Abane Ramdane & Krim Belkacem
L’orateur a révélé aussi que les cinq membres du CEE avaient décidé d’emprisonner Abane Ramdane pour une multitude de raisons.
«C’est Krim Belkacem en personne qui m’a dit qu’il n’était pas du tout informé qu’en accompagnant Abane Ramdane au Maroc, ce dernier allait être assassiné», a révélé entre autres Messous Saâda, membre de l’ALN et ancien compagnon de Krim lors d’une conférence-débat animée à Tizi Ouzou. Messous Saâda a ajouté que la première fois qu’il avait abordé le sujet avec Krim, ce dernier n’a pas voulu lui répondre car selon lui, Krim lui avait dit: «Quelle que soit la réponse que je te donnerai, tu ne me croiras pas car je n’ai pas de preuves».
Pourtant, bien plus tard c’est Krim Belkacem lui-même qui a décidé d’en parler avec le conférencier. «La deuxième fois, Krim lui-même a abordé la question. Il m’a dit qu’il n’était pas du tout au courant qu’il était question d’assassiner Abane Ramdane en accompagnant ce dernier au Maroc en compagnie de Mahmoud Chérif», a ajouté le conférencier devant une assistance qui suivait dans un silence sépulcral le témoignage oculaire de Messous. Ce dernier a expliqué qu’en demandant à Abane de partir avec eux au Maroc, ils lui ont fait croire à des discussions avec des responsables de ce pays voisin.
L’orateur a révélé aussi que les cinq membres du CEE avaient décidé d’emprisonner Abane Ramdane pour une multitude de raisons. Parmi ces dernières, il y avait le fait que Abane Ramdane était très en avance sur le plan des idées que la plupart des autres et aussi pour une question d’incompatibilité de caractère qui était arrivée à un point de non-retour. Krim lui avait même montré une copie du procès verbal de la réunion au cours de laquelle la décision d’emprisonner Abane avait été prise. Boussouf avait bien écrit: «Je dis bien emprisonnement.» Une fois arrivés au Maroc, Boussouf les attendait. C’est alors que Abane Ramdane a été pris de force et tué. Ceci toujours d’après le récit de Messous Saâda qui ajoute que Krim Belkacem avait tenté de s’interposer mais on l’arrêta illico presto en lui faisant comprendre ce qu’il encourait comme risques s’il ne laissait pas faire. Messous avait interrogé Krim sur les raisons de son silence une fois rentré en Algérie, Krim Belkacem lui avait répondu que s’il avait parlé, c’est toute la Révolution qui aurait été remise en cause et qu’il ne pouvait pas sacrifier l’intérêt et l’unité de toute la nation pour une région. Messous a enchaîné son témoignage en affirmant que plus tard il a cherché à confirmer les informations données par Krim Belkacem auprès de Mahmoud Chérif, qui était colonel de la wilaya. «Ce dernier m’a confirmé dans toute sa totalité la version livrée par Krim Belkacem.»
Messous Saâda est revenu sur pratiquement tout le parcours de Krim Belkacem qu’il est arrivé à restituer de mémoire et sans consulter à aucun moment un quelconque document. L’intervenant a rappelé que Krim Belkacem est monté au maquis bien avant 1954. C’était en mai 1947 une fois qu’un avis de recherche avait été lancé par la gendarmerie française contre lui. Ce dernier était au maquis avec vingt-deux de ses compagnons, indique Messous, rappelant que Krim prévoyait de lancer la guerre contre la France au début de l’année 1954, mais il avait compris qu’une région à elle seule ne pouvait le faire. Parmi les points essentiels sur lesquels a insisté l’orateur, on peut citer le rôle de Krim Belkacem à unifier la petite et la grande Kabylie dans la même wilaya (Wilaya III) car au départ il était question de rattacher ces deux régions respectivement à la wilaya I et à la zone autonome d’Alger. C’est donc grâce à Krim Belkacem que la wilaya III a pu naître sous la forme qu’on lui connaît. Messous Saâda a rebondi sur plusieurs autres étapes du parcours de Krim Belkacem parsemé de péripéties, et ce pendant et après l’Indépendance. Il a évoqué la création du Front des forces socialistes dont Krim Belkacem était un membre fondateur, le Congrès de Tripoli qui s’était déroulé sans élections, la création du Mdra à l’étranger et enfin l’assassinat de Krim Belkacem le 18 octobre 1970 à Frankfurt, en Allemagne. Le conférencier a indiqué que c’est Houari Boumediène qui a décidé que Krim Belkacem devait mourir. L’intervenant a souligné que Boumediène a déclaré en pleine réunion de l’Etat-major de l’armée: «Je préfère que ce soit sa mère qui pleure plutôt que la mienne.» Messous Saâda a conclu en disant que Krim Belkacem était le seul opposant que Boumediène craignait sérieusement car il savait qu’il pouvait allait jusqu’au bout de ses idées.