C’est, depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962, la plus grande opération extérieure menée par l’armée algérienne.
Aucun officiel n’en a parlé et pourtant l’ANP serait, depuis le 29 mai, en guerre contre les groupes terroristes dans l’Ouest libyen. Le jour même du début de l’offensive, le quotidien the Times donnait l’information, citant le think tank britannique The Henry Jackson Society, dont un haut responsable annonçait un envoi de forces spéciales américaines, françaises et algériennes dans le Sud libyen avec pour principal objectif l’élimination des terroristes d’AQMI, la destruction de leur infrastructure d’armement, de communication et d’entraînement dans la région.
L’alliance de circonstance entre l’Algérie, les Etats-Unis et la France à qui s’adjoignent le Tchad, probablement la Libye, mais surtout les forces du général Khalifa Haftar qui pilonnent la région de Benghazi, confirment l’encerclement des terroristes djihadistes dans le grand Sud libyen. Mokhtar Belmokhtar ayant été localisé par les services algériens à Tripoli, quelques semaines avant l’attaque de Tiguentourine, figure comme cible prioritaire pour les commandos algériens dans leurs opérations.Selon nos informations, de source militaire, 3500 paras, soit un régiment complet, et un groupe de soutien et d’appui logistique de 1500 hommes sont déployés actuellement de l’autre côté de la frontière. Une autre source, diplomatique cette fois, ajoute aux 5000 soldats au sol une importante mobilisation de moyens aériens, avions de transport, chasseurs,
Il s’agirait du même régiment parachutiste ayant pris en charge l’opération Scorpion Rapide, qui a pris d’assaut et libéré avec succès, en janvier 2013, le complexe gazier de Tiguentourine à In Amenas. Selon un haut gradé, la préparation de la mission et le regroupement des forces ont été réalisés la dernière semaine de mai. Privilégiant la flexibilité et la rapidité, les troupes envoyées sur place sont équipées d’armes légères et de véhicules 4×4 armés de mitrailleuses en 12.7 mm probablement appuyés par des blindés à roues BTR.
La puissance de feu réelle venant des airs, avec la couverture des hélicoptères lourds Mi24. Si l’article du Times confirme le haut degré de coordination qui existe entre les trois armées, le rôle des paras algériens consisterait plus spécifiquement à sécuriser la frontière, occuper les points de ravitaillement et couper toute retraite aux groupes qui tenteraient de fuir les combats à l’Est libyen. Pour dissuader ceux qui souhaiteraient les rejoindre du Sahel, l’armée tchadienne s’occupe de sécuriser la bande d’Aouzou et le Tibesti, ne laissant que peu de marge de manœuvre aux djihadistes. L’armée française aurait également fait appel aux éléments du Commandement des opérations spéciales dont un détachement est stationné au Niger : ils disposent de moyens de surveillance basés au Tchad et au Niger ainsi que d’hélicoptères d’attaque Tigre et des Caracal pour le transport.
Exercice interarmes
L’armée américaine, dont la force déployable n’est que de 5 à 800 hommes, basés en Espagne, reste dotée de moyens logistiques impressionnants dont des Hercules et V22 Osprey. Ces derniers traqueraient en ce moment même les groupes djihadistes dans le Sud libyen et sécuriseraient les sites pétroliers. L’objectif pour l’ANP : «nettoyer» les villes de Nallout et Zentan, proches de la frontière tunisienne, camps d’entraînement djihadistes, véritables plateformes pour l’envoi d’armes vers l’Algérie. Ils doivent ensuite pousser vers l’oasis de Sabha, véritable nœud logistique du désert libyen.
Selon une source militaire, toute cette opération a été «maladroitement camouflée» par l’état-major qui a organisé à la hâte un exercice interarmes aux confins du Sahara, le 28 mai passé, en bricolant même à une vitesse folle une émission de télévision où s’entremêlent des séquences d’archive à d’autres plus actuelles. La veille, le général Boualem Madi, patron de la direction centrale de l’information et de l’orientation au sein de l’ANP, déclarait sur les ondes d’Alger Chaîne III que «la situation aux frontières était préoccupante».
Akram Kharief