Sécurité dans le sahel et visée étrangéres

Sécurité dans le sahel et visée étrangéres

SÉCURITÉ DANS LE SAHEL ET VISÉES ÉTRANGÈRES

Les Etats de la région doivent compter sur eux-mêmes

Les Américains sont depuis quelques années déjà bien dans la région du Sahel, où ils conduisent régulièrement des manœuvres militaires auxquelles sont associés les armées des pays de cette zone soumise à tous les trafics et où les islamistes se meuvent comme des poissons dans l’eau.

Ainsi il y a quelques jours, Claudio Bisogniero, secrétaire général adjoint de l’Otan, était en visite à Nouakchott, où il a discuté par le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz du terrorisme et des problèmes sécuritaires, ainsi que de la coopération entre son organisation et la Mauritanie. Aujourd’hui et faute d’avoir réussi à installer leur commandement militaire pour l’Afrique dans un pays du continent, l’armée américaine semble avoir trouvé l’astuce pour y avoir une présence dans la durée.

Ainsi, par le biais de l’Otan, l’administration américaine compte sans bruit marquer cette présence dans la région, puisque cette organisation militaire vient de proposer à la Mauritanie, un des maillons faibles de cette zone «grise», sa coopération pour lutter contre le terrorisme et les trafics en tout genre qui y prospèrent. Par ce moyen (l’Otan), l’administration américaine a également trouvé la parade pour ne pas égratigner les susceptibilités d’un pays comme la France qui fait de la zone en question «une chasse gardée», puisque ce pays est membre de cette alliance. Que vient donc faire l’Otan dans le Sahel, à un moment où les Etats de la région se sont entendus pour joindre leurs forces respectives pour sécuriser cet espace difficilement contrôlable ? Par ces temps de Mondial, l’information peut passer inaperçue, l’attention du continent étant captée par cet événement planétaire. Cependant, récemment, l’option d’une prise en charge des problèmes sécuritaires de la région a été réaffirmée par le ministre algérien de l’Intérieur,

Daho Ould Kablia, pour qui la sécurité du Sahel est «une stratégie minutieusement planifiée». Le ministre avait alors expliqué que cette région «n’est plus une action isolée ou secondaire», rappelant qu’il a fallu que les pays concernés prennent en charge la sécurité du Sahel «de manière globale et sous tous ses aspects».

Ould Kablia a rappelé également que cette région était «convoitée par les forces internationales traditionnelles qui aspirent à accaparer les richesses de la région avec des visées politiques et géostratégiques». Il faisait sans aucun doute allusion à la France et aux Etats-Unis qui se disputent son contrôle.

Il reste par conséquent aux pays qui partagent cet espace de joindre leurs forces pour «lutter ensemble contre le terrorisme et ses multiples connexions, notamment contre les réseaux de trafic d’armes et de drogue et à renforcer la coopération économique, culturelle et sociale entre ces pays», avait estimé le ministre. Et de citer l’accord conclu en avril 2010 à Alger par les chefs d’états-majors des pays de la région sahélo-saharienne (Algérie, Burkina Faso, Libye, Mali, Mauritanie,

Niger et Tchad), qui «consacre la détermination des gouvernements de ces pays à trouver des moyens adéquats pour assurer la sécurité de la région sans aucune ingérence étrangère». Ould Kablia avait rappelé que ces pays ont mis en place une commission commune des chefs d’états-majors à Tamanrasset pour ériger un front commun de lutte contre le terrorisme.

Les experts militaires locaux estiment les terroristes qui activent dans la région, et qui sont principalement issus des groupes qui sévissaient en Algérie, à quelque 300 individus. Ces criminels se sont adaptés aux dures conditions du désert. Ils ont des complicités au sein des populations locales pauvres et délaissées par les régimes locaux, comme au Mali et au Niger.

Leur spécialité, travailler avec les contrebandiers locaux, les trafiquants de drogue et chercher à capturer des Occidentaux pour les échanger contre des rançons qui serviront non seulement à acheter des armes et des munitions, mais aussi acquérir du matériel de communication, des vivres et la collaboration des habitants. Grâce à ces rançons, ils se sont équipés.

Selon un article publié récemment par un média français, qui cite un film vidéo réalisé par les terroristes eux-mêmes en 2007, ils disposeraient de Toyota Land Cruiser pick-up 4,5 litres essence, «capables de dépasser 160 km/heure et de semer n’importe quelle patrouille et ses véhicules diesel». Dans ces véhicules, ils transportent «à l’arrière, un chargement de roues de secours, bidons de 500 litres pour le carburant, jerrycans d’eau, nattes pour dormir, tentes, nourriture.

