Report de la décision finale d’investissement dans le Galsi Un gazoduc sous hautes pressions

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Cependant, ils expliquent les «raisons techniques» du report de la décision finale d’investissement (DFI) pour sa réalisation au 30 mai 2013, par des perturbations provoquées par les hydrocarbures non conventionnels (gaz et pétrole de schiste) et la concurrence des projets russes.

Le professeur Chems Eddine Chitour, enseignant à l’Ecole nationale polytechnique d’Alger, souligne que la version de Sonatrach sur le report de la décision finale pour la réalisation du projet de gazoduc Galsi, en évoquant des «raisons techniques», est «une façon diplomatique et politiquement correcte pour dire qu’il y a un sérieux problème».

Il rappellera que ce projet a été «conceptualisé, il y a une dizaine d’années, à l’époque où l’AIE (Agence internationale de l’énergie) montrait que le marché du gaz sera de plus en plus tendu et qu’il vaut mieux pour l’Algérie et l’Italie de s’engager sur une politique de long terme mutuellement profitable».

Depuis, selon lui, «plusieurs donnes sont apparues». Il s’agit, d’abord, de la réalité des gaz de schiste, ce qui a perturbé fondamentalement le marché du gaz puisque le plus grand producteur, les Etats-Unis, va vers l’autosuffisance, voire l’exportation dans quelques années. Ceci a particulièrement été bien illustré par le rapport de l’AIE WEO (World Energy Outlook) de novembre dernier. Ainsi, la donne gazière mondiale a fondamentalement changé.

De plus, le gaz soviétique devient de plus en plus abordable, notamment avec la mise en service prochaine du North Stream et du South Stream renvoyant aux calendes grecques le projet Nabucco (reliant l’Iran et les pays de la Transcaucasie à l’Europe centrale qui permettrait, dès 2017, de diversifier les sources d’approvisionnement énergétique de l’Europe, notamment comme la Hongrie qui dépend à 80% du gaz russe).

Enfin, l’Italie se découvre des gisements de gaz de schiste et, surtout, de pétrole de schiste qui peuvent lui permettre de changer de modèle de consommation en réduisant la part du gaz importé d’Algérie.

«Les temps seront de plus en plus difficiles pour l’Algérie, nous l’avons vu avec le GNL qui n’est plus exporté aux Etats-Unis du fait que ces derniers sont autosuffisants », signale le Pr. Chitour qui ajoute que «l’Algérie passe son temps à chercher des acheteurs pour un gaz naturel qu’elle est prête à brader, l’essentiel étant que les devises rentrent ».

Pour lui, «ceci provient d’un manque de visibilité pour le futur dans le cadre d’une stratégie de développement durable, et que seul un modèle énergétique flexible et cohérent, engageant toute la société, tous les départements ministériels, pourra sauver le pays et laisser quelque chose aux générations futures». A son avis, «il faut développer de nouvelles formules avec les partenaires, ainsi qu’un transfert massif de technologie dans les énergies renouvelables contre un approvisionnement pérenne. Ce sera un partenariat gagnant-gagnant».

«L’ALGÉRIE DOIT DÉFENDRE LE PRINCIPE DES CONTRATS À LONG TERME»

Pour Abdelmadjid Attar, ancien P-DG de Sonatrach et patron du Cabinet Petrochem 2000, les raisons du report du projet Galsi sont «économiques» «liées aussi bien à la compétition qui semble s’annoncer sur le marché italien et celui de toute l’Europe avec le gaz russe, d’une part, et celui de Qatar, d’autre part. Il s’agit, par conséquent, d’une situation délicate où il ne faut pas prendre de risques en matière d’investissement, mais tout en demeurant présent sur la scène en fonction de son évolution».

Concernant l’éventualité d’un retrait de l’Algérie du projet Galsi, elle «est possible si on aboutit à une situation où le projet ne pourra pas fonctionner avec la capacité prévue». Pour lui, l’Algérie devrait «défendre sa part de marché en matière de volume et des prix actuels parce que tout volume supplémentaire vendu sera un volume de réserves de moins pour les besoins futurs du pays».

Dans le cas d’un retrait, il se s’agit pas seulement des 8 milliards m3 de gaz à vendre, mais aussi de l’impact que pourrait avoir «moins de ventes sur les autres gazoducs du fait de la compétition entre fournisseurs et des pressions actuelles sur la Sonatrach en matière de volumes et des prix de la part de l’Italie et d’autres clients», a-til avancé.

Il est d’avis que «l’Algérie doit absolument défendre le principe des contrats à long terme pour garantir non seulement ses parts de marché, mais, aussi, un prix acceptable qui lui permettrait non seulement de récupérer ses investissements, de continuer à investir en matière d’effort de recherche et de développement, mais, également, de garantir l’approvisionnement du marché».

De plus, «la crise économique actuelle, qui affecte plus spécialement les pays de l’OCDE, et parmi eux ceux de l’Europe dont la consommation stagne ou diminue en ce moment, et les mutations «géo-énergétiques» actuelles du fait d’une nouvelle carte des réserves et de la nature des sources d’énergie, devraient amener les pays producteurs de gaz et de pétrole à se concerter et non à se bousculer sur les marchés existants».

«LA LIBÉRALISATION EN EUROPE MET À MAL LES CONTRATS À LONG TERME»

Pour Jean-Jacques Royant, responsable Moyen- Orient-Afrique du Nord et de l’Est du Groupement des entreprises parapétrolières et paragazières en France, «s’engager dans un projet tel que celui du gazoduc Galsi exige que les contrats de vente soient sécurisés avec les clients».

Il ajoute qu’«avec la libéralisation des réseaux de gaz en Europe, il est plus difficile de signer un contrat à très long terme». De plus, «la concurrence russe et celle de l’Asie centrale sont actives». Autre risque, selon lui, «s’engager à fournir le marché européen demande une date précise de mise en fonctionnement et un engagement sur la quantité disponible à très long terme».

Le projet du gazoduc Galsi, signé le 21 décembre 2001 entre Sonatrach, Enel Power, Wintershallag, EOS Energia et la société Edison pour la création d’une société d’étude de faisabilité et de promotion du projet, relie l’Algérie à partir du champ de Hassi R’mel à l’Italie via la Sardaigne pour la commercialisation de 8 milliards m3 de gaz.

La société Galsi a vu le jour le 29 janvier 2003 avec une participation de Sonatrach de 36% au capital total. Le projet est inscrit dans la liste des projets d’intérêts «prioritaires» par la Commission européenne.

Fella Midjek