La violence urbaine gagne du terrain. Depuis quelques mois, plusieurs quartiers de la capitale plongent dans une violence inouïe qui fait décidemment tache d’huile puisqu’elle n’est pas circonscrite dans une seule localité.
Qui sont ces groupes ? De quelle catégorie sociale sont-ils issus ? Que font les services de sécurité et les autorités ? D’où vient cette violence ? Reportage à la cité des 700-Logements de Gué-de-Constantine pour tenter de comprendre les raisons qui ont fait que la relation entre citoyens est assez détériorée pour atteindre un stade inquiétant.
Un “foyer” de tension
En face de l’école primaire, des dizaines d’adultes font le pied de grue devant le portail de l’établissement. “C’est un climat de guerre. Je suis venu escorter mes filles à la maison”, dira d’emblée Karim, qui habite, pourtant, à une dizaine de mètres de l’école. En contrebas, un dispositif de sécurité impressionnant vous accueille à l’entrée du quartier. Les éléments de la gendarmerie guettent le moindre geste des bandes rivales qui s’affrontent depuis mercredi dernier. Nouvelle cité, immeubles flambant neufs.
À l’intérieur, la cité donne l’image d’un quartier désertique. Le silence de cathédrale cache mal la cacophonie de la matinée mouvementée qu’a vécue la cité. En effet, durant la matinée, deux groupes rivaux se sont affrontés devant le CEM Mohamed-Zouaoui. Cet établissement marque, pour ainsi dire, la frontière entre le quartier des 700-Logements, appelé aussi Carrière Jaubert et celui dénommé Cosider, dont des résidents s’affrontent à coups de sabre, de coutelas et de cocktails Molotov depuis un bon bout de temps.
“Le CEM est fermé depuis mercredi”, apprend-on. On raconte que durant la journée de mercredi, “les élèves ont été obligés de quitter l’école par les sorties de secours”. À ce moment, les affrontements avaient repris de plus belle entre les deux clans où une vieille dame avait été agressée avec “des fumigènes”. La décision de la fermeture de cet établissement “a été décidée d’un commun accord entre le directeur de l’établissement, les parents d’élèves et un responsable de la Direction de l’éducation”, nous a-t-on appris. “Cinq délinquants ont imposé leur diktat dans la localité”, nous a sussuré à l’oreille une dame du quartier Cosider. Le contentieux remonte à presque deux ans. “C’était au premier mois de notre arrivée que des jeunes de Cosider sont venus imposer un parking payant dans notre cité”, raconte Djamel. Une chose que les résidents des 700-Logements avaient refusée. Et dès lors, “les provocations” ont commencé. “Notre quartier est victime d’une mauvaise réputation”, s’exclame-t-il, avant de préciser que “nous sommes conscients que des jeunes de notre quartier s’adonnent à la drogue et autres comportements condamnables, mais ils ne sont pas, pour autant, responsables de la situation”. Il en veut pour preuve “l’origine de ces familles”. “Nous avons vécu des décennies dans des quartiers qui n’ont jamais connu cela”, a-t-il affirmé, avant d’ajouter que “ceux d’en bas”, allusion au quartier Cosider, “sont issus des bidonvilles de Bateau-Cassé du côté de Bordj El-Bahri”.
Les informations recueillies auprès des résidents des deux quartiers, y compris ceux de l’AADL, évoquent une seule raison. “Ces jeunes sont désœuvrés. Ils n’ont connu que la misère”, a souligné Mouloud, avant que Hakim n’aborde la question de l’emploi. “Ils ont vécu dans des bidonvilles. Leurs familles avaient fui le terrorisme”, a-t-il raconté, avant de préciser que dans cet état de fait, “seul l’État est capable d’assurer la sécurité”, mais “où est l’État ?”, se sont interrogés ces citoyens. Ils ont dénoncé, lors de nos pourparlers, “la passivité des services de sécurité”. “On a dû appeler une centaine de fois le numéro vert de la gendarmerie pour qu’on daigne, enfin, nous répondre”, ont-ils indiqué, avant que Mustapha, la cinquantaine, dise : “L’État est occupé par le drapeau, le Maroc et le 4e mandat…”
M . M