Vol de véhicules, Les réseaux se mettent au hightech

Vol de véhicules, Les réseaux se mettent au hightech

Les services de sécurité affirment que le trafic de véhicules « demeure une menace réelle » surtout avec l’apparition de réseaux spécialisés et le développement des moyens techniques utilisés par les trafiquants.

Les réseaux spécialisés dans le vol de véhicules recourent de plus en plus aux moyens technologiques pour commettre leurs délits, c’est un fait observé par les enquêteurs de la gendarmerie. Ils disposent désormais de « scanners pirates » qui permettent d’accéder au système électronique et de détecter ensuite le programme de tous types de véhicules en un laps de temps ne dépassant pas les 5 minutes. En clair, cette « lecture » permet de faire démarrer la voiture au quart de tour. Le prix de cet équipement varie entre 20 et 30 millions de centimes ; il permet de déchiffrer le code du véhicule quel que soit son système de verrouillage. Ce scanner est utilisé dans le vol des véhicules neufs haut de gamme. Pour le commandement de la gendarmerie, cela explique en partie la hausse de vols de véhicules durant le premier semestre 2012.

Selon un document de la gendarmerie, il est fait état de traitement de 225 affaires liées au trafic de véhicules durant les premiers six mois de l’année en cours, soit une augmentation de 70% par rapport à la même période de l’année dernière. Les enquêteurs ont mis la main sur 335 personnes impliquées, dont 4 femmes, appartenant à des réseaux organisés. Ces enquêtes ont permis aussi la récupération de 143 véhicules maquillés. Et c’est dans la ville d’El Oued, au sud-est du pays, que le plus grand nombre de véhicules trafiqués (37) ont été récupérés. Mais c’est à Batna que revient la palme du plus grand nombre de délits, avec 37 affaires traitées. La raison ? Cette wilaya abrite la plus grande casse de véhicules de tout le pays. Et c’est ici, plus exactement à Djazzar, région limitrophe de la wilaya de M’sila, qu’atterrissent 60% des véhicules volés. « Il s’agit d’un véritable cimetière de véhicules », précise un officier de la gendarmerie. Pour les enquêteurs, un véhicule volé est désossé dans des ateliers clandestins en 15 minutes maximum pour être revendu en pièces détachées. Par contre, l’opération de maquillage et de falsification dure une demi-journée. « Avec l’autoroute est-ouest, l’acheminement des véhicules volés se fera plus rapidement », signale cet officier de la gendarmerie.

DES TECHNIQUES « DIABOLIQUES »

Evoquant le mode opératoire, le rapport de la gendarmerie indique que les réseaux spécialisés dans le trafic de véhicules procèdent au changement de zone d’activité en permanence. « Les bandes criminelles utilisent le milieu urbain comme couverture à leurs activités », note le document. Et leurs techniques de vols sont pratiquement les mêmes. Ils recrutent d’abord des femmes. « Leur mission est d’attirer les chauffeurs pour les acheminer vers un endroit isolé pour être ensuite agressés et délestés de leur véhicule », explique le rapport. Les chauffeurs de taxi et les clandestins sont également la cible des réseaux. Une fois arrivés au lieu convenu, ils sont orientés par les « passagers » vers des routes secondaires et isolées pour être ensuite délestés de leur véhicule. Dans plusieurs cas, les victimes ont été assassinées à l’arme blanche, et parfois brûlées. Autre technique : la filature du véhicule ciblé jusqu’à son arrivée à un dos d’âne. Là, il est percuté par l’arrière pour obliger le conducteur à s’arrêter. A sa descente, le chauffeur est agressé et le véhicule volé.

STATIONS DE LAVAGE, DOUANIERS ET AGENTS ADMINISTRATIFS IMPLIQUES

Certains voleurs préfèrent des méthodes plus soft. Elles consistent à s’entendre avec les propriétaires des voitures pour escroquer les sociétés d’assurances. Ainsi, les propriétaires simulent un vol. Ils désossent leurs véhicules vendus ensuite sous forme de pièces détachées, avisent les sociétés d’assurances pour signaler le vol pour obtenir des dédommagements. Les enquêtes de la gendarmerie ont fait ressortir, aussi, la complicité de certains agents au niveau des douanes dans ce trafic. Ces derniers facilitent l’introduction des véhicules volés à l’étranger, généralement par voie portuaire, en fermant les yeux sur les faux documents. Mais les services les plus impliqués sont ceux qui établissent les cartes grises falsifiées. Cette technique, pratiquement imparable, permet de revendre facilement le véhicule volé. Pour faire face à ce trafic, les services de sécurité ont trouvé une parade : durcir le contrôle sur ces services. Selon la gendarmerie, il existe deux genres de trafics : celui des documents et du technique. Les trafiquants procèdent, dans la plupart des cas, après le vol de véhicules, à la falsification des documents et au transfert des caractères techniques d’un véhicule ancien ou hors d’usage vers un autre véhicule de même marque et même type à travers le découpage de la partie métallique comportant le numéro de châssis du véhicule ancien pour ensuite la placer sur celui volé. L’autre mode opératoire est l’effacement d’un ou de plusieurs chiffres du numéro de châssis du véhicule et leur remplacement par ceux d’un autre véhicule usagé. D’autre part, les services de sécurité évoquent l’implication des stations de lavage de véhicules et des services après-vente relevant de certains concessionnaires qui sous-traitent avec les réseaux. Ainsi, des agents dans des stations de lavage procèdent à la confection d’un double de clé du véhicule. Les enquêtes ont révélé qu’ils procèdent, ensuite, au vol du véhicule une fois stationné devant le domicile de la victime.

VEHICULES CIBLES PAR LES VOLEURS ET LES TRAFIQUANTS

Contrairement à une idée reçue, les délinquants ne visent pas toujours les véhicules neufs. Et pour cause, ils recherchent d’abord les anciens modèles et les véhicules accidentés utilisés pour la falsification de documents administratifs destinés aux voitures neuves volées. Pour celles-ci, les réseaux affectionnent particulièrement la Renault Kangoo, visée pour la faiblesse de son système de sécurité, mais également Hyundai Accent, Chevrolet Aveo et Renault Logan. Pour s’en emparer, il suffit juste aux voleurs de dérober le bouchon du réservoir d’essence qui contient toutes les informations du véhicule ainsi que la serrure afin de fabriquer un double. Autre technique : les voleurs brisent le clignotant de la voiture pour paralyser son système d’alarme. Généralement ce genre de vol ne dépasse pas 18 secondes. Le rapport rappelle toutefois que la gendarmerie dispose des outils d’identification et de recherche pour lutter efficacement contre ce phénomène. Les experts de l’Institut national de criminologie et de criminalistique (INCC) de Bouchaoui sont sollicités dans l’authentification de documents administratifs.

Neïla B.