L’ancien membre de la direction du FLN est sorti de son mutisme par «devoir de mémoire», nous dit-il, car, selon lui, le FLN a dévié de ses principes et de ses valeurs.
Dans cet entretien à bâtons rompus qu’il nous a accordé, il accuse Belkhadem de s’être octroyé les pleins pouvoirs à l’occasion du 9e congrès, bafouant les règles de collégialité qui ont permis au parti de survivre à toutes les crises qui l’ont traversé.
Avec les nouvelles prérogatives du secrétaire général du FLN, Salah Goudjil estime que Belkhadem a instauré la «zaâma», qui le place au-dessus de toutes les instances du parti et qui fait de lui l’unique détenteur du pouvoir dans la prise des décisions politiques engageant le parti. Il explique également que c’est le différend qui l’oppose à l’actuel patron du parti et qui a éclaté au grand jour durant le rendez-vous organique tenu à la Coupole du 5-Juillet.
Plusieurs révélations nous ont été faites, comme l’option de désignation des mouhafadhs par le SG du FLN, au lieu de leur élection par la base, la composante du bureau politique qui n’a, en fait, plus aucune prérogative pour cause de dilution des responsabilités, la liste des membres du comité central qui n’a pas encore été rendue publique, le déséquilibre dans la représentation des wilayas, le quota insignifiant des postes politiques accordé aux femmes.
Il dénonce aussi l’opacité, l’exclusion et l’absence de débat démocratique.
Le Soir d’Algérie : Vous étiez membre de la direction du FLN. Pouvez-vous nous faire le bilan des cinq dernières années ?
Salah Goudjil : Si on doit faire un bilan, je dirai que ces cinq dernières années ont été difficiles, dans le sens où on venait de traverser une crise assez complexe et qu’on avait comme objectif la réunification du parti, ce en quoi on croyait fortement.
On avait mis en place des structures qui auraient permis d’absorber toutes les dissensions et toutes les divergences et de maintenir l’équilibre au sein du parti. Sans oublier que ces nouveautés auraient aussi permis la modernisation du parti. Je dois vous dire qu’en ce qui me concerne, j’étais convaincu de la réussite de la réconciliation entre les militants du FLN mais aujourd’hui, avec ce qui se passe, je ne peux cacher ma déception.
La façon dont est mené le parti me fait mal, et si j’ai décidé de parler, c’est par devoir envers mon pays, le parti et les militants. J’étais contre la dissolution du conseil national ainsi que des autres structures mises en place lors du 8e congrès rassembleur.
Il fallait juste les épurer. Nous avions trouvé, là, de bons mécanismes pour faire fonctionner le parti en y maintenant une certaine stabilité. En tout cas, l’esprit de collégialité restait plus ou moins intact. J’ai désapprouvé le retour aux anciennes appellations ; je l’ai dit devant tout le monde, sauf que j’étais en position minoritaire.
Le danger réside dans les statuts qui donnent les pleins pouvoirs à Belkhadem. Il n’est plus responsable devant les autres instances, il n’est pas SG du CC, il est SG du FLN. Il peut désigner comme il peut démettre. Il est le maître absolu.
Justement, la célérité avec laquelle ont été conduits les travaux du 9e congrès et, avant cela, ceux du conseil national donne l’impression qu’ils ont été bâclés, voire ficelés d’avance. Qu’est-ce qui a motivé, selon vous, cette urgence ?
C’est une question importante à laquelle je répondrai qu’effectivement, c’est le constat que l’on peut faire. Concernant le 9e congrès, je n’étais pas du tout d’accord avec la date arrêtée pour sa tenue. J’en avais fait part à Belkhadem et au comité exécutif, car j’estimais que nous n’étions pas prêts pour l’organiser
Il y avait dix mouhafadas avec leurs kasmas qui n’étaient pas légitimes. Il fallait d’abord assainir ces structures pour que les militants qui devaient venir au congrès soient les représentants légitimes de la base, et ce en passant par des élections propres et transparentes. Mais ceux qui sont venus étaient désignés.
Donc point de légitimité et, en conséquence, même la direction était frappée d’illégitimité. Mais Belkhadem n’a pas tenu compte de mes appréhensions et a refusé de faire reculer la date. Je lui ai expliqué mes raisons, devant la direction du parti et par écrit, en vain.
Lors de la dernière réunion de l’ancienne direction, nous avions émis une instruction stipulant clairement que la liste des militants devait être affichée dans chaque kasma et que celui qui n’y trouvait pas son nom avait le droit de faire un recours pour demander à y figurer.
J’avais dit à Belkhadem qu’un assainissement sous cette forme permettrait de connaître le nombre de militants et de pouvoir procéder à l’organisation d’assemblées électives pour l’élection des délégués au congrès.
Mais cette opération nécessitait plus de temps, car nous ne pouvions pas l’entreprendre en 15 jours. Il nous fallait au moins 3 mois, et de ce fait, il fallait le reporter. Il a répondu que j’étais le seul à réclamer ce report et que les autres ne disaient rien.
Résultat, des problèmes partout, à M’sila, Batna, Biskra, Khenchela, Saïda, Naâma, Oran, Tlemcen, Mostaganem, El-Oued, et j’en passe. Toutes ces wilayas étaient en butte à des problèmes à cause de l’illégitimité des responsables au regard des statuts et règlements du parti.
Le pire est que maintenant, le fait que le mouhafadh soit désigné créera d’autres problèmes. Les mouhafadhs en place actuellement vont se préparer de façon à demeurer à leur poste. Le grand défi pour le parti est de se maintenir à la première place en tant que formation majoritaire.
Nous allons vers des rendez-vous électoraux, les élections législatives de 2012 arrivent, et en mon for intérieur, je suis pessimiste. Pourrions-nous avoir la majorité ? J’en doute. Je le dis pour l’Histoire. Les résultats des derni