Karim Mahmoudi, président de la Confédération des cadres de la finance et de la comptabilité, à “Liberté”

Karim Mahmoudi, président de la Confédération des cadres de la finance et de la comptabilité, à “Liberté”

Une délégation d’hommes d’affaires algériens se rendra prochainement à Dakar (Sénégal). Maître Karim Mahmoudi, un des organisateurs de cette mission, nous parle de ses objectifs.

Liberté : Vous organisez une mission économique privée au Sénégal, peut-on connaître le nombre d’opérateurs qui feront partie du voyage et quels sont les objectifs de cette mission ?

Karim Mahmoudi : Suite à un colloque sur les investissements en Afrique, qui s’est déroulé en janvier passé, j’ai eu des contacts avec des hommes d’affaires algériens installés en Afrique de l’Ouest et au Sénégal. Ces gens étaient livrés à eux-mêmes. Ils ont tenté leur aventure en Afrique. à la force de leurs bras, ils ont monté des entreprises, créé des bureaux d’études en architecture, en travaux publics… Lorsque je suis intervenu sur la politique d’investissement et des infrastructures en Algérie, ils ont pris attache avec moi. J’ai compris qu’ils étaient un peu abandonnés. Ils sont livrés à eux-mêmes, malgré leur regroupement en association d’Algériens installés au Sénégal.

Même s’il y a des Algériens qui font d’excellents chiffres d’affaires. J’ai remarqué l’absence de politique algérienne offensive envers l’Afrique de l’Ouest, comme le font la France, le Liban et le Maroc. Après une longue discussion avec nos concitoyens, et au retour avec l’ambassadeur du Sénégal, nous avons décidé de lancer une opération. Il est clair que cette opération a un caractère privé, non gouvernemental. Vous savez comment ça se passe quand on engage les institutions de la République. Le processus devient très lourd. Nous nous sommes dit, il vaut mieux travailler avec des privés. Lors de cette mission, nous allons être 7 qui partent d’Alger et qui représentent le secteur pharmaceutique, de l’énergie, de l’agroalimentaire et tout ce qui est bitumage.

En parallèle, il va y avoir une quarantaine d’Algériens établis en Afrique de l’Ouest et normalement entre 10 à 15 Algériens résidant en Europe. L’objectif premier de la mission est d’identifier les opportunités d’investissement ou de partenariat au Sénégal. Il ne faut pas oublier que le Sénégal est une porte pour l’Afrique de l’Ouest, où nous sommes malheureusement absents, pour des raisons politiques. C’est pour cela aussi que nous avons voulu que cette mission soit strictement privée.

Le deuxième objectif, avec nos amis sénégalais de la société civile, du monde des affaires, nous avons décidé de créer une structure qui s’appellera Groupement de partenariat Algérie-Sénégal (Gepas). Cette structure sera également privée, puisque nous allons la créer sous forme d’association de droit sénégalais. Dans les 18 mois à venir, l’ambition est de créer une Maison Algérie à Dakar.

Nous allons louer une villa où il y aura un showroom pour faire connaître la production algérienne, des bureaux pour des réunions, un restaurant et un café. Dans la deuxième étape, nous allons monter un journal électronique, une télévision et une radio qui ne feront que présenter, sans cesse, la production algérienne. Enfin, nous mettrons en place une Maison Afrique de l’Ouest au Sénégal et créerons la même chose en Algérie.

Comment avez vous eu l’idée d’aller prospecter dans un pays où l’Algérie est quasiment absente ?

Je crois que les relations économiques sont nulles. Les échanges commerciaux entre l’Algérie et le Sénégal demeurent très modestes. Le volume ne dépasse pas la barre des 6 ou 7 millions d’euros. Alors que le Sénégal a un grave problème, qui relève presque de la sécurité nationale, celui du gaz. Sonatrach peut jouer un rôle. C’est lors des discussions que j’ai remarqué que nos concitoyens au Sénégal étaient perdus, même s’il y a des gens qui font un chiffre d’affaires de 20 à 30 millions d’euros par an.

Ils étaient déçus de voir que notre ambassadeur à Dakar aille à l’association des anciens étudiants et stagiaires sénégalais en Algérie et n’aille jamais aux réunions des Algériens résidant au Sénégal. Ces gens méritent un peu plus d’attention. Si l’Algérie doit un jour exporter sa production, ce n’est sûrement pas vers les marchés européens. Il faut que l’Algérie s’oriente vers son marché naturel, qui est le continent africain.

Comment expliquer l’absence de l’Algérie sur les marchés africains, contrairement à certains pays ?

Le Maroc a des relations très privilégiées avec l’Afrique de l’Ouest, alors que beaucoup de cadres supérieurs de ces pays ont été formés en Algérie. Au Sénégal, le ministre de la Communication a étudié en Algérie. Il a fait l’école des travaux publics. Je pense que notre état fait plus du politique que de l’économique. Il devrait libérer les initiatives et laisser les Algériens et les Algériennes faire valoir leurs talents ailleurs. Il faut que nos ambassades jouent leur rôle. Leur mission est d’assister les Algériens à l’étranger, vendre l’image de l’Algérie. Or, force est de constater qu’ils ne jouent pas leur rôle. Dans notre pays, un entrepreneur, malheureusement, est vu comme un voleur.

Ce sont plutôt les gens qui évoluent dans le secteur informel qui sont valorisés, alors qu’ils ne paient pas leurs impôts. Il faut donner une médaille de mérite à ceux qui créent de la plus-value, qui produisent et qui prennent des risques. Il faut libérer les énergies.

M. R.