Scandale de la viande importée d’Inde : Bouteflika ordonne une enquête

Scandale de la viande importée d’Inde : Bouteflika ordonne une enquête

Le scandale de l’importation de la viande de buffle d’Inde fait des vagues. Le Chef de l’État aurait, selon des sources de la Présidence de la république, ordonné une enquête sur la décision prise par le gouvernement d’importer 10 000 tonnes de viande indienne ainsi que les conditions d’octroi des licences d’importation de la viande en provenance de l’Inde à des opérateurs privés. Lire également : Viande importée d’Inde : Comment le cartel de l’importation s’est partagé 30 millions de dollar. Soupçons de fraudes sur la viande importée d’Inde : De la viande de Buffalo impropre dans l’assiette des Algériens ?

Pour approvisionner le marché algérien en viande bovine et afin de satisfaire la grosse demande des consommateurs durant le mois de ramadan, les autorités algériennes avait décidé au cours du printemps dernier de conclure des contrats avec des entreprises indiennes pour la fourniture de viande congelée et désossée. Du buffle dans nos assiettes, cela aurait apparemment « déplu au président au point ou il a jeté le dossier sur le bureau », assure nos sources

Dès le départ, ce dossier d’importation est entouré d’un faisceau d’anomalies qui laissent peu de doutes sur son caractère frauduleux. Première anomalie : Le choix du pays exportateur : l’Inde. C’est la première fois que les Algériens décident de s’approvisionner auprès de ce pays. Depuis au moins deux décennies, l’essentiel des importations de l’Algérie en matière de viande congelée et désossée se fait auprès de fournisseurs en Amérique Latine, en Océanie et en Europe . Le principal fournisseur de l’Algérie de viande est le Brésil avec plus de 22 000 tonnes. Avec 1323 tonnes exportées, l’Uruguay occupe la seconde position. L »Algérie importe de la viande rouge congelée de plusieurs pays tels l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Argentine, le Brésil, le Salvador, l’Uruguay, le Danemark, la Géorgie et l’Italie. Sur cette liste de 10 plus gros fournisseurs au cours de l’année 2009, l’Inde n’y figure pas. Comment alors ce dernier se retrouve-t-il être un client privilégié avec une commande de 10 000 tonnes pour un montant de 30 millions de dollars? Comment les clients traditionnels ont-ils été évincés au profit d’un nouveau venu?

Second anomalie : Le choix des importateurs. Visiblement, il y a eu un intense lobbying aussi bien de la part de la société d’État, la Sotracov, que de la part d’un cartel d’importateurs privés qui se partagent ce secteur. Le marché indien a été ouvert par les autorités algériennes en un temps record, à savoir deux mois. Les hommes d’affaires indiens sont arrivés en Algérie début mai 2010 et ont signé les contrats moins de quinze jours plus tard. Outre la Sotracov qui a décroché le marché, un seul privé a pu obtenir l’exclusivité du marché indien, un certain Chikhi, importateur installé à Hussein-Dey, à Alger. Curieusement, cet homme d’affaires a réussi à évincer tous ses concurrents pour s’adjuger le marché. Cette exclusivité, il la doit, dit-on, à sa grande proximité avec le ministre de l’Agriculture, Rachid Benaïssa. Sauf que ce deal n’a pas tenu longtemps. Ulcéré d’être écartés du marché, d’autres importateurs ont donc joué de leur influence pour casser le monopole accordé à Chikhi. C’est ainsi que l’on a décidé de faire sauter l’exclusivité obtenu par ce dernier pour ouvrir le marché indien à d’autres hommes d’affaires. Ils sont aujourd’hui six à se partager ce gros gâteau.

Troisième anomalie : L’origine de la viande. Les autorités chargées de ce dossier ont commis un mensonge. Mensonge par omission ou délibéré, toujours est-il qu’il s’agit bel et bien d’un mensonge. C’est que dès le départ, on a parlé de «viande bovine», c’est à dire de viande de bœuf. Or, rien n’est moins vrai tant il s’agit de viande de buffle indien, connue sous le nom de « Buffalus babulus », et non de viande de bœuf. La nuance est de taille. Pourquoi les responsables n’ont pas spécifié dés le départ que la viande importée est celle du buffle et non de bœuf ? Pourquoi ont-ils omis de faire cette précision? Pour ne pas éveiller les doutes? Parce qu’ils estiment que le consommateur algérien n’est pas en droit de connaître l’origine, la qualité du steak qu’il met dans son assiette? Sans doute tout cela à la fois.

Quatrième anomalie : La qualité de la viande indienne. Bien sûr les autorités algériennes on multipliés les assurances : Oui, des équipes de vétérinaires se sont rendues en Inde pour effectuer des analyses dans les abattoirs indiennes. Bien sûr, des analyses ont été effectuées sur les échantillons de viande et celles-ci ont conclu que la viande est consommable. Oui, l’ambassadeur d’Inde en Algérie a rassuré que la viande importée de son pays est d’une « excellente qualité, 100 % halal ». Oui, mais il y a deux bémols à toutes ces garanties. La viande indienne est connue pour être infestée par le sarcocyste, un dangereux parasite qui infeste les animaux. Ensuite, cette viande est interdite d’importation en Europe et aux États-Unis. Comment peut-on autoriser l’importation d’une viande en Algérie quand elle est interdite sur le marché indien et américain?

En attendant d’avoir des réponses à ces questions, le consommateur algérien a le loisir de goûter à la viande indienne dès le 8 août prochain.