Jeudi noir pour Abdelaziz Belkhadem : Comment Bouteflika a lâché le chef du FLN

Jeudi noir pour Abdelaziz Belkhadem : Comment Bouteflika a lâché le chef du FLN

Il y aura désormais un jeudi 13 pour Abdelaziz Belkhadem. Journée de poisse et de colère, ce jeudi 13 octobre 2011 aura été un vrai cauchemar pour l’actuel secrétaire général du FLN (Front de libération nationale).

Ses adversaires au sein du parti, ligués autour du mouvement de redressement national, auront tenu une conférence nationale à Alger, passé au JT de l’ENTV et bénéficié d’une bonne couverture de l’APS. Ce jeudi donc, Belkhadem a perdu une bataille décisive contre ses dissidents. Récit d’un lâchage.

Dans le courant du mois de septembre 2011, Salah Goudjil, vieux maquisard, ancien ministre des Transports sous Chadli Bendjedid et chef de fil du mouvement de redressement au sein du FLN, rencontre Daho Ould Kablia, ministre de l’Intérieur et des collectives locales.

Le quitus du ministère de l’Intérieur

L’entrevue a un seul objectif : informer le ministère de l’organisation prochaine d’une réunion nationale des dissidents et obtenir l’autorisation administrative pour sa tenue. « Vous pouvez vous réunir sans souci, répond le ministre en substance. La réunion étant dans le cadre des activités légales d’un parti légal, vous avez le quitus. »

Dans le courant de la semaine dernière, la demande est ainsi déposée au niveau de la wilaya d’Alger, autorité territorialement compétente pour délivrer le document.

Belkhadem appelle Ould Kablia

Lorsqu’Abdelaziz Belkhadem apprend que les redresseurs, ses ennemis irréductibles, ceux-là même qui ont juré sa perte, ont obtenu l’autorisation, il entre dans une colère homérique.

Il décroche son téléphone pour sermonner le ministre de l’Intérieur. « Pourquoi leurs aviez-vous accordé l’autorisation », proteste-t-il auprès Daho Ould Kablia. Peine perdue. Ce dernier avait déjà donné son accord à Salah Goudjil. Avec la caution et la bénédiction du chef de l’Etat.

Empêcher le conclave

Mercredi 12 octobre, veille de la conférence des dissidents. Abdelaziz Belkhadem ne décolére toujours pas. Pour faire avorter la réunion, il contacte les mouhafade, sorte de commissaires politiques, du FLN d’Alger pour envoyer des troupes sur les lieux.

« Empêchez les de se réunir, utilisez tous les moyens.» Telle serait la teneur du message passé par le SG.

Ont-ils tourné casaque ou ont-ils agit par souci d’éviter la confrontation, toujours est-il que certains de ces mouhafade prennent l’initiative d’avertir Salah Goudjil sur la détermination de Belkhadem à empêcher la conférence.

On sait maintenant que le conclave du mouvement qui conteste la légitimité du secrétaire général ne se déroulera pas dans le calme et la sérénité.

Belkhadem furieux

Jeudi 13 octobre. Belkhadem est dans son bureau au siège du FLN. Furibard, il n’admet toujours pas que le ministère de l’Intérieur ait accordé cette fameuse autorisation. A un sénateur du tiers présidentiel, il aurait tenu ses propos : « S’il y a de la casse, c’est celui qui a donné l’autorisation qui devra assumer la responsabilité. »

Même si c’est le président ?, lui aurait rétorqué le sénateur. « Même si c’est le président », aurait répondu Belkhadem avant d’ordonner à son interlocuteur de prendre la porte de sortie.

Belkhadem passera également sa colère sur le député de Mostaganem Abdelhamid Si Affif, son compagnon de tous les coups tordus, fidèle parmi les fidèles. Celui-ci-reçoit une soufflante pour ne pas avoir su anticiper la réunion des redresseurs.

