La vague verte déferle sur Tunis
Ces derniers ont organisé après la prière du vendredi une manifestation pour demander la fermeture de Nessma TV.
«Persepolis», le film de la Franco-Iranienne, Marjane Satrapi diffusé, il y a une semaine par la chaîne Nessma, a eu de quoi heurter les sensibilités des islamistes tunisiens. La représentation figurée d’Allah, comme vu dans le film, relève d’une question particulièrement sensible dans la religion musulmane.
Après l’attaque du siège de la chaîne par les salafistes, il y a quelques jours, ces derniers ont organisé après la prière du vendredi une manifestation pour demander la fermeture de Nessma.
La manifestation, qui a également rassemblé les radicaux comme El hijra wa takfir, avait commencé pacifiquement à la sortie de la mosquée El Feth au centre de Tunis après le prêche de vendredi. Un impressionnant cordon de sécurité a été mis en place juste avant la prière au niveau de la station du métro La République (Le passage) pour empêcher les fidèles d’emprunter la rue de Paris.
Après leur rassemblement à la fin de la prière, des centaines d’islamistes ont marché jusqu’au niveau de la station de La République avant de rebrousser chemin pour emprunter la rue de Londres longeant le jardin public Habib Thameur et menant vers Bab Souika.
Ils étaient au moins dix mille à avoir manifesté. Hommes et femmes se sont joints alors aux fidèles criant des slogans tels que «La ilaha ilallah», (Il n’y a de Dieu que Dieu), «Nourid dawla islamiya» (Nous voulons un Etat islamique) ou Khaybar khaybar ya yahoud, djaïch Mohamed sayaoud». Les mêmes slogans et même ambiance qui rappellent le temps de l’ex-parti dissous, le Front islamique du salut (FIS) même si le contexte est différent.
Tous les commerçants ont fermé leurs boutiques quelques minutes avant la prière. A l’approche du siège du gouvernement, seuls les plus radicaux des manifestants ont poursuivi le mouvement de protestation. Là, la police a utilisé des gaz lacrymogènes contre des centaines de personnes, essentiellement des salafistes qui voulaient manifester dans la Casbah de Tunis.
Des dizaines d’entre eux pourchassés par la police se alors sont réfugiés dans la mosquée de la Casbah. Le calme est revenu quelque temps après.
Rappelons que même si le P-DG de Nessma, Nabil Karoui, a présenté ses excuses au peuple tunisien au lendemain de la diffusion de «Persepolis», cela n’a pas réussi à apaiser la colère des gens de tout bord. D’ailleurs, même des prêches de vendredi dans les mosquées de Tunis ont été consacrés à cette affaire. La chaîne Nessma reste de ce fait au centre d’une controverse dont beaucoup de gens s’interrogent sur les tenants et les aboutissants de la diffusion du film «Persepolis».
Un quinquagénaire contacté lors de la manifestation nous déclare: «Ce n’est pas un hasard que la chaîne Nessma passe la caricature à cet instant précis. Le film était une provocation pour montrer ce qui arriverait après les élections si les islamistes étaient majoritaires. La programmation du film n’était pas innocente.»
Une affirmation qui n’est pas loin de la vérité si l’on reprend la déclaration du P-DG de Nessma au moment de présenter ses excuses.
«Nous sommes à 15 jours des élections. On voudrait que la Tunisie passe à la démocratie et pas à une autre tyrannie. On est dans un combat juste. On ne va pas s’arrêter pour ça», avait expliqué Nabil Karoui.