Louiza Aït Hamadouche à “Liberté” : Les milices révolutionnaires ont remplacé les comités du même nom

Louiza Aït Hamadouche à “Liberté” : Les milices révolutionnaires ont remplacé les comités du même nom

Liberté : La situation en Libye connaît des développements dangereux. Pensez-vous que les autorités libyennes sont en mesure de rétablir la sécurité et leur contrôle sur le pays ?

Louiza Aït Hamadouche : Contrairement à ce qui se dit, la Libye n’est pas au bord de la guerre civile, elle l’est depuis 2011 et n’en est pas sortie depuis, d’autant qu’entre-temps, elle est passée par une guerre internationale.

Il est difficile pour les autorités libyennes de rétablir la sécurité et le contrôle dans le pays, dans la mesure où elles ont hérité d’un système qui avait fait du désordre structuré et contrôlé un ordre politique relativement stable. Les autorités actuelles sont réduites à reproduire les mécanismes de “gouvernance” de Kadhafi, mais dans un contexte tellement différent qu’au lieu de gérer des équilibres instables, la Libye est absorbée par les forces centrifuges.

En effet, les milices révolutionnaires ont remplacé les comités du même nom ; les tribus continuent, aujourd’hui comme hier, de rivaliser pour le contrôle des routes du commerce et des trafics ; les islamistes sont stigmatisés à tort et à raison, car accusés de liens avec Al-Qaïda ; la rente continue, aujourd’hui comme hier, des ressources visant à obtenir des alliances et des clients… La violence reste, hier comme aujourd’hui, une valeur structurante. La différence est qu’aujourd’hui, elle n’est le monopole de personne et la ressource de tous.

La crise malienne semble se prolonger indéfiniment. L’Algérie vient d’entreprendre une autre démarche pour son règlement. Est-ce à dire que la médiation de la Cedeao a échoué ? Que peut apporter de plus l’Algérie ?

Les initiatives ne s’excluent pas, elles peuvent se compléter et la résolution du conflit malien est tellement complexe qu’elle ne peut se permettre le luxe de rejeter les initiatives qui se présentent. Cela étant, il est important que l’Algérie s’engage énergiquement au Mali pour au moins trois raisons : d’abord, la sécurité de la région est la sécurité de l’Algérie ; s’engager n’est pas le résultat d’un choix mais la conséquence d’une nécessité absolue.

Ensuite, l’Algérie a besoin de mettre fin à un repli politique qui s’est installé ces dernières années. Involontaire ou résultant de mauvais calculs, ce repli a soumis la région au contrôle des forces pour le moins hostiles à la sécurité de l’État algérien. Enfin, l’Algérie doit absolument sortir du statut dans lequel elle s’est installée, et qui consiste à la réduire au seul rôle d’acteur clé dans la lutte antiterroriste.

La non-optimisation de ses ressources économiques et de son capital social, comparativement à la valorisation quasi exclusive de son expertise, de sa base de données et de ses moyens militaires, façonne une image réductrice et caricaturale, tant pour l’opinion publique algérienne que pour les Maliens.