Candidature de Bouteflika,Le doute des soutiens traditionnels

Candidature de Bouteflika,Le doute des soutiens traditionnels

08042013.jpgL’intervention, anonyme, dans la presse d’un responsable au niveau de la présidence de la République qui s’est défini comme un confident de Bouteflika a, pour le moins, recadré quelques positions partisanes par rapport à la présidentielle d’avril 2014.

Ceux qui ont cru judicieux de dégainer les premiers un appel à candidature supplémentaire de Bouteflika se ravisent à présent, pas sûrs d’avoir bien fait d’anticiper sur une perspective qui peut paraître désormais aléatoire. Etêtés et englués dans d’inextricables conflits organiques, les deux partis pivots de ce qui était ou présenté comme une alliance présidentielle, le FLN et le RND, n’ont pas, cette échéance-ci, indiqué la direction des vents.

Les partis-appoints, tout autant clientèles du pouvoir en place, ont dû, donc, se résoudre à s’orienter par eux-mêmes. Certitudes ébranlées. Le doute sur la volonté de Bouteflika de briguer un quatrième mandat consécutif s’est insinué après la fameuse assertion du responsable de la présidence de la République. Leur appel à candidature s’est mué conséquemment en «soutien indéfectible», «absolu» si Bouteflika venait à se représenter. La nuance est de taille et les lectures qui en découleraient bien distinctes.

A l’opposé de ces voix devenues subitement hésitantes, d’autres fort audibles appellent à la constitution d’un front contre un quatrième mandat pour Bouteflika. Ces dernières ne s’encombrent pas de savoir si Bouteflika a la velléité de se représenter ou pas. Pour elles, le président, après 14 ans de règne, a bien consommé son échec et, de ce fait, doit partir une fois son mandat actuel arrivé à terme. D’autres voix ont appelé à un départ précipité du président qui serait, à leur avis, dans l’incapacité d’assumer ses fonctions. Elles ont appelé à faire valoir un cas d’empêchement prévu par l’article 88 de la Constitution. Récapitulatif des ces positions amalgamées.

Soutiens peu enthousiastes

Comme soutiens déclarés, la candidature de Bouteflika à sa propres succession en 2014 n’en a récolté, jusque-là, que peu. Les disponibilités franchement avouées sont celles du MPA et du TAJ. Le Mouvement populaire algérien, par la voix de son secrétaire général, Amara Benyounès, désigné ministre de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et de la Ville dans le gouvernement Sellal, fait partie des premiers à avoir appelé le président Bouteflika à briguer un quatrième mandat. Un appel sur lequel il semble revenir, suite au doute qui désormais plane sur la représentation de Bouteflika en 2014.

Amara Benyounès a, en effet, recadré son discours. «Si le président Bouteflika annonce son intention de se porter candidat pour un quatrième mandat consécutif, il aura notre soutien absolu, car il est le seul à pouvoir assurer la stabilité du pays», a-t-il déclaré avant-hier à Constantine.

Benyounès ne se formalise d’ailleurs pas sur la question de la limitation des mandats. «La limitation des mandats ne peut constituer un préalable à la démocratie.» La question ne taraude pas également le TAJ du ministre des Travaux publics Amar Ghoul. Ce dernier n’est plus ardent à appeler Bouteflika à postuler pour un 4e mandat. A l’instar d’Amara Benyounès, il a affirmé à Tlemcen que «son parti soutiendra Bouteflika pour un 4e mandat mais s’il décide de ne pas en briguer, les instances du parti détermineront le choix à faire». Chez Amara Benyounès comme chez Amar Ghoul, le repli est notable.

L’opposition au 4e mandat s’élargit

Sans attendre de quoi accoucheront les triturations en cours de la Constitution, notamment s’agissant de la limitation des mandats présidentiels successifs, des voix au sein de l’opposition se sont élevées non point seulement pour appeler à la non-représentation de Bouteflika mais carrément à sa destitution pour incapacité physique à assumer ses charges.

Et c’est le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) qui s’est rendu à un tel appel, lors de son conseil national de la mi-décembre 2012. «Son état de santé, qui n’est pas pour l’excuser, le rend incapable de gouverner et sa destitution, en vertu de l’article 88 de la Constitution, est une urgence si on veut freiner la précipitation et l’aggravation de la crise institutionnelle et politique», a soutenu le président du RCD, Mohcine Belabbas, dans son discours liminaire aux travaux du conseil national. Evidemment, le RCD, qui a appelé à une destitution, est contre un 4e mandat de Bouteflika. Dans ce refus d’une magistrature de plus pour Bouteflika, la voix du RCD n’est pas solitaire. L’ancien chef du gouvernement Ahmed Benbitour, candidat déclaré pour la présidentielle 2014, Sofiane Djilali, président du parti Jil Jadid, et Ahmed Mechati, ancien moudjahid et membre du groupe des 22 historiques, ont tout récemment posé les premiers jalons pour la constitution d’un large front contre une candidature supplémentaire de Bouteflika. Ahmed Benbitour et Sofiane Djilali, qui ont animé un débat à Alger, il y a de cela une dizaine de jours, ont expliqué que le changement passe par le retrait politique de Bouteflika qui, selon eux, a échoué, après 14 ans de magistrature. L’appel du trio Benbitour-Djilali-Mechati n’a pas manqué de faire des émules.

Le conglomérat de partis, dit le groupe des 10, a fait sien le refus d’un quatrième mandat pour Bouteflika. La présidente du Parti de l’équité et de la proclamation Naïma Salhi va même plus loin et estime que le président doit être destitué, en vertu de l’article 88 de la Constitution. Côté islamistes, l’Alliance de l’Algérie verte (AAV), qui aspire à se construire loin du giron du pouvoir, rumine le même sentiment de refus. Du moins, l’un de ses membres agissant, le président d’El Islah, Djahid Younsi, en l’occurrence, ne cache pas son opposition à un 4e mandat de Bouteflika. Il ne manque à ce consensus bien dessiné autour de la non-représentation de Bouteflika en 2014 que le ciment qui produira l’effet synergique.

Traditionnels thuriféraires pétrifiés

Ayant subi de plein fouet les vents du redressement, pure invention, au demeurant, de l’ex-parti unique, le FLN et le RND font figure d’épouvantails dans une scène politique qui s’anime à l’approche de l’élection présidentielle. Au moment où la question du 4e mandat pour Bouteflika fait débat, ils restent silencieux, comme pétrifiés. La démission, sous pression, d’Ahmed Ouyahia, et le renvoi d’Abdelaziz Belkhadem ont fait d’eux des corps inanimés, dévitalisés, incapables même de dépasser leurs crises organiques. Depuis plusieurs mois, ils ne produisent plus ni réflexion ni position par rapport à l’actualité ambiante. Leurs déclarations, pathétiques, sont devenues de douloureuses complaintes.

Le FLN et le RND ne sont pas de cette précampagne électorale qui s’inaugure. A tout le moins, ils accusent un retard notable quant à se déterminer par rapport à l’échéance électorale prochaine. Conséquence ou attendu des redressements qu’ils ont subis ? Paradoxalement, ils ne sont pas seuls dans ce retranchement. Quasiment toutes les organisations de la société civile, qui se répandaient habituellement en soutiens appuyés au président Bouteflika, se taisent. Ni les enfants de chouhada, ni l’UGTA et encore moins les comités de soutiens qui essaimaient partout à l’approche des élections présidentielle ne sont mis en évidence cette fois-ci. Bizarre tout de même que tout ce beau monde fasse le mort pendant que sourdent les voix opposées à la pérennité du règne de Bouteflika !

S. A. I.