Ces hommes qui nous ont libérés
Leurs exploits sont passés presque inaperçus. Pourtant, c’est grâce à eux que les maquis avaient été alimentés en armes durant la guerre de Libération.
Si vous leur posez, aujourd’hui, la question, nombre d’Algériens vous répondront qu’ils ne les connaissent pas. Pourtant, ils ont beaucoup fait pour la révolution. Mieux, c’est grâce à eux que les maquis avaient été approvisionnés en armes et que la lutte contre l’occupant avait pris une autre dimension.
Comme Abane Ramdane, Didouche Mourad, Zighoud Youcef, Larbi Ben M’hidi, Mostefa Ben Boulaïd, Krim Belkacem, Mohamed Boudiaf, figures emblématiques de la lutte de Libération nationale, Henri Maillot, Hmaïdia Zoubir, Ali Khodja, Abderrahmane Zoubir et tous ceux qui avaient participé aux opérations qu’ils avaient préparées et exécutées, font partie, eux aussi, des héros qui ont écrit en lettres d’or l’histoire de la révolution. Certes, ils sont beaucoup moins connus, mais l’histoire retiendra qu’ils ont beaucoup apporté à la lutte d’indépendance, grâce aux quantités d’armes et munitions qu’ils avaient détournées des casernes françaises pour alimenter les maquis durant la révolution. Intervenant à l’occasion du forum d’El Moudjahid organisé, hier, en hommage à ces patriotes qui avaient défrayé la chronique, à l’époque, en réussissant à détourner de nombreuses armes au profit des maquis, «Ami Tahar», comme l’a surnommé Mohamed Abbas, président de l’association Mechaâl Echahid, n’ a pas tari d’éloges à leur égard, soulignant que «l’Algérie leur est beaucoup redevable.» Relatant la vie d’Henri Maillot et l’incroyable odyssée du camion bourré d’armes qu’il avait détourné de la caserne où il avait été affecté en tant que comptable et responsable de l’armurerie, il s’est dit étonné par le silence fait autour de ce valeureux combattant qui avait pourtant pris tous les risques pour aider la révolution et rejoindre ses rangs. «Ce jour du 4 avril 1956 reste un moment fort dans l’histoire de l’Algérie combattante. D’une part, parce que c’est une date anniversaire de l’insurrection d’El Mokrani. D’autre part, parce qu’il a permis à la lutte armée de prendre une autre dimension, grâce au camion bourré d’armes et de munitions détourné par Henri Maillot», a-t-il confié.
Le butin? Il s’élève, a indiqué l’invité du forum, à 126 mitraillettes, 97 fusils et 2 caisses de grenades. Pour l’armée coloniale, ce fut un coup très dur qui eut un impact sur le moral des troupes. «D’ailleurs, beaucoup avaient du mal à comprendre comment un homme aussi paisible, qui ne pouvait pas faire de mal à une mouche, avait pu réussir un coup aussi audacieux, au nez et à la barbe des soldats français», a-t-il ajouté. Selon lui, Henri maillot a beaucoup donné pour son pays, mais il n’a rien reçu en retour. «Ce n’est pas normal du tout. Un patriote aussi illustre n’a même pas une rue ou une place baptisée à son nom.» Invité en sa qualité de directeur général des Archives nationales, Abdelmadjid Chikhi a voulu apporter son témoignage, en soulignant, d’emblée, l’importance de ce thème qui, malheureusement, affirme- t-il, est méconnu par beaucoup d’Algériens. Retraçant brièvement l’histoire de la révolution, il a souligné que «sans Henri Maillot, Ali Khodja, Messaoud Zeggar, Hmaïdia Zoubir, Abderrahmane Bensalem, Saïd Bentobal, Ahmed Bencherif et tous les autres, les maquis auraient souffert du manque d’armes et la révolution n’aurait pas la réussite et l’impact qu’elle avait eus». Tombé d’admiration devant tous ces soldats revêtus des uniformes de l’armée coloniale, mais qui travaillaient, en secret, pour la révolution, M.Chikhi a lancé un appel afin que leurs exploits soient plus connus. Prenant la parole, à son tour, M.Salah Rahmani, ancien moudjahid et compagnon de lutte de Saïd Bentobal, frère du colonel Lakhdar, a relaté l’attaque de la caserne de Boufarik, précisant que «sans la contribution du caporal-chef Saïd Bentobal, cette attaque n’aurait jamais réussi.» Considérée comme un des hauts faits d’armes de la révolution, l’attaque de la garnison a eu lieu le 1er Novembre 1954. «C’est Souidani Boudjemaâ qui prit attache avec lui pour l’informer de la date officielle du déclenchement de la révolution», a-t-il révélé. Après avoir rappelé que c’est Saïd Bentobal qui avait ouvert la porte de la caserne au commando d’une vingtaine de moudjahidine, conduit par le colonel Ouamrane, le conférencier a précisé qu’ «aucune victime n’avait été signalée à la suite de cette opération intrépide, ponctuée par la récupération de 4 mitraillettes et 6 fusils de chasse.» Pour sa part, Leïla Tayeb, ancienne moudjahida et épouse de Hmaïdia Zoubir, a indiqué que son mari était lieutenant dans l’armée française et qu’il contribua efficacement à l’attaque de la caserne située pas loin de la frontière marocaine. «La Wilaya V souffrait du manque d’armes. Pour y remédier, des moudjahidine prirent contact avec mon époux afin de préparer une attaque contre la caserne. Ce n’est qu’au bout d’une année qu’ils mirent à exécution ce plan. «La date du 16 février 1956 n’était pas fortuite, puisque le commandant était en congé ce jour là et que Bentobal et un autre lieutenant français étaient chargés de le remplacer.», a-t-elle rapporté. Toutes les armes furent détournées et 16 soldats faits prisonniers.