Le new deal africain

Le new deal africain

Les raisons ne manquent pas de craindre que l’ouverture d’Internet soit manipulée, parasitée ou exploitée à d’autres fins. Snowden, WikiLeaks, les écoutes de la CIA en sont témoins.

La ministre de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication, Iman Houda Feraoun, a eu le mot juste en affirmant que la conférence africaine sur la gouvernance de l’Internet, qui s’est tenue hier à Alger, revêt un caractère politique. Car au-delà des débats et d’échanges entre les différents acteurs dans la sphère panafricaine du numérique, deux défis majeurs sous-tendent ce conclave d’Alger qui a réuni les ministres africains en charge des Technologies de l’information et de la communication, des personnalités représentant l’Union internationale des télécommunications, l’Union africaine ainsi que des experts dans le domaine.

Le premier pose la problématique de l’accès des pays africains à l’autoroute numérique. Sur ce plan, l’Algérie révèle ses ambitions de puissance du plus vaste État du continent. Ayant achevé sa partie de «La transsaharienne de la fibre optique», allant d’Alger à In Guezzam, de même que l’Afrique du Sud a achevé sa partie, il restait la partie du Mali, du Niger et du Tchad, des pays qui ont des difficultés sécuritaires et financières.

Il fallait achever ce chaînon manquant et c’est ce qua fait l’Algérie par une large campagne de sensibilisation envers la BAD (Banque africaine de développement). Pari réussi: hier, le projet de la dorsale transsaharienne en fibre optique, dont le Comité de liaison a été installé hier à Alger, constitue un socle de base sur lequel pourra se greffer le développement du e-commerce, e-mobile et de la e-administration, en diminuant les coûts d’accès à l’Internet, selon un document de la BAD. Le projet, qui s’inscrit dans le cadre du Nepad (Nouveau partenariat pour le développement en Afrique) «a été rattaché à l’autre projet phare, en l’occurrence la route transsaharienne, en vue de connecter toutes les concentrations de populations sur son trajet par voie routière aux autres régions du pays et, au-delà, au monde», note le document distribué à la presse à l’occasion de la Conférence africaine sur la gouvernance de l’internet qui s’est ouverte hier à Alger.

«Cette connexion consiste à compléter les maillons manquants au Niger et au Tchad de la dorsale transsaharienne en fibre optique (Algérie, Niger, Nigeria, Tchad) par la mise en place du socle de base sur lequel pourra se greffer le développement futur, notamment du commerce électronique, des services financiers mobiles, de l’administration électronique, en diminuant les coûts d’accès aux services TIC qui restent inaccessibles pour les populations», explique le document. Concernant les infrastructures, le projet prévoit le déploiement de la fibre optique sur les axes de la route transsaharienne interconnectant l’Algérie au nord, le Nigeria au sud et le Tchad à l’ouest.

Le second défi, encore plus crucial, pose la question de la gestion de l’Internet. Une fois que les populations africaines auront accès à cet outil moderne de communication, se posera en effet, la question: qui gouvernera l’Internet? L’Afrique demeurera-t-elle mains et pieds liés aux Occidentaux? «Nous devons mettre en place des bases solides pour des lois internationales encadrant le monde virtuel.

Nous devons en tant qu’Africains garantir notre participation, d’une même voix, à la promulgation des lois sur la gouvernance de l’internet», a précisé Mme Feraoun à l’ouverture de la Conférence africaine sur la gouvernance de l’Internet (Cagi). Il s’agit, pour elle, «de faire participer, impérativement, tous les peuples de la planète, y compris ceux qui n’ont pas encore accès à l’Internet, à la définition des fondements de la gouvernance du réseau à travers des dispositifs transparents, démocratiques et participatifs».

La grande problématique qui renvoie à la géopolitique d’Internet s’est récemment étalée au grand jour par les plus grandes puissances du monde dont les Etats-Unis et l’Europe. Les raisons ne manquent pas de craindre que l’ouverture d’Internet soit manipulée, parasitée ou exploitée à d’autres fins. L’affaire Snowden, WikiLeaks, les écoutes de la CIA montrent la gravité du danger. Qui doit s’arroger des responsabilités dans la supervision du réseau informatique africain? A qui reviendra le pouvoir de contrôler l’intégration continue d’Internet dans l’économie? C’est un chantier pharaonique qui vient de s’ouvrir à Alger.