Juchés dessus, quatre à six hommes avec des kalachnikovs ou des lance-roquettes». Pour un journaliste mauritanien, «ils sont mieux armés et équipés que les soldats de la région. Leurs chauffeurs sont expérimentés, souvent des gens du désert.

Ils ont des GPS et des lunettes de vision nocturne pour rouler de nuit, hors piste. Le jour, ils se cachent dans des grottes, sous des bâches ou des arbres. Vous pouvez faire voler tous les avions espions et les satellites, vous ne verrez rien».

Sur leur ravitaillement, «ils ont leurs propres réserves, leurs caches. Ou bien ils achètent essence, bétail et eau aux nomades ou aux réseaux logistiques privés qui assurent la logistique des trafiquants de cigarettes, de marchandises, d’armes ou de migrants clandestins qui sillonnent le désert», fait savoir le reportage. Selon un autre journaliste, «il y a des gens dont c’est la spécialité : enfouir du ravitaillement dans le désert, par exemple dans de fausses tombes ou de faux vestiges archéologiques.

Ensuite, ils vous vendent les coordonnées GPS des dépôts. Et ils vendent à n’importe qui : contrebandiers ou terroristes, ils s’en foutent, c’est du business.

Ils peuvent cacher des voitures entières». Un ancien barbouze français explique à l’AFP que «chaque groupe jihadiste – la région du Sahel en compte quatre, appelés katibas – est organisé autour d’un chef, l’émir, désigné par le chef suprême de l’Aqmi,

Abdelmalek Droukdel, qui combat l’armée dans les maquis du nord de l’Algérie». Cet homme ajoute qu’il y a aussi le mufti, dont le rôle est primordial car il édicte les fetwas que suivra le groupe, et le conseil de la katiba, avec souvent un médecin, un chargé de la communication qui filme les attaques et un responsable de la logistique.

Ce sont des colonnes de trois, quatre ou six 4×4. Ils sont très souples : s’éclatent ou se regroupent en fonction des missions. Bougent sans cesse».

Le média cite aussi un explorateur français (!) qui, écrit-il, «sillonne la région en solitaire et en méharée depuis plus de dix ans», et qui «les a croisés, avant que ne deviennent systématiques les enlèvements d’Occidentaux».

Pour lui, les terroristes locaux «savent qu’ils sont écoutés par les grandes oreilles américaines, alors ils parlent en code, ou utilisent des SMS en scindant les mots par le milieu. Mais leur talent principal, leur garantie de survie, c’est d’avoir compris le désert. D’avoir noué les liens familiaux et d’amitié avec les tribus.

Belmokhtar, pour beaucoup et surtout pour les jeunes, c’est Robin des Bois». De ces propos, il est aisé de comprendre que certains pays ont de la sympathie pour ces criminels qu’ils utilisaient pour protéger leurs intérêts dans la région. Or, depuis qu’ils ont commencé à prendre des otages, la donne semble avoir changé, même si aucun Occidental n’a été exécuté, sauf un Britannique dont le pays a refusé de payer la rançon.

Pour l’ancien barbouze français, «les kidnappings sont maintenant le fait de groupes locaux, de truands, de droits communs parfois plus ou moins islamisés qui revendent leurs prises. Les hommes d’Aqmi quittent leurs refuges, dans le nord du Mali,

lancent un raid pour venir chercher les proies et repartent. Ensuite, les négociations commencent et les millions obtenus permettent de verser de grosses primes aux ravisseurs initiaux». Un chercheur français, qui «a quitté la région sur conseil des habitants locaux, depuis près de deux ans», fait savoir que ses amis «maures ou touareg, qui sont des chefs tribaux puissants, (l)’avertissent».

Ils lui disent : «Ne viens pas. Même nous, on ne peut plus te protéger.» Ils lui disent aussi : «Les jeunes sont devenus incontrôlables. Pour certains, tu es devenu un lingot d’or sur pattes. Et même si tu es avec nous, s’il faut nous tirer dessus pour

t’attraper et te revendre à Al Qaïda, ils le feront.» Aujourd’hui, les services de sécurité des pays de la région savent parfaitement comment fonctionnent ces criminels. Ils ont ainsi décidé de les traquer sur le terrain. Toutefois, il faut que les pays étrangers cessent leur manipulation et leur ingérence, et c’est aux Etats de la région de le leur faire comprendre. Pour l’heure, il n’y a que l’Algérie qui se préoccupe de cette nouvelle donne.

Adel Meziane