Il n’y a pas que la femme qu’on voile.
Peut-être même c’est le voilement de celle-ci qui conduit au voilement des identités.
L’idée que nous nous faisons de l’identité d’un peuple, nous la percevons, à vrai dire, au travers du voile de l’idéologie dont elle se revêt. Les peuples sont emmaillotés dans des haïks idéologiques.
L’Etat est devenu une espèce de père collectif, «voileur» à souhait, et en même temps monstre aux aguets, prêt à sévir contre tout contrevenant qui oserait ne pas porter le voile commun que ses fabriques ont mis au point. Le regard exotique de l’étranger, pour parler plus précisément celui de l’étranger européen, nous identifie comme des Orientaux, nous qui habitons un pays situé dans la même latitude que le Vieux continent. L’exotisme est un voile imaginaire qui a allégué des identités fictives à des gens qu’il ignore mais qu’il prétend connaître à fond. Flaubert ne croyait-il pas que l’Orient débute à la sortie de Paris ?
Pour lui, tout ce qui n’appartient pas à son univers familier est fatalement étranger. Donc l’Orient est lui-même un voile dont on pare le monde qu’on croit cerner. L’orientalisme a déclaré le plat national des Berbères – le couscous – comme oriental alors que l’Orient ne le connaît pas. L’expansion de l’islam qui aboutira à terme à une restructuration géopolitique a aussi produit son voile.
Celui-ci est parvenu à faire écran à l’ensemble des peuples qu’il a conquis. Tout peuple qui avait combattu sous la bannière de l’islam contre l’Occident chrétien a été déclaré comme étant arabe. L’armée franque a découvert les « Arabes » d’Afrique avant les Arabes d’Arabie.
Il y a, à coup sûr, un «voile géopolitique» en ce sens qu’on prête aux différentes ethnies qui vivent sur le territoire administré par une entité étatique donnée, une identité plus imaginée que réelle. Ces ethnies sont amalgamées sous le nom qui désigne la nation à laquelle elles appartiennent.
En somme, tout se passe comme si l’identité était une superposition de plusieurs voiles qui viennent s’accumuler sur la tête des peuples concernés. Les émigrés algériens actuellement en France, même s’ils ne sont pas croyants, sont vus comme des êtres menaçants du fait qu’ils soient originaires d’une terre d’islam.
Ils n’apparaissent aux yeux d’une grande proportion de Français que sous les dehors du voile que ces derniers leur ont taillé du temps de la colonisation. Eh oui ! Nous allions l’oublier ce voile colonial !
Les Algériens, ces anciens «musulmans» de la colonie ressurgissent ainsi comme par effraction dans le pré-carré des descendants des Gaulois en faisant ainsi planer sur eux la menace de dissoudre leur identité. Ces faméliques musulmans ont bouté les colons hors d’Algérie. Nos émigrés ont beau se vêtir de tailleur ou de costume, c’est la burqa qu’on voit sur leurs épaules. Sarkozy rêve de se maintenir à l’Elysée en actionnant ses machines à fabriquer les voiles islamiques tandis que les paisibles Suisses voient déjà des minarets partout.
En Algérie, un simple match de football, celui qui a opposé notre équipe nationale à son homologue égyptienne, a suscité moult réactions qui ont semblé toutes converger dans le sens du dévoilement. Les Egyptiens se sont déclarés, médiatiquement parlant, de «supers Arabes», ayant l’air de se départir ainsi de leur voile égalitaire et panarabiste tandis que nous, on était amené à nous rabattre sur notre berbérité que nous avons sortie de sous le voile. C’est dire qu’il faut tout un travail de désenfouissement des éléments caverneux qui sont au plus profond de nous-mêmes pour savoir qui nous sommes.
Par : LARBI GRAÏNE