C’est la rentrée avant la rentrée. Un mois après son retour au pays, le Président Abdelaziz Bouteflika, vient de faire deux apparitions, mercredi et jeudi derniers, à la télévision. Deux brèves apparitions mais qui suffisent à créer l’événement. Deux brèves apparitions et sans prise de parole mais ô combien éloquentes.
Les observateurs qui suivent de près et depuis longtemps la scène politique du pays et plus particulièrement l’activité présidentielle savent que ces apparitions n’ont rien d’anodines. Elles répondent à une nécessité liée à l’évolution de l’actualité. Deux points forts de cette actualité pourraient expliquer cette montée au créneau du président de la république. Sur le plan intérieur, il y a cette sortie médiatique, lundi dernier, du procureur général d’Alger au sujet de l’affaire dite «Sonatrach 2» qui a secoué, avec une certaine intensité, le microcosme politique. Il y a aussi, bien sûr, la situation qui a dégénéré, mercredi dernier, en Egypte, avec ses risques de contagion sur la Tunisie, qui constitue l’autre grand moment de l’actualité. Car et si nous reprenons le fil, on s’aperçoit qu’au moment où le président de la république recevait le Chef d’état major, Ahmed Gaïd Salah, auquel il a donné «des orientations pour le renforcement des moyens et des efforts pour sécuriser les frontières du pays», le premier ministre, Abdelmalek Sellal, en visite à Skikda, a évoqué le même volet militaire. Il a rappelé que «l’Algérie est entourée de pays en crise» avant d’affirmer que notre pays «possède les moyens et les potentialités à même d’assurer sa défense». Allant même jusqu’à rappeler que «des puissances l’ont sollicitée (l’Algérie) pour peser de tout son poids en tant que force régionale». On comprend aisément que la simultanéité de l’audience du général et les propos du premier ministre forment un seul et même message concerté en direction de l’étranger. Ceci pour jeudi, soit au lendemain de l’assaut des militaires égyptiens au Caire et qui a embrasé l’ensemble de leur pays.
La première apparition, celle de mercredi, de Bouteflika, sonne, quant à elle, comme un rappel à l’ordre du personnel politique national. Un rappel à l’ordre qui n’est toutefois pas sans lien avec le développement de la crise dans le monde arabe. En effet et dans un tel contexte régional le seul réflexe patriotique à avoir est le resserrement des rangs. Or, la conférence de presse du procureur général portait le sceau de la précipitation. Pour avoir été mal préparée. Et disproportionnée pour avoir été choisie à la place d’un simple communiqué, plus adapté pour ce genre d’annonce. Pour un mandat d’arrêt lancé deux semaines auparavant. Partie avec l’intention d’éclairer l’opinion publique, elle a ajouté des coins d’ombre que le président de la commission nationale des droits de l’homme, Farouk Ksentini, n’a pas manqué de relever. Perturber le front intérieur au moment où une menace extérieure se fait plus précise n’était certainement pas la meilleure chose à faire. D’ailleurs et si à la première apparition, le président Bouteflika était concentré sur le compte rendu du premier ministre, à la seconde c’était tout autre chose. Il avait changé son peignoir contre une chemise blanche et s’est retroussé les manches. Son regard, perçant et glacial, exprimait une grande contrariété. Il a cette capacité de s’exprimer sans avoir besoin de parler. Ses deux apparitions, coup sur coup, semblent annoncer la fin de sa convalescence et une rentrée politique avant l’heure. Ce qui réveillera, on s’en doute, l’ensemble de la classe politique, qui doit être pressée de reprendre ses gesticulations habituelles. Prise de court, tout de même, par une rentrée avant la rentrée!