C’est aux alentours de 14h, sous un climat doux et ensoleillé, plus printanier qu’hivernal, que l’attaquant de l’équipe nationale et du Vitória Sport Clube do Guimaraes, El-Arbi Hillal Soudani, est venu nous retrouver devant la grille du Complexo Desportivo Dr António Pimenta Machado, le camp d’entraînement du club phare de Guimaraes où il nous avait donné rendez-vous.
Après un accueil très chaleureux et avec une hospitalité très algérienne, l’ancien goleador de l’ASO Chlef nous a reçu chez lui et a accepté de nous accorder un long entretien, sans langue de bois aucune, répondant à toutes nos questions en jouant le jeu de la sincérité totale. Un entretien où l’enfant de la cité El-Arroudj de Chlef a accepté de revenir sur l’ensemble de sa carrière passée, son avenir, sa vie d’homme et bien sûr l’équipe nationale qu’il chérit plus que tout, pour le plus grand plaisir de ses fans et des lecteurs de Compétition.
– La première question que j’ai envie de poser, c’est celle que se posent tous vos fans, à savoir comment allez-vous ?
– Avant de vous répondre, je voudrais tout d’abord vous souhaiter la bienvenue chez moi et je voudrais aussi vous remercier de vous être déplacé ici à Guimaraes pour prendre de mes nouvelles. Cela me fait plaisir de vous recevoir. Comme vous pouvez le voir vous-même, je me porte comme un charme et ici j’ai tout ce qu’il me faut. Grâce à Dieu, je ne manque de rien.
– Et votre intégration au Portugal, comment cela se passe ?
– Pour vous dire la vérité, au début, ça a été très difficile. Vous arrivez dans un autre pays, avec une autre culture, d’autres coutumes et une autre langue, et vous devez très vite être opérationnel. Grâce à Dieu, j’ai eu la chance de tomber sur un club formidable qui a tout fait pour me faciliter l’intégration, avec des coéquipiers avec qui le courant est tout de suite passé et j’ai réussi à surmonter cette épreuve. Aujourd’hui, je suis totalement intégré et cela fait vraiment une grosse différence, c’est le jour et la nuit.
– Vous semblez conforté dans votre choix du Vitória Sport Clube ?
– Franchement, tous les jours, je remercie Dieu d’évoluer dans ce club. Du président, à l’entraîneur, aux joueurs, jusqu’au garde-matériel et aux employés du club, tout le monde m’aime et m’a accepté dès la première minute où je suis arrivé. Ici, je me sens chez moi. C’est un club très professionnel et ambitieux, mais qui reste un club à visage humain et familial. Nous sommes actuellement 8es du championnat et même si je ne joue pas, ce n’est pas grave, car les gens qui sont titulaires à ma place font le boulot et inscrivent des buts. Moi, j’apprends chaque jour et je progresse. Ce club, c’est le club idéal pour débuter une carrière professionnelle en Europe.
– Que répondez-vous à vos détracteurs qui disent que vous ne jouez pas beaucoup ici à Guimaraes ?
– Je leur réponds que même le grand Moussa Saïb, que je connais bien, qui avait tout gagné en Algérie, en Afrique et était une super star en arrivant en Europe, a eu une longue période d’adaptation avant d’exploser ensuite. Moi, je veux suivre les traces de ce grand champion en étant patient et en ne brûlant pas les étapes. Avec le travail et le sérieux, ça finira par payer inch Allah. J’ai d’ailleurs inscrit un doublé en amical dernièrement et je sais que l’entraîneur et le groupe comptent sur moi.
– On va maintenant parler de vos débuts. Comment et à quel âge avez-vous commencé le football ?
– Comme tous les petits Algériens, j’ai commencé le football en étant enfant, dans les rues de mon quartier, à la Cité Arroudj, à Chlef. Je jouais souvent au foot et à d’autres jeux avec les copains. On avait tous le même âge et on s’amusait bien. Un jour, alors que nous jouions aux billes, un grand du quartier nous a dit : «Au lieu de toujours jouer dans la rue, il y a des détections à l’ASO Chlef, pourquoi ne tenteriez-vous pas votre chance ?» J’ai suivi son conseil et je me suis inscrit. La détection avait lieu au stade Sahli qui était à l’époque en tuf. Je devais avoir 11 ans. Nous avons fait un match nous opposant, nous les débutants, aux anciens et j’ai eu la chance de marquer rapidement. J’ai plu à l’entraîneur qui m’a dit de revenir le lendemain avec les papiers. Et c’est là que tout a commencé. – Racontez-nous brièvement votre parcours en club ?
– Je n’ai connu qu’un seul club en Algérie, l’ASO Chlef, mon club formateur. J’y ai franchi toutes les étapes, des poussins jusqu’à signer mon premier contrat professionnel. La première fois que j’ai été retenu dans le groupe des 18 pour un match de championnat, je devais avoir 16 ans, c’était pour recevoir le NAHD, mais je n’ai pas joué. La semaine d’après, j’ai de nouveau été retenu dans le groupe des 18 pour un déplacement à Annaba, et une nouvelle fois, je n’ai pas joué. La troisième fois fut la bonne, puisque, finalement, face à la JS Kabylie, j’ai fait mon baptême du feu en première division avec l’ASO et mon début fut une réussite, car j’ai inscrit mon premier but ce jour-là. La semaine suivante, alors que je n’étais que junior, j’ai de nouveau marqué face au CA Bordj Bou-Arréridj. Donc, deux buts en deux matchs, à seulement 16 ans, c’est là que ma carrière a été lancée.
