Rédha Malek et la diplomatie de l’Algérie,«Très loin de celle avant-gardiste des années 1970»

Rédha Malek et la diplomatie de l’Algérie,«Très loin de celle avant-gardiste des années 1970»

«L’actuelle diplomatie algérienne est loin de celle avant-gardiste des années soixante-dix du fait d’un contexte international totalement différent de celui prévalant à cette époque». C’est là la conviction de Rédha Malek, l’ancien diplomate racé et ancien ministre et chef de gouvernement.

Un aveu arraché en aparté, à la fin de la conférence qu’il a animée, hier au siège d’ El Moudjahid, dans le cadre du forum de la mémoire qu’organise le quotidien de concert avec l’association Machaâl Echahid pour célébrer les festivités marquant le cinquantième anniversaire de l’adhésion de l’Algérie à l’ONU, le 8 octobre 1962. Pour lui, ce constat certes sévère mais réel «relève de la responsabilité de tous», manière subtile de renvoyer dos à dos, les uns et les autres. «Nous n’avons pas pu ou pas su transmettre les enjeux réels de notre diplomatie aux générations montantes», poursuivra Rédha Malek avant que le président de Machaâl Echahid, association coorganisatrice de cette conférence, ne «chippe» le conférencier, visiblement gêné par notre question sur l’avis de ce dernier sur l’action diplomatique de l’Algérie ces dernières années. L’auteur de la célèbre réplique «la peur doit changer de camp» a, à l’occasion, fait une rétrospective brève des relations du pays d’avec l’instance onusienne. Des relations qui ont démarré, selon lui, en 1955, les dirigeants de la révolution étaient convaincus de la nécessité du levier diplomatique à l’effet, dira-t-il, de nous faire entendre de par le monde et internationaliser la question algérienne considérée, jusque-là, comme une affaire interne à la France. Une entame donc, vaine du fait que, dira Malek, la majorité des pays susceptibles de soutenir notre cause étaient encore sous colonisation». Il a fallu attendre, alors, trois ans plus tard, soit en 1958, l’année que le conférencier qualifiera d’ailleurs, d’étape importante puisque, dira-t-il, «la question algérienne sera désormais au cœur des préoccupations internationales». Plusieurs événements ayant intervenu durant cette année ont été pour beaucoup dans la prise de conscience des pays à l’égard de la question algérienne. D’abord, celui de Sakiet Sidi Youcef, petit village tunisien situé à la frontière d’avec le pays, commis par l’autorité coloniale en février. Il y a eu ensuite le fameux comité du salut public qui a eu raison de la deuxième République et qui a vu, en juillet, de Gaulle regagner Matigon. Il y a eu, enfin, la constitution du GPRA quelques semaines plus tard, en septembre de la même année. Autant de nouveaux éléments qui ont été pour beaucoup dans la résolution prise par la 13e assemblée générale de l’ONU, en décembre 1958, reconnaissant pour la première fois, le droit du peuple algérien à son autodétermination. Une résolution qui n’aurait jamais pu intervenir sans l’abstention américaine. Rédha Malek affirmera, fort à propos, que cette abstention, une première pour le pays de l’oncle Sam, était un tournant décisif dans le long processus du règlement pacifique de la question algérienne. Ce fut surtout, dira-t-il encore, une sévère gifle pour de Gaulle qui, tout en qualifiant l’ONU de machin, envoyait ses ministres pour plaider la cause française et une missive au président Eiseinhauer. Un cinglant désaveu qui a fini par faire admettre à l’administration coloniale quant à la vanité de la poursuite de la colonisation. Et chose faite puisque de Gaulle reconnaîtra à son tour le droit du peuple algérien à l’autodétermination avec l’enclenchement, en juin de l’année suivante, du processus, des pourparlers connus sous le générique des négociations d’Evian qui ont débouché, le 18 mars 1962, au fameux accord de cessez-le-feu effectif le lendemain. L’indépendance acquise, l’Algérie deviendra membre à part entière de l’instance onusienne, le 8 octobre 1962. Et depuis, la diplomatie du pays sera frappée du sceau avant-gardiste avec une action soutenue dans le cadre de l’organisation des pays non alignés dont Alger abritera le sommet de 1973 qui a vu l’Algérie solliciter de l’ONU une session spéciale consacrée aux questions économiques à une époque où le pétrole ne valait rien face aux autres matières premières. Ce qui, d’ailleurs, interviendra l’année suivante, et constituera une victoire pour notre diplomatie qui aura à être le défenseur acharné des causes justes et des combats libérateurs des peuples encore sous domination. Rédha Malek citera, notamment l’interpellation par le président de la République, alors ministre des Affaires étrangères, de l’assemblée générale de l’ONU, pour suspendre l’Afrique du Sud, dont le régime d’alors était basé sur l’apartheid.

M. K.