«Pour battre les Anglais, il ne faut pas les craindre»
Badou Zaki, ex-gardien de but et sélectionneur des Lions de l’Atlas, estime que l’Algérie a les moyens d’aller loin dans cette CAN et même au Mondial sud- africain. Dans cet entretien qu’il nous accordé hier par téléphone, il nous a parlé de pas mal de choses, entre autres de la rencontre face à l’Angleterre de Coupe du monde 1986 au Mexique et l’exploit des Marocains. Appréciez !
On imagine que vous avez suivi le parcours de l’Algérie lors des éliminatoires…
Tout le monde arabe a suivi le parcours de l’Algérie, surtout que vous étiez dans le même groupe que les Egyptiens. L’Equipe nationale algérienne a réalisé un parcours honorable.
L’Algérie s’est qualifiée lors du match d’appui. A votre avis, avait-elle les moyens de se qualifier directement au Caire, en dépit de tout ce qui s’est passé avant le match ?
Justement, j’allais aborder ce sujet. Ecoutez, au Caire, il était très difficile de se qualifier, parce que le match a eu lieu dans des conditions très difficiles. Là, je fais allusion aux graves incidents d’avant-match. Toutefois, je ne peux me permettre d’en parler, préférant afficher ma neutralité. Il faut toutefois reconnaître que les joueurs algériens ont fait le match qu’il fallait et qu’ils étaient capables d’arracher la qualification en Egypte. Il ne faut pas omettre de rappeler toutes les occasions ratées par les Verts. Il faut dire qu’il y avait en face un excellent Issam El Hadary. Les joueurs égyptiens sont rentrés sur le terrain, dans le but de marquer au moins deux buts pour aller au match de barrage. En fait, ils n’ont réussi qu’à remonter le score.
Selon vous, la qualification des Verts est-elle méritée ?
Sans aucun doute. L’Algérie a arraché sa qualification sur un match d’appui au Soudan. Je dois donc dire qu’elle est méritée. Après avoir inscrit un but splendide, les Algériens ont su gérer le match de manière intelligente. Je pense que cela est dû à l’expérience de Rabah Saâdane qui a bien étudié la manière de jouer des Egyptiens. Sincèrement, si la qualification s’était jouée sur un match, on aurait peut-être parlé de coup de chance. Mais il y a eu 13 matchs, en comptabilisant le match d’appui. Donc, c’est amplement mérité.
Vous avez été un gardien de but d’expérience. Comment jugez-vous les deux gardiens algériens, Gaouaoui et Chaouchi ?
Le gardien qui a épaté et même surpris, c’est Chaouchi, lui qui a eu le mérite de jouer le match d’appui à Khartoum. C’est un gardien exceptionnel. Il a d’énormes qualités. D’ailleurs, je pense que c’était lui la clé de la qualification des Verts. Il a fait des arrêts exceptionnels. Il était bien dans le match. C’était comme El Hadary aussi qui demeure un grand gardien.
Pouvez-vous nous parler de ses points forts ?
C’est un grand gardien. J’ai eu l’occasion de le voir ici à Casablanca à l’occasion du match Raja-ESS. Il avait démontré d’énormes qualités. A Khartoum, il a été exceptionnel. A mon avis, je pense qu’il fait partie des cinq meilleurs gardiens de but du continent africain, en compagnie d’El Hadary et Kameni.
L’OM s’intéresse à lui. Selon vous, est-il capable de jouer chez les Phocéens ?
Il a les moyens de jouer à l’OM le plus normalement du monde. Ce ne sera pas difficile pour lui, vu ses qualités. De plus, ce n’est pas une première pour l’Algérie. Vous avez eu de grands gardiens de but depuis de longues années, comme les Cerbah, Drid et Abrouk. Je pense que les responsables de l’OM ont dû le voir à l’œuvre à plusieurs reprises. Issam El Hadary, lui aussi, n’est pas en reste, il a contraint les Algériens à jouer la qualification au Soudan.
Parlons maintenant de la CAN ; quelles sont les chances de l’Algérie lors de cette compétition ?
L’Algérie jouera l’Angola, le pays organisateur, le Mali et le Malawi. C’est très jouable. En juin prochain, vous serez l’unique représentant du monde arabe et vous allez représenter le continent africain. Aucune de ces trois équipes ne pourrait faire face à l’Algérie, vu votre statut de mondialiste. En tout cas, l’Algérie a des chances pour aller loin à la CAN. Ce sera aussi une bonne occasion de bien préparer le Mondial.
Les observateurs estiment que l’Algérie est désavantagée par ce tirage, vu qu’elle jouera le pays… organisateur.
Ecoutez, si une équipe est faible, elle ne pourrait rien faire, même si on l’aidait. Il faut dire les choses telles qu’elles sont. L’Angola, même si elle joue à domicile, ne pourra pas rivaliser avec l’Algérie, y compris le Mali.
