La création théâtrale « Camus l’Africain », mettant en scène l’histoire d’un vieux français né en Algérie sur des textes de l’auteure Moni Grégo et des extraits d’œuvres du Prix Nobel de littérature a été présentée lundi soir à Alger.
Programmé à l’Institut français, ce monologue d’une heure, interprété par le comédien français Yves Ferry, propose un retour sur des drames humains de l’époque coloniale, à travers les souvenirs, entre remords et nostalgie, racontés à son fils par un « pied-noir » du nom d’Etienne, et alternés avec des lectures de l’écrivain et penseur français.
Dans un décor dépouillé, constitué de quelques meubles et d’un fond de ciel bleu, Yves Ferry passe ainsi d’ »Etienne le père », vieillard malade et tourmenté par son « aveuglement » face à la réalité algérienne de l’époque, à « Albert le poète », intellectuel humaniste et subjugué par la beauté du pays où il est né.
Grâce aux multiples résonances entre les deux parties, cette pièce apporte un éclairage sur la position « ambiguë » d’Albert Camus sur la guerre d’indépendance algérienne et la colonisation, tout en approfondissant le conflit intérieur d’un homme au crépuscule de son existence n’ayant pas su, ou pas voulu, voir l’inhumanité d’un système condamnant tout un peuple à la misère.
« Mon fils, je n’ai pas su voir que dans ce pays si beau, si accueillant, si fertile, il y avait des gens qui vivaient une misère noire, de celle qui vous humilie, qui fait de vous des sous-hommes », dira-il avec regret.
Ce constat amer d’ »Etienne » sera, d’ailleurs, l’occasion d’évoquer Meursault, héros polémique de « L’Etranger »(1942) condamné à mort pour avoir « tué un Arabe » auquel le personnage va s’identifier.
Evoquant d’autres thèmes chers à Camus, Moni Grégo, également metteur en scène de la pièce, a par ailleurs choisi de lier la nostalgie du vieillard de sa « vie heureuse et sensuelle » en Algérie à l’attachement profond de Camus à la civilisation méditerranéenne, magnifiée dans son livre « Noces » (1939).
En choisissant un jeu de miroirs entre la figure d’un écrivain orphelin de père et à l’enfance pauvre, avec celle d’un « pied noir vivant chichement » qui s’adresse à son fils pour parler d’une « histoire tragique », Moni Grégo dit également avoir voulu « interpeller la responsabilité et la faillite » morale des pères, représentés par la génération d’Etienne.
Quant au choix du titre de la pièce, il souligne, selon l’auteure, la « dimension universelle de Camus », par un clin d’oeil à d’autres personnages historiques comme l’explorateur et diplomate, né dans la même région du monde quelques siècles plus tôt, Léon l’Africain.
Marquant le centenaire de sa naissance, plusieurs rencontres et conférences autour d’Albert Camus sont organisées durant le mois de novembre dans les différents Instituts français en Algérie.