«Ce sera Saâdani ou personne d’autre!» m’annonçait, péremptoire, au téléphone, la veille, une personnalité proche de l’entourage présidentiel. En vingt-quatre heures, le destin en a décidé autrement. Le Conseil d’Etat vient de laver la justice d’un affront qu’elle n’avait pas à subir: celui d’annuler la réunion du comité central à l’hôtel El Aurassi.
Le coup de force tenté par les hommes de Saâdani a fait chou blanc. Comment interpréter le fait que des renforts de police aient été dépêchés à Hydra pour boucler tout accès au siège du parti où devait se dérouler la réunion des anti-Saâdani?
Et le groupe légaliste du FLN, animé par Salah Goudjil et Abderrahmane Belayat, vient de triompher, sans coup férir, des «combines» concoctées pour la mise en boîte de tout l’appareil du FLN avec pour premier objectif le contrôle de la présidentielle de 2014.
Par ce retournement inattendu, l’on peut avancer que la «guerre» que se livrent les deux clans est repartie… comme en 14.
L’Histoire se répète. C’est dans sa nature. Personne n’échappe à cette loi d’airain. Le parti du FLN n’en est pas à sa première épreuve depuis qu’il est né ce 1er novembre 54.
Sa crise, qui a vu la disgrâce de Abdelaziz Belkhadem, a duré pas moins de huit mois. L’Algérie s’est mise à tourner en rond. Sans le FLN, comment se passerait la présidentielle de 2014?
A couteaux tirés, les «frères militants» continuaient de plus belle leurs manigances florentines pour accaparer cette «machine à gagner les élections» qu’est devenu ce parti-nation.
A huit mois de la présidentielle de 2014, on n’a plus le temps de tergiverser. Le FLN malade, c’est tout le système qui se dévitalise. Si sur la palette des personnalités aptes à succéder à Belkhadem figurent encore des noms dignes de prendre les manettes du parti, il y a toujours cette méfiance viscérale qui pousse à privilégier l’homme du clan. De sa région. De son douar d’origine. En fait, celui qui jouera le rôle de mentor des ambitieux, pour les avoir presque tous connus, car ils sont issus pour la plupart de la pire engeance qui soit.
Que ce soit pour ceux qui avaient choisi de monter leur camp à l’hôtel El Riadh ou pour les autres, attirés par les lambris dorés de l’hôtel El Aurassi. Il est vrai, aussi, que c’est une histoire de gènes.
La «bataille de la présidentielle» a sonné avec la «guerre du FLN». Ne faudrait-il pas se placer maintenant pour arracher sa place après? «Le pousse-toi que je m’y mette», voilà le leitmotiv en vogue chez les nouveaux militants ayant investi le parti à coups de milliards.
Qui ignore encore dans ce pays que la composition du bureau politique et du comité central est une véritable ménagerie? Les feux du pouvoir n’ont pas fini d’éblouir la vision des plus jeunes aux plus vieux encartés du parti rêvant de se tailler la part du lion pour la redistribution de la rente, des passe-droits ou des postes supérieurs à pourvoir. Dans cette écurie de politiciens en rut, mais où est donc passée l’Algérie? Peut-on bannir la courtisanerie du FLN? Qu’est-ce qu’il en restera?
Un homme politique français, le président François Hollande, croit avoir fait la découverte en affirmant que «la politique suppose de la rouerie, du cynisme et du mensonge». Avouons que sur ce terrain, il y a bien longtemps que les champions de cette théorie qui s’apparentent tous au mythique FLN, l’ont précédé avec une bonne longueur d’avance.
Que l’on s’étripe au FLN plus de cinquante ans après sa naissance n’émeut plus personne. Les clans qui y existent n’ont-ils pas élaboré chacun leur propre théorie du pouvoir? De celle qui a commencé en foulant les cadavres jusqu’à l’autre, puisant dans ses origines florentines, le poignard tiré du fourreau pour le planter dans le dos de celui qui, il y a un quart d’heure seulement, était encore l’«ami de trente ans».
Mehri? Messaâdia? Kaïd Ahmed? Cherif Belkacem? Mohamed Salah Yahiaoui? avaient cultivé, avec brio, cet art de la duplicité jusqu’à ce que l’heure fatidique du changement vienne sonner à leur porte. Et pourtant, parmi leur meilleur qualité, ils avaient cette prouesse de faire entendre un discours que brûlaient d’entendre les Algériens.
Dans le monde d’aujourd’hui, la «culture FLN» est unique en son genre.
Elle fait toujours recette. Belkhadem parti, qui aurait parié que son aspirant-successeur serait un certain Amar Saâdani? Il n’est guère différent de ses prédécesseurs. Sa fulgurante ascension des faubourgs de la cité des mille coupoles d’El Oued au quartier huppé de Hydra où il a choisi de planter sa tente, tient d’abord de sa ténacité à se frayer, dans les allées du pouvoir, le chemin qui mène vers le trône. N’a-t-il pas déjà été porté au firmament même de la gloire lorsqu’il fut choisi président de l’Assemblée nationale?
Le FLN a-t-il fait sa mue? Autres temps, autres moeurs? Amar Saâdani vient-il de subir, lui et ses compagnons d’infortune, de plein fouet, une disgrâce à la fois judiciaire et politique? Les prochains jours nous le diront.
La décision du Conseil d’Etat d’annuler l’autorisation accordée par le tribunal de tenir la réunion du comité central à El Aurassi est aussi un camouflet au ministre de l’Intérieur. Il n’a pas su être intransigeant et veiller au respect des textes régissant le fonctionnement des partis.
C’était son rôle et sa mission avant tout. Si la vigilance lui a fait défaut, cela est dû à des interférences de certains cercles que l’on dit proches de l’entourage présidentiel. Le Conseil d’Etat vient de redonner à la justice algérienne toute sa vigueur et sa crédibilité. Car sinon, comment interpréter un tel retournement de situation à quelques heures seulement de l’ouverture des travaux de ce comité central qui, parions-le, dès à présent, restera un moment fort dans l’Histoire turbulente du FLN? Pour le moment, la fête est gâchée pour Saâdani.
Shakespeare ne disait-il pas qu’«il y a peu de choix parmi les pommes pourries»?
Et au FLN?