Les redresseurs tiennent leur conférence nationale

Pendant ce temps là, les frondeurs amené par Salah Goudjil, font salle comble à Draria, sur les hauteurs d’Alger. Quelque 600 personnes, députés, sénateurs, anciens ministres, maires, simples militants savourent leur réussite.

Cette réunion nationale est l’aboutissement d’un âpre bras de fer engagés depuis des mois contre l’actuelle direction du FLN.

Le FLN parti des fraudeurs?

Accusé d’avoir dévoyé la ligne politique du parti, d’avoir empapaouter l’organisation du 9eme congrès en mars 2010, d’avoir installé des voyous, des fraudeurs et des repris de justice dans les instances du FLN, Abdelaziz Belkhadem, 65 ans, est devenu l’ennemi à dégager.

Et cette réunion du jeudi 13 octobre, ses détracteurs la voient comme le début de la chute du patron du FLN, en poste depuis presque six ans.

Pour éviter la casse annoncée, un important dispositif de sécurité, gendarmes, policiers, agents du DRS et des RG, boucle le périmètre autour de la salle des fêtes.

Tôt le matin, des bus privés sont loués par la direction du FLN pour les remplir de pseudo-partisans de Belkhadem. Avec le concours de la mouhafada de Baraki, l’une des rares à prêter encore allégeance au chef.

Une trentaine de jeunes chômeurs sont payés à la journée pour jouer les trouble-fêtes, mais vers 9 heures du matin, les partisans du jour prennent la poudre d’escampette.

Le fils de Belkhadem au secours de son père

Là entre en scène, Chawki Belkhadem, jeune fils de papa. Même silhouette, même barbe taillé au cordon, même hargne à faire capoter le conclave.

Pour tenter de s’introduire dans le périmètre de la salle des fêtes, Belkhadem junior débarque à bord d’une limousine, une Passat de couloir noir, propriété du parc de l’Assemblée populaire nationale.

Appréhendé par les policiers des RG, le chauffeur du véhicule exhibe un ordre de mission signé par un responsable des moyens généraux de l’APN.

Il tente de forcer le cordon de sécurité. Les gendarmes interviennent, lui réclament son permis de conduire mais celui-ci ne possède aucun document d’identité sur lui.

Ordre de mission de l’APN

Assis à l’arrière, Chawki Belkhadem demande au policier de libérer le passage. « Je viens assister à la réunion », dit-il. Et comment ! Avec un ordre de mission signé par l’administration de l’APN.

Le fils de papa, fonctionnaire aux douanes, peut ainsi bénéficier d’un chauffeur, d’une voiture de l’assemblée et d’un ordre de mission délivré par des agents de cette même assemblée.

Un des organisateurs lui demande d’exhiber l’invitation et le badge. Le ton monte, des noms d’oiseaux et des menaces sont échangés. Mais tout le monde finira par se calmer.

Des agents de l’ordre laissent enfin Belkhadem junior, en compagnie d’une trentaine de personnes, passer le premier cordon de sécurité et observer un sit-in à 500 mètres du lieu de la rencontre.

Encadré par des agents antiémeutes de la gendarmerie nationale, le groupe agite des pancartes à l’effigie d’Abdelaziz Belkhadem et scandent des slogans hostile au mouvement de redressement. La contre-offensive du SG du FLN a fait pschiittt.

Les redresseurs passent à la télé

Jeudi, fin d’après-midi. Le conclave national des dissidents s’achève. Le soir, ils auront droit, deux cerises sur le gâteau, à un reportage dans le journal télévisé de 20 heures de l’ENTV, puis le lendemain à une longue dépêche de l’APS, l’agence publique. Une reconnaissance officielle.

Une réunion des dissidents autorisée par le gouvernement, un passage à la télé, un article dans l’APS, ce jeudi 13 octobre Abdelaziz Belkhadem aura vécu une journée cauchemardesque. Surtout, il a comprit qu’il venait d’être lâché par le président.

Photo Echourourq