Cela fait trois ans et neuf mois que Jennifer Prinz n’a plus eu aucune nouvelle de son fils Rhani.
La dernière fois que la mère a vu son enfant, c’était le 4 avril 2014 à Constantine, lors d’un droit de visite.
Le 24 avril 2014, Jennifer Prinz voit son ex-compagnon Jamel Mahdi devant le procureur d’El Khroub. Jennifer Prinz venait d’obtenir une décision en sa faveur: une ordonnance exécutoire qui signifiait au père de rendre immédiatement l’enfant à la mère.
Ce jour-là, forte d’une décision de justice algérienne en sa faveur, Jennifer Prinz pensait qu’elle était enfin au bout de ses peines, après deux années d’une bataille légale menée à Constantine pour retrouver son fils qui a été enlevé par son père biologique en France le 8 juin 2012.
Mais ce jour-là, le père refusant d’obtempérer à la décision du juge a pris la fuite, emmenant le petit Rhani qui n’avait alors pas encore cinq ans.
Jennifer a 33 ans. Elle est française et elle a rencontré le père de son enfant en 2006. Jamel Mahdi, dit-elle:
“est né en France, et bénéficie de la double nationalité, nous nous sommes rencontrés par le biais d’un couple d’amis en commun. Il y avait des hauts et des bas dans la relation. A cette époque je ne connaissais rien à la religion (maintenant je suis convertie depuis 2014 Dieu merci). En 2009, Rhani est né, Jamel n’était pas du tout pratiquant, nous ne nous sommes pas mariés ni civilement ni religieusement. En France la loi permet au père de reconnaître l’enfant né hors mariage. Jamel a changé radicalement à la naissance de l’enfant , il est devenu extrême (interdictions multiples : photos, musique, sorties…) il est parti plusieurs mois en Égypte dans une école, je n’ai jamais su ce qu’il a fait. Un jour, le 8 juin 2012, alors que Rhani avait 2 ans et 10 mois, il a profité de mon absence au domicile pour emmener Rhani en Algérie”.
La mère ignorait dans quelle ville en Algérie se trouvaient le père et le fils. En France, elle réussit à avoir la garde de son fils et le tribunal correctionnel condamne le père biologique à 2 ans de prison ferme et émet un mandat d’arrêt international.
Il lui a fallu une année entière pour retrouver l’adresse en Algérie. Lorsqu’elle finit par retrouver la trace de Rhani et Jamel, installés chez le grand-père à Ain Abid dans la wilaya de Constantine, Jennifer fait sa valise, quitte la France et saisit la justice à Constantine.
Ce qu’elle ne sait pas c’est qu’elle a quitté son pays pour deux longues années: “Je tenais absolument à être présente à toutes les audiences au tribunal”, explique-t-elle, “au début c’était très dur” pour cette étrangère qui ne connait pas grand monde à Constantine et qui ne parle pas un mot d’arabe.
De ces années-là, son avocate algérienne Me Nora Djaouad Saad Essaoud, garde un souvenir peiné pour la mère de Rhani:
“Jennifer a beaucoup souffert pendant deux années, comment trouver un logement, comment louer un appartement, comment s’adapter à la société ici, elle s’est convertie à l’Islam et a mis le foulard, elle était si contente que la justice algérienne tranche en sa faveur”.
Pour Me Djaouad Saad Essaoud, “la justice algérienne a tranché en faveur d’al haq, le droit”. Et depuis que Jamel Mahdi a pris la fuite, confirme l’avocate, un mandat d’arrêt national a été émis contre lui et dans tous les aéroports et points de sorties du territoire national.
Pendant les deux années d’attente à Constantine, Jennifer avait bénéficié d’un “droit de visite” et Jamel Mahdi était sommé de lui ramener Rhani pour le voir le vendredi et le samedi de 9h à midi.
Ces rencontres, Jennifer s’en souvient comme de moments de bonheur et de grande douleur:
“C’étaient des visites qui se faisaient en public, dans la réception de l’hôtel où j’étais descendue lors de ma toute première visite à Constantine. Et même si je n’y suis pas restée longtemps et que j’étais dans un logement, je devais continuer à voir Rhani dans cet espace public. Je me souviens, Rhani était timide et n’aimait pas que je lui fasse des câlins devant les gens qui allaient et venaient”.
La justice algérienne a tranché en faveur de Jennifer Prinz pour la simple raison qu’elle est l’unique parent légalement reconnu de Rhani, le couple n’ayant jamais été mariés.
En Algérie, Jamel Mahdi a écopé de deux ans de prison fermes pour non représentation d’enfant et un mandat d’arrêt national a été émis contre lui. Il a aussi écopé de deux autres années de prison fermes pour coups et blessures à l’arme blanche contre la mère de son enfant.
Le juge d’instruction d’El Khroub a ordonné “énormément de perquisitions et des recherches étendues dans la famille”, affirme Jennifer mais sans résultats.
Aujourd’hui cela fait trois ans et neuf mois qu’elle n’a plus eu aucune nouvelle de Rhani: “mon seul espoir c’est de médiatiser pour que le plus grand nombre d’Algériens sachent ce qui est arrivé et que ceux qui ont des informations sur mon fils viennent à mon aide”.
Jennifer Prinz a ouvert une page Facebook “Retrouvons Rhani” sur laquelle des centaines d’Algériens lui expriment leur sympathie et lui envoient leurs encouragements.
La mère de Rhani a pris soin de poster tous les documents légaux en sa possession et en sa faveur sur cette page FB.