Un chirurgien qui se retrouve dans un coin perdu sans bloc opératoire, ne sert à rien
La médecine est un métier noble où la santé du malade passe avant tout, mais on ne doit pas mettre sur le dos du médecin la défaillance de gestion et de découpage et de réformes de la santé algérienne.
L’étudiant en médecine qui s’arrête au stade de généraliste une fois le doctorat obtenu peut être libre d’exercer sa médecine le lendemain, mais s’il a le malheur de vouloir pousser ses études à la post-graduation pour devenir spécialiste, une fois la spécialité en poche, il n’a plus le droit d’exercer qu’à partir du moment où il se sera soumis au service civil….
On considère à partir de là, le médecin spécialiste fraîchement diplômé comme une sorte de médecin sous les ordres devant en quelque sorte «payer sa spécialité» difficilement obtenue et il sera dans l’obligation de se soumettre à l’Etat pendant 2 à 4 ans jusqu’à ce que l’Etat aura décidé de le «muter».
Lorsqu’on additionne les études de médecine qui sont de sept longues années à celle du concours d’accès à la spécialité et des années de spécialité autour de 4 à 5 ans on obtient en tout 13 ans d’études universitaires et au bout desquelles le médecin spécialiste ne sera pas libre d’exercer avant de s’être soumis au service civil qui consiste à se mettre à la disposition de toutes les régions les plus reculées d’Algérie.
C’est bien, en quelque sorte, de penser aux régions les plus éloignées où l’Algérien n’a pas accès au spécialiste sauf concernant ce médecin, ceci est quand même une injustice, car c’est le seul «étudiant» a qui on impose de «payer» ses études.
«Il est vrai qu’il perçoit un salaire en échange, mais le côté «obligation» de s’y soumettre après 13 ans d’études est une injustice», témoigne un médecin spécialiste qui s’est soumis à cette règle.
Sans oublier que souvent ce spécialiste est «muté» dans des endroits sans aucun plateau technique et dans des conditions pas toujours évidentes. Dans des hôtels jusqu’à obtention d’un logement de fonction à Ouargla, Djanet, Boussaâda… loin de chez lui, de sa famille.
Il faut savoir qu’«après 13 ans d’études on est un trentenaire, on est souvent marié avec des enfants», dit-il. Un chirurgien qui se retrouve dans un coin perdu sans bloc opératoire, ne sert à rien. Comme un cardiologue avec un ECG uniquement, aurait pu être remplacé par un simple généraliste qui aurait fait l’affaire.
«Le service civil dans pas mal de spécialités et sans plateau technique», révèle notre source. Le problème de l’avis de plusieurs médecins spécialistes que nous avons interrogés se pose dans le fait que les facultés de médecine en Algérie sont domiciliées au nord du Pays. Formant des médecins venant un peu de partout, mais malheureusement, les étudiants venant des régions du Sud ne veulent souvent pas y retourner.
La solution est que des facultés de médecine ouvrent dans les régions Sud où ces régions formeront leurs propres spécialistes qui y résideront en attendant que les médecins des régions Sud et des régions éloignées se spécialisent et retournent chez eux pour faire face au manque de spécialistes. Car obliger un médecin du Nord à aller passer 2 ans au Sud au bout de 13 ans d’études est une injustice et le pire dans tout ça, c’est que le parcours d’un autre médecin originaire de Ouargla par exemple, viendra faire sa médecine à Alger pour aller faire son service civil à Sour El Ghozlane, ça n’a aucun sens. Nous pensons à la santé des Algériens de tout le territoire et dans ce cas, les régions du Sud doivent avoir leur propres universités de médecine au lieu de former tous les spécialistes au Nord et les prendre en otage au bout de longues années de labeur pour en faire des «petits soldats» à muter en attendant de leur donner au bout du compte leur liberté d’exercer au bout de 7 ans de médecine + 5 ans de spécialité + 4 ans de service civil…
Faites vos calculs? Quel âge aura ce médecin? Bientôt 40 ans? Attendre 40 ans pour être libre d’exercer là où l’on veut?. Ceci ne donne pas envie de se spécialiser. La médecine est un métier noble où la santé du malade passe avant tout, mais on ne doit pas mettre sur le dos du médecin la défaillance de gestion et de découpage et de réformes de la santé algérienne, c’est vraiment prendre en otage celui qui a eu la «malchance» d’avoir de l’ambition et d’avoir le «malheur» de pousser ses études aussi loin.
En France, un pays qui fait le 1/5ème de l’Algérie, chaque Région a sa propre faculté de médecine. Chez nous, les quelques facultés sont concentrées entre Oran, Annaba, Alger, Sétif, Tizi Ouzou, Constantine, Tlemcen….
Bref, en conclusion, au lieu de prendre les spécialistes du Nord en otage, il faut construire les facultés de médecine du sud algérien! Car c’est honteux que de penser qu’à la santé des «gens du Nord» ou obliger des médecins du Nord à se mettre au service d’un modèle de santé «défaillant» et aller accuser le médecin de ne pas vouloir se soumettre à un service civil équivalent à un service militaire qu’il n’a pas choisi.