Le médiateur international chargé de la crise en Syrie, Lakhdar Brahimi, a quitté hier Damas, après sa première mission sur place. Pas d’annonces, et la rébellion juge sa mission “impossible”, imputant son échec aux… Occidentaux.
On ne sait pas encore si les entretiens du diplomate algérien ont été concluants, il aura, tout de même, passé quatre journées dans la capitale syrienne. Et ce n’est pas rien. Et puis, ce ne fut que le début d’un processus que lui-même a qualifié de difficile et qui demande du temps. Alors pourquoi cette précipitation des capitales occidentales à statuer sur son échec ? Washington, Paris et Londres se sont empressées de décréter “la communication est mal passée”, comme si le très lourd contentieux syrien pouvait se régler en un tour de passe-passe. Certains régimes arabes, notamment dans le Golfe, ont eu la même attitude. Eux aussi ne donnaient pas cher de la mission Brahimi, dès lors que celui-ci avait refusé de démarrer sa médiation avec le préalable de faire partir Bachar al-Assad. Lakhdar Brahimi a tout de même obtenu le feu vert des officiels syriens pour revoir le plan de paix de son prédécesseur Kofi Annan, pour le rendre, entre autres, plus opérationnel grâce à “des idées et des mesures nouvelles”, car, selon lui, la crise en Syrie ne trouvera de solution que “par un compromis arabe, régional et international”. Le diplomate algérien n’a pas cessé de le dire : il faut faire cesser la violence et les tueries, normaliser autant que se peut la situation humanitaire pour enfin ouvrir la voie à une étape transitoire, conformément à l’accord de Genève conclu fin juin. Cet accord, est-il rappelé, fixe des principes pour la transition en Syrie, mais sans appeler au départ du président Bachar al-Assad. Le CCND, l’opposition tolérée par Bachar al-Assad, également incontournable, ne serait-ce que parce que ce ne sont pas toutes les populations syriennes qui ont rejoint la rébellion, qui exprime jusqu’où peuvent aller les concessions du régime, a évoqué devant le médiateur la nécessité d’un compromis entre les diverses parties, opposition et autorités. Une délégation du CCND avait pris la route de la Chine, allié du régime syrien, avant de participer le 23 septembre à une conférence à Damas d’une vingtaine d’organisations hostiles tant au régime qu’à l’opposition armée, sur le thème “Pour un changement démocratique qui maintient l’unité et la souveraineté de la patrie et préserve la paix civile”. à Pékin, ses représentants devaient demander aux Chinois de faire pression sur le régime pour qu’il arrête les violences, retirer les engins militaires des rues, libérer les détenus et autoriser les manifestations pacifiques. C’est la violence du régime et la solution sécuritaire et militaire qu’il a adoptée qui ont généré la violence, les groupes extrémistes et les gangs criminels, a même admis, devant Lakhdar Brahim, un des membres du CCND. Il est évident que le CCND ne peut pas dire ça sans le OK du régime.
Comme pour parasiter la mission Brahimi, la scène diplomatique est en grande agitation depuis sa prise de fonction, surtout qu’il avait d’emblée fait part de son intention de ne pas se faire marcher sur les pieds. Pour l’heure, lui seul est habilité à tirer des conclusions sur son séjour damascène, encore que sa mission est au stade des préliminaires. En tout cas, en qualité d’expert de médiations impossibles, le diplomate algérien va voir tout le monde avant de proposer une solution, inclure tous les protagonistes du conflit, y compris les Iraniens, à un processus de négociation. Il ne veut pas, non plus, se lier avec les plans déjà mis sur la table comme celui de Kofi Annan. C’est pourquoi il affiche une grande prudence. S’il parle de graves dangers pour le pays, la région et le monde pour que s’impose un changement inévitable en Syrie, il se garde bien de nommer Bachar al-Assad. Lakhdar Brahimi, qui n’a pas de plan pour régler la poudrière syrienne, va entamer sa seconde étape, se rapprocher du “groupe de contact sur la Syrie”, à savoir l’égypte, l’Iran, l’Arabie Saoudite et la Turquie. Le médiateur chevronné pourra-t-il cependant rester de marbre aux pressions arabes et des principaux pays du Conseil de sécurité : états-Unis, Grande-Bretagne et France ? Cela fait moins d’un mois que le diplomate algérien a pris le poste de médiateur international pour la Syrie.