«S’il est indéniable que les femmes ont investi la vie active, il est tout aussi indéniable que leur accès aux postes de responsabilité est encore limité. Le faible nombre de femmes dans les emplois supérieurs montre qu’elles ont moins accès à la prise de décision que les hommes […].» C’est ce qu’a déploré hier le président de la République à l’occasion d’une cérémonie consacrée à la commémoration du 8 mars organisée sous un immense chapiteau au Club des Pins. Ce constat a conduit Abdelaziz Bouteflika à prendre une décision importante et non des moindres. Du moins aux yeux des femmes qui font l’objet de discrimination dans la vie professionnelle. En effet, le chef de l’Etat a annoncé la poursuite de sa politique en faveur de la gent féminine consistant en la «nomination de femmes à des postes jusque-là réservés aux hommes, notamment ceux de wali, ambassadeur, recteur d’université, président de Cour et membre du gouvernement».
Ce qui suppose qu’un changement notable dans l’Exécutif est attendu, si Abdelaziz Bouteflika est réélu à un troisième mandat. Cela étant, il n’avait pas terminé son annonce que les youyous et les applaudissements ont commencé à fuser de tous les coins de la salle. L’assistance s’est mise debout et les ovations se sont poursuivies lorsqu’il a également instruit les membres du gouvernement de consacrer un pourcentage raisonnable de candidatures réservé aux femmes pour les postes de directrices centrales et chefs
d’entreprises publiques.
Toujours dans la foulée des décisions politiques qu’il a déclaré poursuivre, le président de la République a instruit le Conseil national de la femme et de la famille de «créer en son sein un département chargé du développement et de la promotion de l’emploi féminin. Ce département sera notamment chargé de proposer, chaque année, une batterie de mesures concrètes et applicables favorisant l’emploi féminin.»
Au volet politique et en application de l’article 31 bis de la Constitution, révisée le 12 novembre dernier, le chef de l’Etat a d’autre part instruit le garde des Sceaux à mettre en place une commission nationale, semblable à celle qui a émis des propositions
d’amendement du code de la famille.
Elle aura pour tâche de proposer un avant-projet de loi organique «mettant en œuvre les principes constitutionnels en faveur d’une plus grande participation de la femme dans les assemblées électives».
A ce sujet, le président a reproché aux partis politiques de ne pas favoriser les militantes lors de l’établissement des listes électorales. Selon lui, quand il arrive que les formations politiques proposent des femmes candidates, ils s’arrangent pour qu’elles soient parmi les derniers de la liste, en sachant pertinemment qu’elles n’auront aucune chance d’être élues. Aussi, le chef de l’Etat leur a-t-il conseillé
de ne pas utiliser les femmes comme on utilise un bouquet de roses en guise de décoration. «Il faut les classer en tête ou parmi les premiers de la liste et s’assurer qu’elles soient élues», dira-t-il encore non sans faire allusion à la mentalité rétrograde qui sévit encore au sein des partis politiques, qui se prétendent démocrates, et pas seulement dans la société algérienne.
Dans la salle, et après l’instruction donnée publiquement au ministre de la Justice, des voix se sont élevées pour revendiquer le système des quotas et la détermination du pourcentage. Entre autres, celle de la moudjahida Meriem Belmihoub Zerdani : «Il faut légiférer, Monsieur le Président !» Apparemment réfractaire au principe des quotas, mais faisant contre mauvaise fortune bon cœur, le chef de l’Etat lancera qu’il s’agit de promouvoir des compétences avant tout. Auparavant, le président de la République a entamé son discours en rendant un grand hommage aux Palestiniennes, particulièrement les Ghazaouies. «Je salue avec respect et déférence leur patriotisme et leur dignité dans leur combat exemplaire contre la tentative d’extermination menée par l’armée israélienne». Et d’ajouter : «Je voudrais les assurer de notre solidarité et de notre soutien et leur dire qu’une cause juste finit toujours pas triompher.» Un deuxième hommage a été rendu par le chef de l’Etat aux femmes sahraouies «pour leur participation active et multiforme à la lutte de leur peuple pour son droit à l’autodétermination. Leur opiniâtreté et leur détermination à braver la colonisation et les terribles conditions de vie dans les camps de réfugiés forcent notre admiration, notre respect et notre solidarité en tant que peuple ayant vécu les affres de la colonisation et les sacrifices consentis pour la libération nationale».
En évoquant ces femmes courage, le président a comparé la négation des droits des femmes à celle des droits des peuples colonisés. «Comme ces peuples ont été contraints de mener une lutte de libération, les femmes mènent un combat pour la conquête de leurs droits afin que justice leur soit faite.» Un hommage particulier a également été rendu aux moudjahidate algériennes, mais aussi les femmes de ce pays qui ont mené une lutte sans merci contre le terrorisme. Et au Président de rappeler tout le chemin parcouru pour la promotion de la femme non sans rappeler que «l’égalité des droits entre les hommes et les femmes est consacrée sans aucune ambiguïté dans nos textes législatifs. Notre Constitution garantit cette égalité et appelle les institutions de l’Etat à bannir toute forme de discrimination. Il est important de rappeler qu’aucune discrimination n’apparaît dans la lecture des lois et textes juridiques. Ce n’est pas la moindre des victoires et c’est déjà là que se joue l’essentiel». Certes, mais il reste encore le code de la famille pour lequel le président de la République n’a pas annoncé de nouveaux amendements. Toutefois, les acquis des femmes, le chef de l’Etat les imputent au long combat des femmes et il l’a dit clairement : «Je saisis cette occasion pour rendre hommage à toutes celles qui, pendant des années, ont lutté inlassablement pour nous faire progresser sur cette question», allusion au mouvement féminin, qui depuis la fin des années 1970 n’a pas cessé de se battre contre la discrimination et la situation faite aux femmes. Un mouvement décrié et menacé à maintes reprises par tous ceux dont l’égalité devant la loi représente une menace sérieuse pour leur statut. L’hôte des femmes au Club des Pins est revenu sur les conventions internationales ratifiées par l’Algérie et qui protègent les droits des femmes. Dont, bien entendu, la Convention de Copenhague, relative à la lutte contre toute forme de discrimination à l’égard des femmes. Cependant, les réserves émises, si l’on excepte celle concernant l’article 9 relatif à la nationalité (en conformité avec l’amendement du code de la nationalité), n’ont pas encore été levées. C’est dire si les mentalités rétrogrades au sein de la société algérienne ont la peau dure et, à ce sujet, le Président en est conscient. «L’évolution des mentalités est cruciale pour la promotion des femmes et chaque geste qui participe de cette évolution doit être salué parce que l’égalité juridique doit s’accompagner d’une égalité effective, seule susceptible de lui octroyer un caractère irréversible». «Vu le rôle fondamental des médias dans le façonnement des esprits et des opinions, j’attends des initiatives fortes de la part, notamment, de la télévision et de la radio nationales. Dans ce but, les médias devraient travailler en étroite collaboration avec le Conseil national de la femme et de la famille.» Le Président ne terminera pas son discours, entrecoupé au demeurant par quelques comportements hystériques, sans rendre, encore une fois, hommage aux Algériennes. Il se met ensuite à table avant de se relever et de se diriger à nouveau vers la tribune pour demander un point d’ordre.