La capitale yéménite est passée sous le contrôle quasi-total des rebelles chiites, dont le chef Abdel Malek al-Houthi a crié «victoire» tout en se posant en rassembleur de toutes les composantes du pays.
Peu auparavant, le président Abd Rabbo Mansour Hadi, considérablement affaibli, a dénoncé un complot aux ramifications extérieures. Moins de 48 heures après un accord conclu sous l’égide de l’ONU et censé ramener le calme dans la capitale, les combattants chiites d’Ansaruallah étaient partout dans Sanaa. Peu d’habitants sont allés travailler et de rares commerces étaient ouverts. M.Houthi a félicité «le peuple pour la victoire de sa révolution», dans un discours télévisé retransmis sur des écrans géants sur une place de Sanaa.
Basé dans son fief de Saada (nord), il a dit «tendre la main» au parti islamiste sunnite Al-Islah, ennemi juré des rebelles chiites, et défendre le Mouvement sudiste pour «restaurer l’unité nationale». Au palais présidentiel, le chef de l’Etat, visiblement affecté par la tournure des évènements, a dénoncé un complot, en évoquant des interférences étrangères.
«Ce qui se passe à Sanaa est un complot» de nature à provoquer une guerre civile, a-t-il affirmé devant la presse, en promettant de s’employer à «rétablir l’autorité de l’Etat». Il a fait état d’un «complot qui dépasse les limites de la patrie et qui implique des forces internes et externes», sans identifier ces parties. Dans le passé, Sanaa avait accusé l’Iran de soutenir les rebelles chiites au Yémen, pays à majorité sunnite.
Avant lui, l’émissaire de l’ONU Jamal Benomar -qui a parrainé l’accord ayant mis fin dimanche soir aux combats dans le nord de Sanaa entre les rebelles et les partisans d’Al-Islah épaulés par l’armée – s’est étonné de l’effondrement des institutions civiles et militaires. ««Ce qui s’est passé ces derniers jours pourrait entraîner l’effondrement de l’Etat yéménite et la fin du processus de transition politique», a prévenu M. Benomar dans une interview à la chaîne Al-Arabiya basée à Dubaï.
Le Yémen est engagé dans une difficile transition politique depuis le départ négocié en 2012 de l’ancien président Ali Abdallah Saleh, dans la foulée du Printemps arabe. M. Saleh, lui-même un chiite, a été accusé de façon répétée par ses détracteurs d’avoir cherché à entraver cette transition. «Il n’y a aucun doute que Saleh a facilité l’expansion des Houthis (autre nom donné aux rebelles) dans la capitale et autour», a indiqué, cité par l’AFP, April Longley Alley, de l’International Crisis Group.
«Tout au moins, il n’a pas découragé ses partisans tribaux et politiques de soutenir la mobilisation» des rebelles, même si «l’étendue de son implication n’est pas claire» selon cette analyste. Selon l’AFP, les principaux barrages rebelles ont été dressés sur la route de l’aéroport, dans le nord de la capitale, et sur plusieurs grandes avenues.
D’autres combattants lourdement armés sillonnaient les rues de la capitale à bord de véhicules tout-terrain tandis que de petites unités rebelles montaient la garde, avec quelques membres de la police militaire, devant les ministères et les sièges des institutions de l’Etat. Selon des témoins, des combattants rebelles pillaient les résidences de responsables d’Al-Islah à Sanaa et des baraquements de l’armée, emportant tout sur leur passage.
La résidence de Tawakkol Karman, prix Nobel de la paix 2011, et membre du parti Al-Islah, a été également pillée, selon des témoins. Deux grands hôpitaux de Sanaa, Sobol al-Hayat et celui de l’Université des sciences et de la technologie, ont été fermés par les rebelles sous prétexte qu’ils étaient dirigés par des responsables d’Al-Islah. L’accord de dimanche, mettant fin à des combats ayant fait plus de 200 morts à Sanaa selon le ministère de la Santé, prévoyait une cessation «immédiate» des hostilités, la nomination sous trois jours d’un nouveau Premier ministre et la formation dans un mois d’un nouveau gouvernement.