Le Parlement a définitivement adopté mardi le projet de loi sur la reconnaissance et l’indemnisation des victimes des essais nucléaires conduits par la France entre 1960 et 1996. Le Sénat a donné son feu vert au texte, après l’Assemblée nationale en juin.
Le ministre de la Défense, Hervé Morin, a déclaré dans un communiqué que le vote allait permettre « dès le début de l’année prochaine, la mise en place d’un dispositif d’indemnisation des victimes juste, rigoureux et équilibré ». « Aujourd’hui, grâce à ce texte, la France est grande dans la reconnaissance. Elle peut enfin clore sereinement un chapitre de son histoire. Elle peut enfin répondre au sentiment d’injustice de femmes et d’hommes qui n’avaient pas ménagé leurs efforts pour permettre à notre pays de relever le formidable défi du nucléaire », ajoute-t-il.
Le Parti socialiste s’était abstenu sur le texte lors du vote à la chambre basse, dénonçant « une loi a minima », tandis que les communistes se prononçaient contre, Maxime Gremetz le jugeant « purement symbolique ».
Elaboré en concertation avec les associations de victimes, mobilisées depuis des années, le texte reconnaît le droit à indemnisation des victimes des 210 essais nucléaires menés d’abord au Sahara, puis en Polynésie française à partir de 1966.
Un rapport du ministère de la Défense publié en 2006 a reconnu que des contaminations s’étaient produites lors de quatre essais souterrains réalisés au Sahara, dont le tir « Béryl » du 1er mai 1962. En Polynésie, dix essais ont provoqué des retombées dans des zones habitées, dont l’essai « Centaure » du 17 juillet 1974: le nuage radioactif était passé au-dessus de la presqu’île de Tahiti.
La population totale potentiellement contaminée s’élève à 147.500 personnes, civils et militaires, selon l’étude d’impact du ministère de la Défense jointe au projet de loi: 20.000 au Sahara et 127.500 en Polynésie.
Le texte pose le principe d’une réparation intégrale du préjudice subi. La liste des pathologies ouvrant droit à l’indemnisation reprend celle du comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR). Le ministère de la Défense conservera cependant la haute main sur la procédure d’indemnisation. Le comité d’indemnisation qui instruira les demandes fera une recommandation au ministre. Ce dernier notifiera sa décision au demandeur.
Les représentants de l’Etat seront largement majoritaires dans le comité d’administration de neuf membres, dont sept des ministères de la Défense (deux), de la Santé (deux), du Travail (un), des Comptes publics (un). Deux personnalités qualifiées compléteront le comité. Aucun recours spécifique n’est prévu en cas de rejet d’une demande d’indemnisation. Les victimes devront se tourner vers le tribunal administratif.
Plusieurs amendements ont été ajoutés pour répondre à des demandes des associations de victimes. Un comité de suivi sera créé pour associer les représentants des victimes à la mise en oeuvre de la loi.
AP