Au-delà du long feuilleton inachevé des retards dans l’introduction de la 3G et des mauvais classements internationaux contestés on devrait s’interroger sur la situation réelle des TIC chez nous en termes d’infrastructures mais aussi d’utilisation.
Aux uns et aux autres, on peut déjà opposer un bilan très contrasté. À titre d’illustration, alors qu’il y a 37,2 millions d’abonnés en téléphonie mobile soit un taux de pénétration de 99%, à l’inverse il n’y a que 1,2 millions d’abonnés ADSL (haut débit) avec une qualité de service variable. Voyons un deuxième exemple qui indique cette asymétrie des éléments de bilan du secteur du TIC. L’Algérie, pays africain le plus vaste, a déjà installée 43 000 km de fibre optique mais en même temps 20% seulement des foyers algériens sont connectés à Internet. Sachant qu’en termes d’aménagement du territoire, l’équité territoriale intègre le paramètre d’équité numérique, les désiquilbres territoriaux en la matière ne sont pas encore absorbés même si la fibre optique est arrivée à In Guezzam et à Bordj Badji Mokhtar. Ainsi 50% des utilisateurs d’Internet résident au centre du pays ; les progrès sont encore insuffisants dans les autres régions du pays. La région ouest est passée de 15,68% à 21,8% en 2010 ; celle du Sud, pour la même période, de 9,36% à 12,4%. On peut continuer l’exercice en pointant d’autres asymétries criardes. Ainsi, si on peut noter avec satisfaction qu’une centaine d’universités et centres de recherches sont connectés à Internet souvent à des débits corrects de 100 mégabits, à l’inverse seules 15% des entreprises y sont connectés sur les 653 000 identifiées par les le ministère des postes et TIC. Dernier exemple pour spécifier davantage ce bilan contrasté celui de l’utilisation du domaine “.dz”, c’est à dire l’adresse Internet national qui relève de la souveraineté. Pour une question d’insuffisance et de gestion médiocre des serveurs chez nous, mais pas seulement pour cela, le domaine “.dz” n’est presque pas utilisé par les utilisateurs privés ou institutionnels algériens d’Internet au profit de domaines étrangers. Cette situation, outre le fait qu’elle consomme inutilement de la “bande passante”, payée en devises, pose un problème de sécurité pour des institutions nationales qui les utilisent et il y en a beaucoup qui le font.
Mais la partie où les avancées des TIC sont négligeables réside dans les utilisations par les ménages, les administrations et les entreprises. Comme le dit justement une publicité télévisée d’un jeu en ligne, le succès ne réside pas dans les atouts qu’on possède mais dans l’usage qu’on en fait. Le succès du paiement électronique de masse, de l’inscription en ligne des étudiants ou bien plus récemment celle des candidats au logement AADL, malgré quelques problèmes de surcharge du site hébergé m’a-t-on dit à l’étranger, ne sont en fait que l’arbre qui cache la forêt. En vérité, nous sommes loin du compte. Nous ne figurons même pas dans un intervalle d’efficacité, que j’ai construit, constitué en tant que repère plafond de l‘Autriche et en tant que repère plancher de l’Éthiopie. Il faut savoir qu’en Autriche, 90% des procédures administratives sont effectuées en ligne.
Quant à l’Éthiopie j’ai pu constater, de visu, que la moindre échoppe dispose d’une caisse enregistreuse reliée par “wifi” aux systèmes et banque de données de l’administration fiscale dont le bon de caisse incluant la TVA, fait office de facture opposable aux tiers. En Algérie, à titre de comparaison, allez demander une facture à un magasin ayant pignon sur rue ou mieux encore essayez de payer par chèque ! Dans d’autres pays africains beaucoup moins développés que le nôtre, les paiements de transactions courantes et de transferts se font par téléphone mobile. Par conséquent, soyons objectifs, la position de 132e du classement mondial dans l’utilisation des TIC n’est pas totalement imméritée. Et pourtant l’Algérie s’était dotée, depuis quelques années, du projet “e-Algérie 2013”. Le schéma élaboré est correct ; il a même fait l’objet, aux fins de validation, d’une saisine du Conseil national économique et social (CNES). Près d’un millier d’actions avaient été identifiées dont je ne sais pas si elles ont été toutes chiffrées et donc prises en charge par le secteur des TIC d’abord et les autre secteurs concernés ensuite. Nonobstant les progrès obtenus dans le secteur de la sécurité sociale (carte Chifa), le secteur de la justice (extrait de casier judiciaire numérisé) et l’informatisation des registres d’état-civil (le S12), le moment est venu d’en faire le bilan exhaustif. À première vue déjà, les retards sont importants dans la monétique, le paiement par cartes de crédit, sas parler du GPS et du e-commerce. Il est vrai que les solutions en la matière nécessitent non seulement une mutualisation des ressources à l’instar de ce qui a été fait pour la carte Chifa, mais aussi un engagement ferme et constant de toutes les parties prenantes (les secteurs concernés et les usages). En Algérie, ce n’est pas aussi simple et beaucoup de réformes sont en panne par manque d’intersectorialité.
C’est pour cela, pour conclure, que la nouvelle ministre en charge du secteur et les professionnels réunis à Alger à l’occasion de la 10e édition du Salon International des Technologies de l’Information(MED-IT), ont beaucoup de pain sur la planche. Les deux parties ont besoin de beaucoup de concertation pour dynamiser un secteur insuffisamment réactif alors qu’il peut et doit entraîner la croissance forte des autres. C’est un des constituants incontournables du nouveau régime de croissance.