En cas de qualification aux quarts de finale, l’Algérie affrontera la Côte d’Ivoire ou le Ghana. Les Verts ont-ils les moyens de bousculer l’une de ces deux équipes ?
Pourquoi pas ? Il faut prendre exemple sur le Maroc en 2004 et l’Egypte lors de la dernière CAN au Ghana. En 2004, j’étais à la tête de la sélection marocaine et on avait rajeuni l’équipe. Tout le monde nous avait sous-estimés, mais on a atteint la finale.
On avait réussi à éliminer la grande équipe du Mali. En 2008 par exemple, l’Egypte a remporté le trophée avec la majorité de ses joueurs locaux. Ils ont battu le Cameroun avec toute son armada en finale. Idem pour la Côte d’Ivoire qui avait pris une sévère raclée. Donc, il ne faut pas prendre en considération la présence des joueurs professionnels. Cela ne veut rien dire.
Lors de la CAN 2004 en Tunisie, lorsque vous étiez à la tête du Maroc, vous avez affronté l’Algérie en quarts à Sfax.
A cette époque, l’EN était composée dans sa majorité de joueurs qui font partie de la sélection actuelle…
En effet, des joueurs de 2004 sont toujours en sélection. C’était donc le début de la reconstruction du football algérien. Après une longue absence au Mondial, les Verts sont de retour. Pour revenir au match, je pense que nous l’avions bien dominé. L’Algérie avait joué le contre. On avait d’ailleurs encaissé un but dans des moments très difficiles. Mais par la suite, on s’était ressaisis de fort belle manière en réussissant à inscrire deux autres buts. Mais physiquement, les Algériens ne pouvaient plus tenir le coup.
Au Mondial, les Verts affronteront l’Angleterre, un favori en puissance pour le titre, la Slovénie et les USA…
Je pense que vous avez les moyens de gérer ce groupe le plus normalement du monde. C’est un groupe à votre portée. Vous pouvez vous qualifier aux huitièmes de finale. Certes, il y a l’Angleterre qui est le favori de ce groupe. Depuis la venue de Capello à la tête de la sélection anglaise, il y a eu un changement de mentalité chez les Anglais. Pour la manière de jouer, n’en parlons pas. Mais je peux vous dire que l’Algérie a les moyens de surprendre les Anglais. Le football n’est pas une science exacte.
Selon vous, comment doivent opérer les Verts pour espérer passer le cap du premier tour ?
Je pense que la balle est dans votre camp. Si vous gérez comme il se doit vos matches, vous passerez au second tour. Les Américains ont évolué par rapport aux dernières saisons, mais ils n’arrivent toujours pas à atteindre les sommets. Mais il faut reconnaître que c’est une équipe coriace. La Slovénie s’est qualifiée pour la première fois de son histoire, donc elle manque d’expérience. Pour se qualifier au deuxième tour, il faudra battre les USA et la Slovénie.
Que pourraient se dire les joueurs, avant d’affronter une grande équipe comme l’Angleterre ?
Il faut avoir la confiance en soi, c’est tout. La pression sera terrible sur l’Angleterre, vu son statut de favori du groupe. De plus, je dois vous dire que les Européens ne seront pas au sommet de leur forme en juin. Ils ne seront pas au top sur le plan physique, eux qui auront disputé un grand nombre de matchs durant toute la saison avec leur club et les matchs de préparation et des éliminatoires. En 86 par exemple, si on avait affronté l’Angleterre ou le Portugal en janvier, on aurait très certainement perdu.
En 86, vous avez affronté, en tant que joueur, la grande équipe d’Angleterre avec les Gascoigne, Waddle, Lineker et autres, vous les avez comme même tenus en éc.hec…
C’était un match inoubliable. On avait affronté, comme vous l’avez si bien dit, la grande équipe d’Angleterre avec toutes ses stars. Mais on l’avait tenue en échec. On avait bien lu le jeu des Anglais et on avait des défenseurs très forts comme Bouyahiaoui et bien d’autres. Je me souviens très bien de ce match, on l’avait carrément dominé. Les Anglais se sont créés une seule occasion seulement, contrairement à nous.
Vous avez été peut-être motivés par l’exploit de l’Algérie quatre ans auparavant face à l’Allemagne…
Oui, nous les joueurs nous étions tous dit que maintenant, c’est au tour des Marocains de créer l’exploit face à l’Angleterre, après celui de l’Algérie face à l’Allemagne.
On vous laisse le soin de conclure…
Je profite de cette occasion pour saluer le peuple algérien et le féliciter pour cette qualification historique au Mondial. Je félicite aussi M. Rabah Saâdane, qui est un très bon ami à moi, l’un des meilleurs entraîneurs arabes dois-je préciser.
Même s’il est Rajaoui…
(Rires) Non, nous au Maroc, on considère Saâdane comme un Marocain.
Entretien réalisé par Hamza Rahmouni