, mais après l’amendement des règlements de la FIFA permettant aux joueurs qui ont joué pour une sélection dans les catégories jeunes de changer de fédération, vous pourrez jouer pour les Verts. C’est le cas d’ailleurs de Meghni et Yebda…

Oui, j’ai suivi avec attention l’évolution de ce dossier, et c’est l’Algérie même qui a proposé l’amendement de ces règlements. Je suis très content d’avoir le droit et la possibilité de jouer pour l’Algérie, comme je suis content pour Yebda et Meghni qui sont déjà dans le groupe.

Justement, Yebda et Meghni ont été appelés, alors que vous, vous n’avez pas été convoqué. Ne vous vous dites pas que c’est fini, on ne s’intéresse plus à vous ?

Non, pas du tout. Il n’est jamais trop tard pour appeler un joueur en sélection. Si on a fait appel à Yebda et Meghni, c’est qu’on a besoin de joueurs comme eux à des postes qu’ils occupent. Ce n’est pas le cas pour le poste de gardien de but.

Il y a des gardiens sur place comme Gaouaoui et Chaouchi qui ont fait leurs preuves ; la concurrence ne sera pas facile, n’est-ce pas ?

Je ne dirai pas que je viendrai directement pour prendre la place de tel ou tel gardien, non. Il y a un groupe en place et c’est aux nouveaux de s’adapter. Je sais que si je suis appelé en sélection, j’aurai besoin d’un temps d’adaptation pour mieux connaître le groupe et les joueurs qui le forment.

Comment avez-vous suivi les éliminatoires en général et les deux derniers matches contre l’Egypte ?

Le premier match contre l’Egypte était difficile. Et dans le deuxième au Soudan, l’Egypte partait avec un avantage, vu le résultat du premier match et la proximité du Soudan. Mais léquipe d’’Algérie a su comment gérer la pression et réussir à se qualifier. J’ai vu les deux rencontres et j’étais très content pour mon pays, du moment que c’était très compliqué. Ça fait du bien pour tout le peuple algérien de se qualifier en Coupe d’Afrique et en Coupe du monde.

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Que pensez-vous de la prestation du gardien de but Chaouchi ?

Il a fait un match énorme, voire super. Ce n’était pas évident de jouer un match pareil avec toutes ces circonstances particulières. Mais il a réussi à sortir un grand match et contribuer à la qualification de l’Algérie en Coupe du monde.

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Gardez-vous toujours espoir d’être appelé en sélection ?

Ah oui, je garde toujours espoir. Je me tiens toujours prêt pour qu’on m’appelle. Il y a trois places à prendre, et je ne perds pas espoir de figurer parmi le groupe.

En Coupe d’Afrique, l’Algérie jouera le Malawi, le Mali et l’Angola, que pensez-vous de ce groupe ?

Ce ne sera pas facile, puisqu’il y aura l’Angola, le pays organisateur. Mais je pense que la CAN sera une bonne préparation pour la Coupe du monde.

Que pensez-vous du tirage au sort de la Coupe du monde et le groupe de l’Algérie composé de l’Angleterre, des USA et de la Slovénie ?

Je n’ai pas pu suivre le tirage au sort, puisqu’on a joué un match de championnat dans la même soirée. Mais je me suis renseigné juste après. Je pense que c’est un groupe difficile, mais ce n’est pas le plus difficile non plus. Il y a des possibilités de se qualifier au prochain tour.

La Coupe du monde, vous connaissez, puisque vous l’avez déjà gagnée avec la sélection française des -17 ans ?

Oui, mais ce n’est pas la même chose. Jouer une phase finale de Coupe du monde avec l’équipe première, c’est le rêve de tout joueur de football. C’est quelque chose d’énorme.

Avez-vous déjà visité l’Algérie ?

Malheureusement non. Mais je ne tarderai pas à le faire. En dehors du football, je commence déjà à éprouver le sentiment de connaître mes origines et le pays de mon père. Je vais faire en sorte de m’organier pour effectuer un voyage à Oran où est né mon père pour découvrir mon pays et les membres de ma famille.

C’est ce que je souhaite de tout mon cœur. Visiter mon pays et être avec l’équipe nationale, je ne peux espérer mieux.

Entretien réalisé par Noureddine Benazzou

Palmarès

  • Vice-Champion d’Europe avec l’équipe de France 16 ans (2001).
  • Champion du monde avec l’équipe de France 17 ans (2001).
  • Vainqueur du Festival international espoirs de Toulon avec l’équipe de France Espoirs (2004).
  • Finaliste de la Coupe de France (2005).
  • Champion de France de National (2007).

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