Soucieux de l’avenir du fleuron de la sidérurgie en Algérie et de celui des 6 500 travailleurs qu’il emploie, l’État décide de donner une seconde vie au complexe d’El-Hadjar d’Annaba.
En difficulté financière depuis plusieurs mois à cause de la crise mondiale qui a impacté la maison mère en Inde et ses filiales de par le monde, ArcelorMittal Algérie, propriétaire majoritaire de l’usine, n’arrive plus à poursuivre le processus de mise en œuvre de son business plan et de sa stratégie industrielle. Un lourd fardeau dont veut se débarrasser urgemment le géant mondial… aux pieds d’argile ! Pour concrétiser cette mesure, le groupe indien est prêt à user de tous les moyens quitte à ce que sa crédibilité à l’échelle internationale reçoive un coup.
Il tire alors la sonnette d’alarme quant au devenir de sa filiale algérienne et sollicite aussitôt l’intervention du gouvernement. Pourtant, ce dernier lui a accordé la majorité des actions, soit 70% dans le cadre de la privatisation en 2006. Les autorités, à cette époque, citaient ce partenariat comme un exemple de réussite des opérations de privatisation, lancées par l’Exécutif dans différents secteurs. Il a fallu attendre sept ans seulement pour que cet actionnariat devienne un échec cuisant.
Les pouvoirs publics ont échoué dans cette affaire. Pis, ils se retrouvent, aujourd’hui, devant un dilemme. Ne pas répondre aux sollicitations de l’opérateur indien et le laisser gérer la situation seul tel que l’exigent les règlements de l’économie de marché avec le risque de licenciement qu’encourent les milliers d’employés. Car, pour s’en sortir, ArcelorMittal ne dispose pas d’autres alternatives que de dégraisser ses effectifs ou de fermer carrément l’usine.
Ou, venir au secours du gérant en lui apportant le financement nécessaire qui donnera un second souffle au complexe et avec lequel ils achèteront la paix sociale dans la région. En ces temps qui courent, avec le front social qui risque d’exploser à tout moment, l’État a opté, malgré lui, pour la deuxième solution. Il a encore une fois mis la main à la poche pour déposer sur la table un milliard de dollars, montant indispensable pour la relance de l’usine. Une occasion en or, une chance inouïe, un scénario idéal dont n’a jamais rêvé le number one de l’acier dans le monde.
L’État mis devant le fait accompli !
L’État lui vient en aide avec l’apport financier essentiel. En contrepartie, il a accepté de céder 21% de ses actions au profit de la partie algérienne représentée par le groupe public Sider. Les deux partenaires ont signé ainsi un nouveau pacte d’actionnaires qui confère à Sider 51% du capital du complexe. Ce pacte intervient en application de l’accord de partenariat conclu entre les deux actionnaires validé par le Conseil des participations de l’État le 25 septembre dernier. Le poste de
P-DG revient de ce fait à un Algérien et la direction générale sera confiée à l’actionnaire indien.
Du milliard de dollars débloqué pour le développement industriel du complexe, voire de toute la filière sidérurgie, indique Amara Benyounès, ministre du Développement industriel, 720 millions de dollars représentent un investissement direct dédié à la réhabilitation et la modernisation des équipements. De ce montant, 120 millions de dollars sont des apports numéraires des actionnaires et la somme de 600 millions de dollars a été obtenue sous forme de crédits bancaires à des taux avantageux de la part d’une banque algérienne. Le fonds de roulement de l’entreprise est estimé à 355 millions de dollars. Le plan vise à porter la production à 2,2 millions de tonnes d’ici à 2018. Outre la modernisation des équipements devenus obsolètes et la révision du système de management, le ministre cherche, à travers ce programme, la stabilité sociale, un paramètre qu’il juge “extrêmement important”.
Il est question également de garantir une meilleure flexibilité au complexe en produits plats et longs pour qu’il s’adapte au mieux aux besoins du marché national en produits de sidérurgie qui avoisinent les 5 millions de tonnes/an. Pour la demande qui s’accroît de 6% par an, le complexe d’El-Hadjar n’en assure actuellement que 10%. Mais l’on ambitionne de relever cette offre à 75% à l’horizon 2020, avoue Amara Benyounès. Le ministre a dressé un bilan peu reluisant de la situation qui prévaut à El-Hadjar. Vétusté des installations, déperdition des compétences techniques et l’instabilité sociale sont autant de dysfonctionnements dont souffre l’usine. Ses capacités installées ne sont pas encore adaptées aux besoins du marché local en produits longs dédiés à la construction.
D’où la décision de réaliser une nouvelle filière électrique d’une capacité d’un million de tonnes de rond à béton/an. En ce qui concerne le manque de ferraille, l’on projette de produire en Algérie de pré-réduits pour alimenter des unités sidérurgiques à commencer par El-Hadjar. Ce plan prévoit, par ailleurs, la rénovation du haut-fourneau, des appareils de réparation, des matières premières, des aciéries et des laminoirs existants et assurera des formations aux personnels.
B. K