Les meilleurs médecins quittent les CHU pour le privé
Les médecins tunisiens et marocains sont six fois mieux payés que les médecins algériens. Eux, mieux rémunérés ils restent dans les hôpitaux publics.
La communauté médicale algérienne vient de découvrir le dernier fléau en vogue, ce n’est pas un germe, ce n’est pas héréditaire ni contagieux.
En terme médical, on le qualifierait d’«Acquis». Une maladie qui toucherait uniquement les porteurs de blouses blanches?.
Son nom: «le temps complémentaire». Un maître-assistant témoigne encore: «J’ai voulu rechercher la définition du mot complémentaire et là, le verdict est tombé: Qui sert à compléter….!». C’est donc que le médecin se sent incomplet! Comment ne pas le penser autrement.
Un docent témoigne: «A 18 ans il quitte sa province lycéenne et s’engouffre dans le chemin des sept longues d’années d’études pour conquérir le droit d’être respecté pour son titre, celui de docteur en médecine, sept années de privation, de nuits blanches et d’examens qui s’enchaînent. Et puis après?»
Une spécialité, un service civil et une vie personnelle qui commence sur le tas avec l’obligation de se compléter continuellement: se marier, fonder une famille, se loger! Vivre enfin!.
Pour cela, vient le choix du secteur d’activité publique? ou privée? Malheur à celui qui penchera du côté des structures étatiques, elles vous prennent en otage par leur médiocrité et par la traque de vos activités complémentaires. «Pensez-vous que j’irais vaquer ailleurs, si l’hôpital subvenait à mes besoins….on ne reste souvent que parce qu’enseigner est un plaisir sinon…j’aurais quitté l’hôpital depuis longtemps», témoigne-t-il.
Un enseignant universitaire pour exercer non seulement son art et le transmettre aux générations futures n’a pas à s’inquiéter de ses revenus, il ne doit pas courir derrière l’argent, car ses problèmes d’ordre primaire sont censés être réglés et depuis longtemps, quand vous voyez certains qui mettent la moitié de leurs salaires dans une location et vivoter avec ce qui reste, l’art passe d’un coup en second plan.
Il se trouve que les médecins algériens sont 5 à 6 fois moins rémunérés que leurs voisins médecins marocains et tunisiens, tous deux pays moins riches que l’Algérie.
Ceci fait en sorte que les hôpitaux soient souvent désertés des compétences qui quittent carrément le CHU pour aller s’installer, voire se limiter à une activité complémentaire qui prend parfois plus de temps que l’enseignement et la transmission du savoir.
Pourquoi les médecins universitaires censés former les générations de médecins s’oublient parfois dans l’activité complémentaire à savoir «les vacations au privé»?. Comme un malade a qui l’on prescrit un complément alimentaire vitaminique, les médecins ne se rapprochent du privé que pour complémenter des revenus leur permettant d’avoir une vie décente.
Certains jugeront de manière moralisatrice pour vous dire, «Mais un médecin qui court derrière l’argent! Quel horreur! Que c’est honteux…»
Mais un médecin a juré sur le serment d’Hippocrate de soigner et d’être à l’écoute du malade, d’exercer sa science qu’il a souvent fait par amour de la médecine mais à aucun moment il n’a fait voeu de pauvreté. Si le ministère de la Santé et celui de l’Enseignement supérieur s’inquiétaient du niveau des médecins devant être formés ils se soucieraient d’avantage de pouvoir garder ces médecins de rang universitaire à savoir: Les maîtres assistants docents et professeurs en ne les poussant pas à aller gagner leur pain ailleurs, mais en les rémunérant correctement pour qu’ils se limitent à soigner et à former les générations futures de médecin.
Car finalement, ce qui est aberrant ce n’est nullement qu’un médecin cherche à arrondir ses fins de mois pour vivre décemment, mais c’est de l’obliger à y aller en le sous-payant.
Un médecin de rang universitaire qui quitte un CHU est une grosse perte pour les étudiants, déjà que ces médecins doivent souvent faire face à une hiérarchie qui s’est oubliée à ses postes de chef de service où l’âge moyen du chef de service dépasse largement l’âge de la retraite «Age moyen 70 ans». Sous d’autres cieux pour rester à la tête d’un service, il faut continuer la recherche, les publications et l’enseignement. Les générations en dessous souvent lassées, s’en vont car elles savent que leur tour ne viendra jamais.
C’est un peu la même chose qu’à l’échelle politique où les plus vieux se maintiennent plus de 30 ans aux mêmes postes, ce qui pousse à phagocyter deux ou trois générations en dessous.
Les enseignants donnent des cours privés, les plombiers réparent des robinets chez des particuliers après les heures de boulot et ceci en toute illégalité. Le médecin bénéficiant de l’activité complémentaire le fait en toute légalité, malgré quelques dérapages. Ailleurs, l’activité complémentaire est non seulement légale mais ceci malgré une rémunération correcte dans les hôpitaux.
Enfin, les médecins les plus compétents, les plus titrés, les meilleurs quittent les CHU pour le privé et c’est l’étudiant et le malade qui se trouvent sanctionnés.