– Quel a été votre plus beau souvenir avec l’ASO Chlef ?
– Mon plus beau souvenir à l’ASO, c’est toute la saison passée. De la préparation au titre, cette saison a été magnifique.
– Votre titre de champions d’Algérie était-il une surprise comme certains l’ont souligné, ou au contraire, était-il le fruit d’un long travail ?
– Ce n’était pas une surprise. La saison passée, nous étions les meilleurs et tous les observateurs du football national l’ont reconnu. Lorsque nous avons perdu le premier match de la saison par 4 à 0 à Béjaïa, tout le monde a dit que nous n’étions pas une équipe et que nous allions droit vers la descente avec un tel entraîneur, etc. C’est ce match perdu à Béjaïa qui nous a boostés pour donner tort à nos détracteurs et montrer notre valeur réelle au public algérien. Nous nous sommes réunis entre joueurs et nous nous sommes dit la chose suivante : «C’est la première et la dernière fois que nous prenons une telle valise. Nous avons un groupe de champion d’Algérie, mais pour ne pas nous mettre la pression, nous allons jouer match par match et faire les comptes lors de la dernière journée !» El hamdoullah, c’est ce qu’on a fait et nous avons gagné ce championnat avec panache. Les gens ont vu des matchs propres avec de jolis buts et du talent sur le terrain digne d’un champion d’Algérie.
– Avec un grand entraîneur et un bon groupe, n’est-ce pas ?
– Oui, un très grand entraîneur. Meziane Ighil a été une des clés de notre réussite. En plus d’être un grand technicien et tacticien du football, c’est un grand homme. Nous respections Meziane Ighil comme un père. Il n’avait pas besoin de nous crier dessus, car un simple regard suffisait et nous corrigions le tir. Il y avait un énorme respect entre les joueurs et lui. J’ai été très peiné de le voir partir à la JSK, car j’aurais aimé qu’il rempile à l’ASO, mais je comprends son choix. Lui aussi, il gère une carrière. Il n’y a qu’à voir le formidable travail qu’il a fait à la JSK, alors qu’il est arrivé en pleine saison et qu’il ne connaissait pas les joueurs. Quant au groupe, je n’ai jamais évolué dans un tel groupe. Non seulement dans chaque ligne, nous avions ce qu’il se faisait de mieux en Algérie, avec de l’expérience, et nous étions tous des frères. La clé de notre réussite, ce sont notre cohésion et notre respect infini pour Meziane Ighil.
– Continuez-vous à suivre le championnat national ?
– Oui, bien sûr. Grâce à la parabole, je suis les matchs du championnat national chaque fois que je peux et je suis souvent au téléphone avec mes anciens coéquipiers qui me tiennent au parfum.
– Quelle est la différence entre un club comme l’ASO Chlef et le Vitória Sport Clube où vous évoluez aujourd’hui ?
– Je ne vais pas vous mentir, il y a énormément de différences. Même si en Algérie, nous avons le statut professionnel, cela n’a rien à voir avec le professionnalisme européen. Ici, nous avons tous les moyens, je dis bien tous les moyens, pour pratiquer notre métier, le football, dans des conditions optimales. Des conditions qu’aucun club algérien, pas seulement l’ASO Chlef, n’est capable d’offrir actuellement. Ce sont ces moyens supplémentaires qui font que les clubs européens sont très loin devant nous. Je n’invente rien, vous êtes venus visiter le Vitoria Sport Clube et vous avez vu de vos propres yeux la différence avec nos clubs du championnat national. Ici même, les supporters ont l’amour de leurs couleurs. La ville semble calme et déserte, mais tous les matchs se jouent à guichets fermés, on se demande d’où sortent les gens. Et je ne sais pas si vous avez remarqué, lorsque vous vous êtes baladé en ville, mais ici il n’y a pas de supporters du Real, du Barça ou même du FC Porto, qui est seulement à 55 kilomètres, il n’y a que des supporters du Vitória Sport Clube. C’est une culture ici. Nous avons de magnifiques supporters qui sont vraiment le 12e homme de notre équipe.
– Justement, comment avez-vous finalement opté pour le Vitoria Sport Clube après un mercato agité ? Racontez-nous votre mercato ?
– Mon mercato a été un gigantesque imbroglio. Tous les jours, une nouvelle piste apparaissait, souvent fondée et on pouvait lire : Soudani au Mans, Soudani à Madère ou encore Soudani à Bastia, Arles Avignon, etc. J’avais beaucoup de contacts. Jusqu’au dernier moment, j’étais incapable de savoir où j’allais atterrir. Il me restait un an de contrat avec l’ASO Chlef et je ne pouvais rien faire, à part négocier un bon de sortie avec le président. J’ai dit à mon président que je voulais partir pour l’Europe uniquement et que s’il s’agissait de partir dans un autre club en Algérie, je préférais rester à l’ASO. Alors qu’il y avait un contact très avancé en Arabie Saoudite, le président Medouar, que je remercie d’ailleurs, a tenu compte de ma préférence pour l’Europe et m’a facilité les choses pour mon transfert au Portugal. Il m’a même dit que c’était un plaisir pour l’ASO Chlef d’exporter le premier joueur issu de son école de football en Europe. Cela récompense le dur labeur des éducateurs et des bénévoles.
M. B.