Alger : petites histoires et grandes rencontres au salon du livre (2)

Alger : petites histoires et grandes rencontres au salon du livre (2)

Le 17e Salon international du livre d’Alger se tient jusqu’au samedi 29. Un paradis pour des centaines de milliers d’Algériens venus parfois de très loin, qui trouvent dans cette grande foire de quoi satisfaire leur boulimie de livres religieux, de romans made in Algeria, de témoignages historiques et d’essais plus ou moins subversifs.

« Je suis le fils d’un grand résistant, qui a participé au 1er novembre 1954. Arrêté par les hommes de Bigeard, il fut ensuite torturé. Nous n’avons jamais récupéré son corps. Alors je me suis demandé ce qu’un jour, je pourrais bien dire à ses bourreaux ? ». Rencontre insolite avec Ismaël-Sélim Khaznadar, un universitaire de Constantine qui a sollicité plusieurs intellectuels algériens et français (Hélé Béji, Michèle Bompard-Porte, Olivier Le Cour Grandmaison, Hassan Remaoun…) pour évoquer les différents aspects de la repentance. Résultat : un ouvrage collectif publié chez Barzakh. « La repentance est quelque chose d’inutile. Si la France officielle se repend auprès de l’Algérie officielle, sera-t-on plus avancé ? Je ne crois pas, explique-t-il. Il y aura une extinction symbolique de l’offense, bien sûr. Mais il serait plus constructif de chercher à élucider les causes du mal. D’une certaine manière, on se préparerait à empêcher que cela ne survienne à nouveau. Pourquoi l’analyse du fascisme et du nazisme est-elle si importante aujourd’hui ? Pour éviter que ce mélange infâme ne réinvestisse l’histoire »



Le salon du livre, c’est aussi beaucoup de livres… religieux. Le Sila accueille cette année 109 maisons d’édition, dont 10 algériennes. Les autres sont pour l’essentiel (à 60%) égyptiennes.

Un adolescent voit sa vie basculer le jour où sa mère décède. Au-delà de l’histoire, l’originalité de Alexander, la chute aux enfers, un premier roman, tient à… son auteur. Anya Merimèche, 15 ans, la plus jeune écrivaine du salon, lycéenne à Alger, a été publiée au Liban, co-édité chez El Ikhtilef et déjà traduite en arabe.

L’auteur-éditeur Lazhari Labter, sur le stand des éditions Chihab, pour une dédicace du livre Histoires minuscules des révolutions arabes.

Le pavillon de Casbah. La maison d’édition des officiels algériens (Ali Haroun, Khaled Nezzar, Azzedine Mihoubi…) avait promis la sortie du premier tome des mémoires du président Chadli pour le salon. Il faudra finalement attendre encore un peu. Son directeur, Smail Ameziane, a longtemps été commissaire du Salon avant d’être remplacé cette année par Hamidou Messaoudi, le directeur de l’Entreprise nationale des arts graphiques.

Le plus beau stand du Sila ? Sans conteste celui de l’Esprit Panaf, consacré à la littérature africaine. Expo sur la mezzanine, conférences au rez-de-chaussée… on pouvait y croiser avec Jean-Claude Naba, Aboubacar Demba Cissoko, Irène Dembé, Abdoulaye Ndoye… Ici, Amina Bekkat, écrivaine spécialisée en littératures africaines, anime une rencontre sur l’évolution de la littérature en Afrique.

Dans la vitrine du salon de l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel, l’émir Abdelkader regarde passer les visiteurs. La résistance est un des thèmes majeurs du salon car c’est probablement avec la colonisation que la littérature algérienne a commencé à s’affirmer dans un mouvement d’opposition à l’occupant. Pour la petite histoire, le premier livre écrit dès 1830, date de la prise d’Alger, est l’œuvre de Hamine Khodja, notable algérois cultivé et polyglotte. Le Miroir est à la fois un récit, un témoignage et un pamphlet contre l’occupation et la destruction de la ville, en particulier la Basse-Casbah et le quartier de la Qassayria, le quartier des livres pendant la période ottomane, là où se trouvaient librairies, cabinets de calligraphes et copistes.